Le 4 décembre dernier, l’UFC que choisir a rendu public les résultats de son enquête ouverte suite aux plaintes de nombreux abonnés Free. En effet, ces derniers se plaignaient des temps de chargement interminables des vidéos sur Youtube, voir de l’impossibilité de visionner ces vidéos.
L’enquête de l’UFC que choisir sur la qualité d’accès à internet avait pour but non seulement de mesurer l’insatisfaction des abonnés Free concernant Youtube, mais aussi l’insatisfaction des consommateurs d’autres opérateurs vers d’autres services populaires. 16 000 internautes ont été interrogés, les résultats sont sans appels : 83% des abonnés Free affirment avoir des difficultés d’accès à Youtube. Mais si Free est l’opérateur qui fait l’objet de plus de plaintes, les autres opérateurs ne sont pas épargnés, 45% des abonnés Orange et SFR déclarant avoir aussi des problèmes d’accès à Youtube. On remarque aussi avec étonnement que les abonnés Orange sont ceux qui ont le plus de problèmes de connexion à Dailymotion qui appartient pourtant à 49% à l’opérateur.
Ces problèmes d’interconnexion entre Free et Youtube ne sont pas récents. L’UFC Que choisir avait même, en mai dernier, suggéré en vain au gouvernement de contraindre Google, maison mère de Youtube, et Free à trouver un accord. Selon l’UFC, les problèmes actuels résideraient dans l’absence d’un accord d’interconnexion entre Free et Google. En effet, il semblerait que les deux entreprises s’accusent mutuellement de ne pas assez investir dans les infrastructures nécessaires pour pouvoir acheminer l’important trafic de consultation des vidéos, trafic qui nécessite la mise en place de liaisons de débit suffisant. Le fait que Youtube envoie massivement des vidéos qui demandent une grande quantité de débit rend le trafic entre les deux entreprises asymétrique. Free entend donc faire payer Google, qui est évidement contre cette idée. La conséquence de ceci est la suivante : Free bride l’accès à Youtube de ses abonnés, et ce sont donc les consommateurs qui pâtissent de la situation. De plus, cela entraine la violation du principe de la neutralité du net selon lequel « quel que soit le contenu, le protocole, la source et la destination de ces données, elles doivent être transmises de la même manière »[1]. La solution pour laquelle les opérateurs militent, à savoir faire payer les services qui demandent une grande quantité de débits, peut aussi être décriée puisqu’elle conditionnerait l’accès au paiement consentis par les fournisseurs de services. De plus, s’il serait, en pratique, possible de faire payer les grands acteurs comme Google, Facebook, Amazon… qu’en serait-il des autres ? cela ne risquerait-il pas de fermer le réseau aux nouveaux acteurs ?
Cette affaire fait évidemment écho à celle qui opposait Orange/Cogent : l’Autorité de la concurrence avait considéré que le fait pour orange de brider l’accès de ses abonnés à Cogent (opérateur de Mégaeupload), avec pour but de faire payer à ce dernier une augmentation de la capacité de connexion, ne constituait pas une infraction.
De son coté, Free ne nie d’ailleurs pas les dysfonctionnements. Il a dénoncé en début d’année le manque d’investissement de Google dans les infrastructures. En Août dernier, Xavier Niel avait même admis que le problème d’interconnexion était dû à des relations difficiles entre les deux entreprises et avait invité ses abonnés à préférer Dailymotion à Youtube pour contourner le problème. Cependant, selon l’UFC Que-Choisir « le problème de qualité des connexions internet ne peut s’expliquer uniquement par des désaccords entre les opérateurs et les prestataires de services internet sur l’interconnexion. La diversité des plaintes pose en effet la question du dimensionnement de l’infrastructure et donc de l’investissement ».
L’ARCEP a, début décembre, annoncé qu’une enquête administrative était ouverte depuis novembre sur la dégradation de la qualité de services entre Free et Youtube. Il faut cependant insister sur le fait que l’enquête n’est pas une procédure de règlement de différends entre opérateurs, car il n’y a pas eu de saisine de l’ARCEP (seule une des deux parties peut saisir l’autorité, ce qui n’a pas été fait). Le gendarme des télécoms a demandé à Google et à Iliad, maison mère de Free, ainsi qu’à 3 opérateurs de transit de répondre à un questionnaire et de transmettre leurs explications techniques et financières au cours du mois de décembre. L’ARCEP décidera début 2013 des suites à donner à cette affaire.
Il faut pour finir faire état de l’initiative de trois sénateurs (deux sénateurs UMP et un sénateur PS) qui ont écrit à Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’économie numérique, afin qu’une réponse réglementaire et législative soit apportée sur les problèmes de connexion à certains services rencontrés par un nombre non négligeable d’abonnés. Leur demande concerne l’ensemble des opérateurs et s’étend à l’ensemble des interconnexions de services de vidéos en ligne.
SOURCES :
ANONYME, « L’Arcep se penche sur les lenteurs de Youtube chez Free », Le Figaro, http://www.lefigaro.fr/hightech/2012/12/05/01007-20121205ARTFIG00648-l-arcep-se-penche-sur-les-lenteurs-de-youtube-chez-free.php, mis en ligne le 5 décembre 2012, consulté le 20 décembre 2012.
ANONYME, « Free attaqué pour les ralentissements sur Youtube », Le Monde, http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/09/20/free-attaque-pour-les-ralentissements-de-youtube_1763130_651865.html, mis en ligne le 20 septembre 2012, consulté le 20 décembre 2012.
BERGE (F.), « Free et Youtube : L’Arcep avait déjà lancé une enquête administrative », Pcinpact, http://www.pcinpact.com/news/75839-larcep-enquete-sur-lenteurs-youtube-chez-free.htm, mis en ligne le 5 décembre, consulté le 20 décembre 2012.
CARIO (E.), « De la friture vers Youtube », Ecrans, http://www.ecrans.fr/De-la-Freeture-vers-YouTube,15434.html, mis en ligne le 29 octobre 2012, consulté le 20 décembre 2012.
CUNY (D.), « Lenteurs de Youtube chez Free : le gendarme des télécoms ouvre une enquête », La Tribune, http://www.latribune.fr/technos-medias/telecoms/20121205trib000735386/lenteur-de-youtube-chez-free-le-gendarme-des-telecoms-ouvre-une-enquete.html, mis en ligne le 5 décembre 2012, consulté le 20 décembre 2012.
L (J.), « Les abonnés de Free expriment leurs ras-le-bol à l’UFC-Que Choisir », Numérama, http://www.numerama.com/magazine/24426-les-abonnes-de-free-expriment-leur-ras-le-bol-a-l-ufc-que-choisir.html, mis en ligne le 5 décembre 2012, consulté le 20 décembre 2012.
[1] CARIO (E.), « De la Freeture vers Youtube » , Ecrans, http://www.ecrans.fr/De-la-Freeture-vers-YouTube,15434.html, mis en ligne le 29 octobre 2012, consulté le 20 décembre 2012