Le 1er janvier 2013 sont entrés en vigueur les nouveaux barèmes concernant la redevance pour copie privée. Les négociations de la commission pour copie privée ont été âpres, et ont même entraîné une démission massive de membres représentants des industriels de la commission de la copie privée chargée de fixer les montants. Retour sur une taxe aujourd’hui sérieusement remise en cause.
La redevance pour copie privée
La redevance pour copie privée (RPCP) a été créée par une loi du 3 décembre 1985 dite Lang. La copie privée constitue une exception au monopole d’exploitation appartenant à l’auteur d’une œuvre : grâce à elle, les personnes peuvent pour leur propre usage copier des œuvres protégées par le droit de la propriété intellectuelle, sans demander d’autorisation au titulaire du monopole d’exploitation. Néanmoins, cette exception a une particularité, et ce depuis la loi de 1985 : les auteurs sont rémunérés au titre de cette copie privée. Il y a en effet une taxe qui est prélevée sur tous les supports vierges et qui est reversée au titre du droit d’auteur.
Il s’agit du montant de la taxe prélevée sur les supports qui fait aujourd’hui l’objet de contestations. En effet, le pourcentage est différent selon chaque support, et le barème est très régulièrement réévalué pour tenir compte des évolutions techniques et des usages. C’est la commission de la copie privée, créée par l’article L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle, qui est en charge de cette réévaluation. Cette commission est composée de 12 représentants des auteurs, producteurs et interprètes dits « ayants-droits », de 6 représentants de consommateurs et de 6 représentants d’industriels, ce qui fait en tout 24 membres.
L’origine du conflit
Les barèmes font l’objet de critiques récurrentes de la part des industriels et de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir. Depuis deux ans, le conflit a pris de l’ampleur au sein de la commission entre les industriels et les ayants-droits. Les industriels dénoncent en effet la sur-représentation de ces derniers au sein de la commission, et ainsi la transformation de la RPCP en une taxe totalement déconnectée de la réalité. Ils réclament une refonte en profondeur du système. De leur côté, les ayants-droits soulignent la grande utilité de la RPCP dont 25 % est reversé à des « actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes ». Ainsi, en 2011, 193 millions d’euros ont été récoltés grâce à la redevance, dont 25 % est allé au financement de festivals et manifestations culturelles.
Suite à une invalidation des barèmes de 2011 par le Conseil d’Etat, ils devaient être revus par la commission dès fin 2012. C’est à cette occasion que le conflit a vraiment pris forme, les industriels refusant la taxation des tablettes tactiles ainsi que des services d’hébergement en ligne. Suite à ce désaccord, 5 des 6 industriels de la commission ont claqué la porte mi-novembre, espérant rendre les nouveaux barèmes impossibles à voter en l’absence de la totalité de la commission. Leur vœu n’a pas été exaucé.
Le vote des nouveaux barèmes
Malgré la démission de 5 membres de la commission, les nouveaux barèmes ont été adoptés à la majorité et publiés au Journal Officiel le 26 décembre 2012. L’ensemble des ayants-droits ont voté en faveur de ces nouveaux barèmes, ainsi que deux associations de consommateur et le président de la commission, Raphaël Hadas-Lebel, conseiller d’Etat, qui a ainsi été dans l’obligation de sortir de sa réserve pour renforcer les résultats. L’Association droit électronique et communication (Adec) et la Fédération française des télécoms (FFT) se sont abstenues, tandis que trois représentants des consommateurs ont voté contre. La commission s’est empressée de communiquer sur la nouvelle grille, disant – avec un peu d’exagération – qu’elle a été « adoptée à une large majorité, en présence de l’ensemble des membres de la Commission à la seule exception des représentants des cinq organisations d’importateurs ».
Ces nouveaux barèmes ont été revus à la baisse par rapport à ceux de 2011, conformément à une décision du Conseil d’Etat du 17 juin 2011 précisant que « la rémunération pour copie privée doit être fixée à un niveau permettant de produire un revenu, à partager entre les ayants droit, globalement analogue à celui que procurerait la somme des paiements d’un droit par chaque auteur d’une copie privée s’il était possible de l’établir et de le percevoir ». C’est pourquoi, dans une décision n°15 du 14 décembre 2012, la commission a décidé de revoir les pourcentages selon les supports. Ces nouveaux barèmes marquent un double objectif de la part de la commission : taxer au maximum les box et le décodeur Canal + avec disque dur externe, et faire tomber à terme le cloud dans la RPCP.
Une suite au conflit ?
Les industriels démissionnaires de la commission, à l’exception de la FFT, souhaitent introduire une action en référé contre les nouveaux barèmes devant le Conseil d’Etat. En effet, la nouvelle grille a été votée sans qu’ils aient été remplacés au sein de la commission, donc en l’absence de la totalité des membres. Néanmoins, ils ne sont nullement soutenus dans leurs revendications par les pouvoirs publics. Bien que Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget, n’ait fait aucun commentaire, Aurélie Filipetti, ministre de la culture et de la communication, qui avait donné son aval à l’adoption des nouveaux barèmes, a pour sa part déclaré que « La commission peut tout à fait continuer son travail même sans les industriels. Tant pis pour eux. Je n’accepterai pas le coup de force ». Reste à savoir ce qu’en pense le Conseil d’Etat.
Le salut des industriels pourrait finalement venir du côté de la mission confiée à Pierre Lescure, à défaut de venir de la part du Conseil d’Etat. En effet, le dispositif actuel de la RPCP pourrait être revu suite à la remise du rapport Lescure qui a entendu les revendications des deux parties et tranchera.
Sources :
CHARTIER M., « Copie privée : les industriels démissionnent, les ayants-droits gardent le cap », PCWorld.fr, mis en ligne le 14 novembre 2012, consulté le 13 janvier 2013, <http://www.pcworld.fr/business/actualites,commission-redevance-copie-privee-industriels-ayants-droit,533223,1.htm>
SAMAMA P., « Copie privée : les barèmes 2013 adoptés malgré la démission des industriels », 01net., mis en ligne le 14 décembre 2012, consulté le 13 janvier 2013, <http://www.01net.com/editorial/582437/copie-privee-les-baremes-2013-adoptes-malgre-la-demission-des-industriels/>
FANEN S., « Copie privée : les nouveaux barèmes déjà mal barrés », écrans, mis en ligne l7 décembre 2012, consulté le 13 janvier 2013, <http://www.ecrans.fr/Copie-privee-les-nouveaux-baremes,15696.html>
Anonyme, « Actualisation des barèmes de rémunération pour la copie privée », Net-iris, mis en ligne le 2 janvier 2013, consulté le 13 janvier 2013, <http://www.net-iris.fr/veille-juridique/actualite/31104/actualisation-des-baremes-de-remuneration-pour-la-copie-privee.php>
COSTES L., « Copie privée : publication des nouveaux barèmes », actualités du droit, mis en ligne le 3 janvier 2013, consulté le 13 janvier 2013, <http://actualitesdudroit.lamy.fr/Accueil/Articles/tabid/88/articleType/ArticleView/articleId/121961/Copie-privee-publication-des-nouveaux-baremes.aspx>