L’Union Internationale des Télécommunications (UIT), organe onusien, a tenu du 3 au 14 décembre une conférence à Dubaï sur la gouvernance. Cette réunion avait pour objectif la révision du “règlement des télécommunications internationales” (RTI) qui expose les principes généraux qui garantissent la libre circulation des informations dans le monde.
Ce traité qui coordonne les télécommunications de la plupart des pays du monde depuis la fin du 19ème siècle, n’avait plus été modifié depuis 1988 et ce, malgré l’essor d’Internet et de la téléphonie mobile. Les 193 pays membres de l’Union Internationale des Télécommunications, placée sous la tutelle des Nations Unies, et quelques 700 organismes du secteur privé ont ainsi débattu autour de la question de la gouvernance d’Internet.
Les enjeux de la régulation d’Internet négociés
Le principal sujet débattu durant cette conférence était de savoir si Internet devait être régulé par l’UIT, et à quel point.
Certains Etats comme l’Inde et la Russie ont proposé un amendement qui aurait pour effet de créer, au sein du RTI, un chapitre “Internet” spécifique qui affirmerait le droit des états à réguler Internet chez eux. Les états membres de l’UIT auraient ainsi “des droits égaux pour réguler l’internet”, et donnerait compétence à l’UIT pour réguler l’adressage et le routage. Concrètement, ces pays contestent la suprématie de l’ICANN et souhaiteraient que cet organisme indépendant gérant les noms de domaines sur le Net, soit mis à l’écart (puisque piloté en fait uniquement par les Etats-Unis).
A l’inverse, les États-Unis et ses alliés s’opposent fermement à ce que les États puissent, à travers l’UIT, gérer Internet. Le Parlement européen, ainsi que le Congrès américain avaient d’ailleurs rejeté, avant le début de la conférence, toutes modifications de la gouvernance actuelle. Actuellement, la gouvernance d’Internet appartient à des agences non gouvernementales, comme l’ICANN qui gère les noms de domaine. Or, si la gouvernance d’internet était dévolue à l’UIT, chaque pays aurait le même pouvoir de décision sur internet, ce qui engendrait un possible risque de contrôle de contenus.
En définitif, le terme d’internet n’a pas été intégré dans le RTI. Toutefois, la Résolution n° 3 intitulée « Promouvoir un environnement propice à la croissance accrue de l’Internet », pourrait néanmoins être sujette à interprétation. Il y est écrit que « tous les gouvernements devraient avoir égalité de rôle et de responsabilité dans la gouvernance internationale de l’Internet, ainsi que dans le maintien de la stabilité, de la sécurité et de la continuité de l’Internet actuel et de son évolution future ainsi que de l’Internet de demain, et que la nécessité pour les gouvernements d’élaborer des politiques publiques en consultation avec toutes les parties prenantes a également été reconnue ».
L’absence de consensus malgré l’adoption d’un nouveau traité
Après deux semaines d’intenses négociations et de débat, un nouveau traité a été adopté suite à la signature de “seulement” 89 pays membres de l’UIT, soit une faible majorité. Au total, 55 pays n’ont pas signé le document. Parmi les pays ayant refusé de signer ce nouveau texte, on retrouve les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, ou encore le Japon.
A ce titre, les Etats unis ont justifié leur décision en précisant “qu’ils ne pouvaient pas approuver un traité qui ne soutient pas le modèle multi-acteurs de la gouvernance d’Internet”. De son côté, la France a annoncé ne pas avoir signé ce nouveau règlement au motif que “certaines dispositions du nouveau traité sont susceptibles d’être interprétées comme une remise en cause des principes fondants notre position et celle des pays européens.”
Ainsi, au vu du faible nombre de pays ayant signé ce traité, il est difficile de prévoir les répercussions que celui-ci aura au niveau international. Cette conférence aura alors seulement permis de creuser un peu plus le fossé entre les pays favorables à la non-ingérence des gouvernements dans la gestion d’internet et au maintien du système multi-acteurs, et les pays qui souhaitent que la gestion d’internet n’appartienne plus seulement à l’ICANN et autres entreprises américaines.
Le sommet se termine donc par une mise en échec des stratégies destinées à reprendre le contrôle du réseau. Néanmoins, il est probable que, sur la durée, les revendications des pays émergents et contestataires du système actuel soient de plus en plus fortes et contribuent à une réforme du système actuel.
Sources :
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