LES CRITERES DE L’ORIGINALITE DU LOGICIEL, RAPPELES PAR LA COUR DE CASSATION DANS UN ARRET DU 17 OCTOBRE 2012

Bien que la propriété intellectuelle jouisse d’un cadre juridique riche et complexe, le législateur doit veiller à ce que ces règles couvrent les nouveaux moyens et modes d‘expression de la création artistique et intellectuelle. En atteste le cas du logiciel, qui a été inclus dans le panel des œuvres protégeables par le législateur, à condition de remplir les critères de protection du droit d’auteur, en particulier celui de l’originalité. Cette reconnaissance légale s’est vue complétée par maintes décisions jurisprudentielles, qui ont forgé les éléments à prendre en compte dans  l’appréciation concrète de l’originalité d’un logiciel.

De l’originalité d’un logiciel au sens légal

Un logiciel est  une suite de programmes permettant à un système informatique d’effectuer une fonction particulière. C’est un bien immatériel qui ne connaît pas l’usure. En principe, cet ensemble de programmes qu’est le logiciel s’accompagne de données qui permettent son fonctionnement. En d’autres termes, le logiciel est un programme mis à la disposition des individus par le biais d’un appareil informatique. Du fait de sa nature, relevant de la création d’ordre technique, il semblait plausible de protéger le logiciel par les droits de la propriété industrielle, notamment le brevet. Toutefois, le législateur a soumis le logiciel à la protection des droits d’auteur. Ainsi, en Droit français, depuis une loi du 3 juillet 1985, et comme en dispose l’article L 112-3 13° du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), le logiciel est considéré comme un œuvre de l’esprit protégée par les droits de la propriété intellectuelle. Cependant, comme pour toute œuvre de l’esprit, cette protection n’est pas automatique puisqu’elle est conditionnée par le critère d’originalité (additionné à celui de mise en forme). Une position partagée à l’échelle européenne puisque la directive 91/250/CEE du 14 mai 1991 sur la protection des programmes d’ordinateur, consacre également la protection du logiciel par les droits d’auteur, sous réserve d’originalité. Outre le fait qu’elle érige la définition du programme d’ordinateur (logiciel) au regard du droit de européen, cette directive dispose en son article 1er qu’un « programme d’ordinateur est protégé s’il est original, en ce sens qu’il est la création intellectuelle propre à son auteur. Aucun autre critère ne s’applique pour déterminer s’il peut bénéficier d’une protection ».  Bien qu’il soit noté dans cette directive que l’appréciation de l’originalité d’un logiciel ne doive nullement se fonder sur une supputation d’ordre qualitatif concernant la valeur ou l’esthétique du programme informatique, il n’est point précisé en quoi peut bien consister concrètement cette originalité. S’il est admis, aussi bien en Droit français qu’en Droit européen, qu’une œuvre originale s’entend d’une œuvre résultant d’un effort créatif et imprégnée de la personnalité de son auteur, ce critère d’originalité demeure éminemment subjectif ; ce qui génère quelque délicatesse dans l’appréciation de l’originalité par les juridictions. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le logiciel. En effet, s’il est, d’usage, assez aisé d’évaluer l’originalité d’une œuvre littéraire ou artistique, la tâche s’avère un peu plus hardie pour un programme d’ordinateur.

Dans le respect de la législation européenne et nationale, la protection accordée au logiciel est étendue à toutes les formes d’expression de celui-ci, à savoir le code objet ou encore le code source, sous réserve qu’ils soient l’expression de la créativité de l’auteur.

L’originalité du logiciel résidera donc dans l’expression de ce dernier. Une originalité dont les critères d’appréciation concrète ont été forgés par la jurisprudence.

L’originalité du logiciel spécifiée par la jurisprudence

La Cour de Cassation n’a pas attendu l’intervention du législateur pour conférer un cachet objectif à la détermination de l’originalité d’un logiciel. Ainsi, dans son arrêt PACHOT du 7 mars 1986, la Cour, réunie en Assemblée Plénière, souligne qu’un logiciel est original dans la mesure où il porte l’empreinte de l’apport intellectuel de son auteur. Il est notable qu’en l’espèce, la Cour a retenu « l’apport intellectuel » et non l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Ceci sans doute car il est moins évident d’évaluer qu’un logiciel est imprégné de la personnalité de son auteur, et d’autre part, il est question d’informatique et donc de traitement de données et de résolution de problèmes. Nulle remise en cause de la conception classique de l’originalité d’une œuvre par la Cour de Cassation, juste une première adaptation concrète de ce critère, à l’œuvre logicielle. La Cour réitéra cette appréciation dans un arrêt ISERMATIC en 1991, par lequel elle confirmait le jugement rendu par la Cour d’Appel de Paris. La juridiction d’Appel avait reconnu l’originalité d’un logiciel, en observant les choix créatifs et l’apport personnel de l’auteur.

Enfin, c’est en ce 17 octobre 2012 que la Haute Juridiction est venue s’illustrer une nouvelle en ce qui concerne l’originalité du logiciel, en rappelant qu’elle doit être appréciée à la lumière de critères bien précis. En l’espèce, la société Codix assignait la société de services Alix, sur le fondement que celle-ci continuait d’exploiter un logiciel crée par la société demanderesse, alors même que la licence d’exploitation lui ayant été accordée par la société Codix avait expirée. Au regard des droits d’auteur, l’utilisation d’un logiciel sans l’autorisation de son auteur constitue un délit de contrefaçon. Or lorsqu’une action en contrefaçon est engagée, l’originalité de l’œuvre doit être prouvée par son auteur, et sera ensuite soumise à l’appréciation des juges. Dans cette affaire, la Cour d’Appel d’Aix en Provence retenait l’originalité du logiciel litigieux au motif qu’il apportait une solution à la gestion dont il était l’objet. Or, au regard des précédentes positions de la Cour de Cassation sur l’originalité du logiciel, il n’est nulle question d’apprécier son efficacité ou son caractère novateur, mais plutôt l’apport de l’auteur, qu’il soit créatif ou intellectuel. En conséquence, la Cour considère que la juridiction d’Appel a privé sa décision de base légale dans la mesure où elle n’a pas recherché si les choix du programme d’ordinateur témoignaient d’un effort personnalisé de l’auteur, ou constituaient un apport intellectuel de ce dernier.

Cette jurisprudence s’inscrit dans la lignée de celles susmentionnées, et vient synthétiser les critères d’appréciation de l’originalité d’un logiciel, précédemment retenus par la Cour de Cassation, à savoir l’apport intellectuel de l’auteur, et l’effort personnalisé mis en œuvre dans la conception du programme d’ordinateur.

SOURCES :

DELEPORTE.Bé, «  La Cour de Cassation rappelle que l’originalité est une condition de protection du logiciel », journaldunet.com, consulté le 27 décembre 2012, http://www.journaldunet.com/solutions/expert/53064/la-cour-de-cassation-rappelle-que-l-originalite-est-une-condition-de-la-protection-du-logiciel-par-le-droit-d-auteur.shtml

ANONYME, App docuthèque, « Originalité empreinte de la personnalité contre apport intellectuel », app.asso.fr, consulté le 27 décembre 2012, http://www.app.asso.fr/docutheque/articles/originalite-empreinte-de-la-personnalite-contre-apport-intellectuel.html

ANONYME, « Un rappel sur l’originalité du logiciel », immateria.net,

http://www.immateria.fr/fr/blog/view/171/un-rappel-sur-l-originalite-d-un-logiciel/?of=3

ALIX.P, « L’originalité du logiciel (arrêt de la Cour de Cassation du 17 octobre 2012) », juritravail.com, consulté le 23 décembre 2012,

http://www.juritravail.com/Actualite/droit-auteur/Id/29251

ANONYME, « Logiciels », u-psud.fr, consulté le 23 décembre 2012,

http://www.u-psud.fr/fr/la_recherche/valorisation/propriete_intellectuelle/logiciels.html