Stéphane Richard, actuel PDG de France Télécom-Orange, serait sur la sellette selon la Lettre de l’Expansion depuis que le gouvernement (l’Etat étant actionnaire à hauteur de 27%) aurait étudié son remplacement par Anne Lauvergeon à la tête du groupe. En effet, cette rumeur, déjà apparue l’automne dernier, a resurgi dans l’ensemble de la presse. Les réactions n’ont pas tardé, de l’entourage du PDG jusqu’à Bercy, et de l’intéressée elle-même. Ils ont tous démenti. Alors, sur quels fondements la Lettre de l’Expansion a-t-elle pu répandre une telle information ? Bien qu’elle n’indique pas ses sources, il semblerait que le contrat d’itinérance avec Free soit à l’origine des rumeurs qui circulent sur une éviction du patron d’Orange.
Mise en cause étonnante du contrat d’itinérance avec Free
Pour rappel, le contrat d’itinérance entre Orange et Free a pour objet de permettre à ce dernier d’utiliser les antennes relais et donc le réseau 2G et 3G de l’opérateur historique dans les zones où Free n’est pas encore opérationnel. Dans l’attente d’un déploiement complet du réseau de Free, Orange « loue » ainsi ses infrastructures au quatrième opérateur entré sur le marché de la téléphonie mobile il y a tout juste un an. Par ailleurs, ce contrat rapporterait plus d’un milliard d’euros à Orange pour les trois années à venir.
Mais que reproche l’Etat à ce contrat ? Toujours selon la Lettre de l’expansion, il serait reproché à Orange « d’avoir signé l’accord avec Free en lui donnant l’accès à son réseau, provoquant de nombreuses conséquences sociales ». Le contrat en question aurait eu de lourdes conséquences sociales, dont le gouvernement s’était déjà ému par la voix d’Arnaud Montebourg en novembre 2012. Ce dernier affirmait alors : « la course au low cost avec l’arrivée de Free Mobile a eu des conséquences sur les opérateurs, sur la sous-traitance, sur les fournisseurs ». Le gouvernement reprocherait donc les conséquences sociales pour le secteur. Toutefois l’entrée de Free sur ce marché a été permis grâce aux autorités, et le contrat d’itinérance aurait dû dans tous les cas être signé par un opérateur, il s’est avéré qu’Orange ait pris les devants. En effet, ce contrat a été l’unique solution pour Free de pouvoir disposer d’emblée d’une couverture nationale. L’origine du mécontentement de l’Etat serait donc ce contrat. A cet égard, le gouvernement avait auparavant saisi sur ce dossier l’Autorité de la concurrence qui doit rendre son avis fin février 2013.
Toutefois, on comprend mal pourquoi cet accord est négatif pour France Télécom et en quoi il aurait des conséquences sociales. De ce fait le remplacement de Stéphane Richard apparaît assez hypothétique. Néanmoins, le même nom circule pour le remplacer : Anne Lauvergeon.
Jeu de chaises musicales du gouvernement : pourquoi Anne Lauvergeon ?
L’Etat qui dispose d’une grande participation dans le capital de France Télécom plancherait sur un important jeu de chaises musicales. En effet le processus de nomination à la tête de France Télécom reste la prérogative de l’Etat, qui en détient encore 27,11%.
Anne Lauvergeon est très appréciée par le gouvernement et l’Elysée, puisque d’autres rumeurs lui confiaient l’attribution d’un portefeuille ministériel au retour de la gauche au pouvoir en mai 2012. Cette ancienne collaboratrice de Mitterrand et ex-présidente d’Areva, avait également été évoquée du côté de la direction de la Banque publique d’investissement en octobre 2012. De plus celle-ci aurait aussi abandonné récemment son projet de création d’un fonds d’investissement sur les énergies renouvelables. Lauvergeon se retrouve ainsi libre pour reprendre du service à la tête d’une grande entreprise, et aurait par ailleurs aussi rencontré « récemment » Didier Lombard, l’ancien PDG de France Télécom.
Quant à Stéphane Richard, directeur général de l’opérateur historique depuis mars 2010 et président depuis février 2011, il serait nommé à la tête de Veolia en remplacement d’Antoine Frérot, toujours selon la Lettre de l’expansion. Richard a déjà travaillé pour le groupe, il avait été à la tête de Veolia Environnement et Veolia Transport.
Par conséquent, il ne semble pas impossible que dans les sphères gouvernementales, certains réfléchissent à « recaser » Lauvergeon, qui est l’une des rares chef d’entreprise étiquetée à gauche. Toutefois, le gouvernement a aujourd’hui peu de choses à reprocher au patron d’Orange. Ce dernier a en effet réussi à apaiser un climat social catastrophique, suite à la crise des suicides. En effet le bilan du PDG au sein d’Orange reste jusque-là difficile à contester.
Démenti de l’entourage de Stéphane Richard, de l’intéressée et officiellement par Fleur Pellerin
Suite aux nombreuses reprises dans la presse en date du 21 janvier de cette rumeur, les réactions ne se sont pas fait attendre pour démentir de toute part la rumeur. Tout d’abord, l’entourage de Stéphane Richard, a confié que « c’est une entreprise de déstabilisation ». De même pour Stéphane Soumier, journaliste BFM Business, qui y voit également une tentative de déstabilisation de l’actuel PDG par ses prédécesseurs. De plus, selon une source proche du dossier, Lauvergeon aurait elle-même appelé Stéphane Richard pour démentir cette information.
Enfin, la ministre déléguée à l’Économie numérique, Fleur Pellerin, a fini par démentir officiellement les informations de presse. En effet, celle-ci a indiqué à l’AFP qu’il n’était pas prévu d’écourter le mandat du PDG qui court jusqu’à mi-2014. Cette dernière précise : « Nous travaillons sur de très gros sujets en ce moment avec l’opérateur historique de relance de l’investissement dans le très haut débit et sur la 4G, avec le cabinet (du ministre du Redressement productif) Arnaud Montebourg, et nous ne sommes certainement pas dans un plan pour déstabiliser le management ». Elle ajoute aussi : « M. Richard a un mandat en cours et il n’est pas prévu d’anticiper la fin de ce mandat ni de nommer Anne Lauvergeon » pour le remplacer. Ainsi cette rumeur reste à prendre avec de larges pincettes.
Sources :
ANONYME, « Lauvergeon pressentie pour remplacer Richard à la tête d’Orange », Le Monde, mis en ligne le 21 janvier, consulté le 22 janvier 2013, http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/01/21/lauvergeon-pressentie-pour-remplacer-richard-a-la-tete-d-orange_1819975_3234.html
CHAMPEAU (G.), « Stéphane Richard (Orange) évincé pour avoir aidé Free mobile ? », Numerama, mis en ligne le 21 janvier 2013, consulté le 22 janvier 2013, http://www.numerama.com/magazine/24843-stephane-richard-orange-evince-pour-avoir-aide-free-mobile.html
CHICHEPORTICHE (O.), « France Télécom : Stéphane Richard débarqué et remplacé par Anne Lauvergeon ? », ZDNet, mis en ligne le 21 janvier 2013, consulté le 22 janvier 2013, http://www.zdnet.fr/actualites/france-telecom-stephane-richard-debarque-et-remplace-par-anne-lauvergeon-39786455.htm
CUNY (D.), « Fleur Pellerin a la rescousse de Stéphane Richard chez France Télécom-Orange », La Tribune, mis en ligne le 21 janvier, consulté le 22 janvier 2013, http://www.latribune.fr/technos-medias/telecoms/20130121trib000743860/fleur-pellerin-a-la-rescousse-de-stephane-richard-chez-france-telecom-orange.html
SANYAS (N.), « Une rumeur envoie Stéphane Richard (Orange) vers Veolia », Pc Inpact, mis en ligne le 21 janvier, consulté le 22 janvier 2013, http://www.pcinpact.com/news/76907-une-rumeur-envoie-stephane-richard-orange-vers-veolia.htm