Les principaux opérateurs européens de télécommunication réfléchiraient à une mutualisation de leurs infrastructures de réseaux. C’est l’information rapportée par le Financial Times le 8 janvier 2013 relatant une réunion entre les patrons de France Télécom, Deutsche Telecom, Telecom Italia, Telephonica et le commissaire européen à la concurrence Joaquin Almunia.
Le commissaire a rapidement réfuté cette hypothèse précisant que ladite réunion était uniquement focalisée sur les possibilités de consolidation du secteur vis-a-vis des réglementations antitrust nationales et européennes. Néanmoins, dans un contexte d’extrême mondialisation des moyens de communication, la fragilité économique du secteur rend opportun voire nécessaire d’enclencher des réflexions sur la question. Les conditions de réalisation d’un tel projet sont cependant bien loin d’être remplies à court terme.
Des opérateurs européens en perte de vitesse face à la concurrence internationale
“[ Ces réflexions ] s’inscrivent dans un contexte inquiétant pour l’industrie des télécoms en Europe qui a perdu sa suprématie” synthétise sobrement Yves Gassot, directeur général du cabinet spécialisé Idate.
Les opérateurs historiques qui dominent le marché des télécoms européens ont effectivement vu leurs résultats pénalisés par la crise de la dette du vieux continent et peinent à faire face à la concurrence de plus en plus aiguisée de groupes d’importance mondiale. A titre d’illustration, si la croissance de groupes tels que Verizon et AT&T avoisinerait 5%, celle des pays d’Europe serait quant à elle résiduelle.
Du fait de la rudesse de la concurrence, le revenu par utilisateur du réseau des opérateurs européens est en chute libre. Héros de l’ère de la 3G mobile dans les années 2000, ils ont été rattrapés puis dépassés dans la course à la 4G par des américains convertis depuis plus d’un an déjà à cette nouvelle génération de mobiles.
Les intérêts d’une telle mutualisation
Une constatation s’impose : au sein des pays européens, les couts des communications mobiles ont déjà été diminués par la réduction des frais que se facturent les opérateurs entre eux sous l’impulsion des décisions communautaire. Au Royaume-Uni, Telefonica et Vodaphone ont déjà, en ce sens, fusionné leur réseau 4G.
Si les recettes des opérateurs européens ont tendance à stagner, les investissements dans les infrastructures comme la 4G sont très lourds. Une mutualisation des infrastructures de réseau permettrait aux principaux opérateurs d’exploiter leurs réseaux respectifs dans les différents pays dans le cadre d’une nouvelle réglementation européenne afin de s’installer en tant qu’acteurs pan-européen doté d’un potentiel de marché beaucoup plus important.
Aux États-Unis comme en Chine, il n’y a que deux ou trois opérateurs mobiles pour l’ensemble du pays alors qu’en Europe ils sont une trentaine à se partager le marché. Les infrastructures en matière de télécommunication n’étant pas coordonnées au niveau européen, l’idée évoquée serait donc, a minima, de mettre en place une organisation qui rassemblerait les infrastructures des entreprises ainsi que leurs charges financières.
Les principaux obstacles
Un tel projet devra surmonter les obstacles financier et technologiques inhérents au secteur. Les différents pays de l’Union Européenne répondent à des législations bien distinctes et disposent d’infrastructures de réseaux distinctes. Celles-ci sont en effet fragmentées, gérées par différents opérateurs à visées parfois strictement nationale et régulées par une multitudes d’autorités.
Après avoir effectué ce constat, la Commission européenne a appelé de ses vœux à la réalisation d’un véritable marché unique des télécommunications en remplacement de la multitude d’opérateurs nationaux.
En effet, si 80% des utilisateurs européens de téléphonie mobile ont des abonnements auprès des 4 principaux opérateurs européens, ils sont plus d’une centaine à se partager le marché européen alors que la gigantesque couverture des états-unis est assurée par trois grands opérateurs.
La faisabilité d’un tel projet semble néanmoins délicate eu égard aux règles européennes relatives à la libre concurrence. La Commission s’est à cet égard régulièrement prononcée contre les fusions nationales entre opérateurs, imposant une concurrence entre au moins trois voire quatre acteurs par pays.
Ainsi monsieur Gassot rappelle-t-il qu’une mutualisation des infrastructures de réseaux serait une solution dangereuse du fait qu’elle entrainerait un monopole de fait et nécessiterait une régulation très stricte pour l’accès de tous les opérateurs à ce réseau.
Conclusion
La mise en place d’une mutualisation effective des infrastructures semble aujourd’hui bien lointaine. Il est néanmoins intéressant de noter que cette annonce par le Financial Times à fait souffler un vent de fraicheur en bourse avec une hausse de 5,5% de l’action France Télécom au matin de la parution de l’article. Une position inhabituelle pour l’opérateur historique des télécoms en France qui a plutôt tendance à occuper le bas du classement ces derniers temps avec une division par 3 de sa valeur depuis fin 2007. Telefonica a lui aussi fortement progressé (+4%) tout comme Telecom Italia (+7%) ou Deutsche Telecom (+2.7%).
C’est clairement cette information qui soutient les grandes valeurs télécoms souligne Renaud Murail, gérant chez Barclay Bourse. “Pour l’instant, il ne s’agit que d’un projet mais ça suffit à réveiller un secteur très faiblement valorisé” ajoute-t-il.
Sources :
BARATHON (D.), “Les opérateurs historiques de la vieille Europe envisagent de faire réseau commun”, réseau-télécom, mis en ligne le 9 Janvier, consulté le 15 janvier 2013
DUVAUCHELLE (A.), “Réseaux européens : il convient de rester prudent selon le directeur de la mission THD”, zdnet, mis en ligne le 10 janvier 2013, consulté le 15 janvier 2013
GAILLARD (E.), “Les télécoms européens envisageraient de mutualiser leurs réseaux”, L’Expension, mis en ligne le 9 janvier 2013, consulté le 16 janvier 2013