Le mardi 15 janvier 2013, Facebook a dévoilé son moteur de recherche sociale baptisé Graph Search. Mais cette nouvelle fonction, outre la menace qu’elle semble faire porter sur les principaux moteurs de recherche, relance la polémique quant à la confidentialité des données recueillies par le réseau social.
L’annonce était attendue. Il y a deux semaines le réseau social Facebook tenait sa première conférence de presse de lancement de produit depuis son introduction en bourse en mai 2012. Et la grande nouveauté introduite par son fondateur Mark Zuckerberg était son moteur de recherche interne appelé Graph Search. Facebook a toujours été considéré par son créateur comme une base de données sociales et il lui semblait logique que l’on puisse y faire des recherches comme pour toutes autres bases de données.
La barre de recherche classique de Facebook devient universelle et l’on peut désormais rechercher dans une forme d’écrit « parlé », des informations qui nous sont accessibles dans les comptes de nos amis ou même issues de l’ensemble des membres du réseau social. Il s’agit en réalité d’un outil de découverte se basant sur les recommandations de membres de son réseau et c’est à ce niveau que la mention « j’aime » prend alors toute sa dimension pratique. La recherche sociale peut concerner aussi bien les loisirs qu’une approche professionnelle ou relationnelle. Le but affiché de Graph Search est donc de permettre aux inscrits un rapprochement par centres d’intérêt.
En pratique, pourtant, Graph Search se révèle plus intrusif et dérangeant que ses créateurs ont voulu le montrer.
Accessible pour l’instant en bêta pour une poignée d’utilisateurs américains, le moteur et ses possibles détournements font l’objet d’un Tumblr édifiant mis en ligne par Tom Scott intitulé « Actual Facebook Graph Searches » qui a déjà fait le tour de la toile. Tom Scott met ainsi en avant les recherches non orthodoxes qui pourront être faites sur Graph Search et les résultats parfois très dommageables qui seront susceptibles d’en découler. Par exemple si l’on souhaite savoir « qui sont les hommes musulmans habitant à Téhéran intéressés par les hommes » ainsi que leur lieu de travail, c’est a priori possible. Mais appliquées à des pays condamnant, par exemple, l’homosexualité, ces recherches pourraient avoir des conséquences bien supérieures à l’intérêt initial du moteur de recherche. La question de la protection de la vie privée et des données personnelles des utilisateurs a donc refait surface. Facebook s’est justifié à ce propos et la firme estime que sa responsabilité consiste à fournir les paramètres de confidentialité, ses utilisateurs étant ensuite responsables de l’utilisation qu’ils en font. Le site a ainsi très tôt communiqué sur l’usage de son nouveau moteur de recherche et sur la possibilité de contrôler le caractère public des données partagées. Malgré tout certains spécialistes en sécurité considèrent que Facebook ne va pas assez loin dans la sensibilisation de ses membres sur les menaces potentielles liées au maintien des données publiques. Nombreux sont ceux qui continuent d’adopter les paramètres par défaut.
Il ne reste qu’à espérer que le déploiement de Graph Search va inciter les utilisateurs à protéger au mieux leurs données personnelles. Comme à chaque ajout de fonctionnalité ou de changement de paramètre de confidentialité, l’apparition de Graph Search pourrait amener les comportements des utilisateurs du réseau social à évoluer. D’autant plus en Europe où, comme le précise le député européen en charge de la protection des consommateurs, Marc Tarabella, « la législation n’est pas prête pour un tel moteur de recherche qui est potentiellement très intrusif ». A l’heure actuelle une directive sur le sujet est en phase de finalisation au Parlement Européen mais les enjeux sont considérables et le vote en session plénière ne devrait pas avoir lieu avant le Printemps.
Il semble que l’émergence de ce moteur de recherche interne soit également pris au sérieux par les moteurs de recherche plus traditionnels tels que Google, Bing ou encore Yahoo. Toutefois, si l’équipe de Mark Zuckerberg précise que Graph Search se veut plus pertinent que ceux précités, il semble qu’en réalité il ne les rendra pas obsolètes. L’innovation de Facebook étant tributaire du comportement de ses utilisateurs, il ne devrait pas empiéter sur la suprématie de Google et ses milliards de pages web indexées. Pour l’instant, bien que Bing ait été intégré à la recherche sociale Facebook, elle fait face à des limites du fait de son récent lancement : son indisponibilité sur mobile, par exemple, ou encore le fait que les statuts et les liens postés ne sont pas indexés donc non pris en compte dans la recherche contrairement au site Twitter. Pour autant Graph Search présente un potentiel très intéressant car il repose sur le principe du partage et il pourrait également venir inquiéter Google sur le terrain de la publicité.
A l’heure où les jeunes semblent délaisser Facebook au profit d’Instagram ou Snapchat, la firme de Zuckerberg semble avoir réagi à temps avec cette nouvelle fonctionnalité, même si elle n’en est qu’à sa phase de test.
Sources :
ANONYME, « Facebook lance un moteur de recherche pour les contenus de son site », Le Monde, mis en ligne le 15 janvier 2013, consulté le 16 janvier 2013, http://abonnes.lemonde.fr/technologies/article/2013/01/15/facebook-lance-un-moteur-de-recherche-pour-les-contenus-de-son-site_1817461_651865.html
ANONYME, « Graph Search, l’appli de Facebook qui inquiète », L’avenir.net, mis en ligne le 29 janvier 2013, consulté le 30 janvier 2013, http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20130129_00261488
ANONYME, « Facebook Graph Search : esbroufe ou annonce majeure ? », ZDNet, mis en ligne le 16 janvier 2013, consulté le 25 janvier 2013, http://www.zdnet.fr/actualites/facebook-graph-search-esbroufe-ou-annonce-majeure-39786334.htm
ARÈNE (V.), « Graph Search effraye les experts en sécurité », Le Monde Informatique, mis en ligne le 25 janvier 2013, consulté le 25 janvier 2013, http://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-graph-search-effraye-les-experts-en-securite-52237.html
BERRY (P.), « Pourquoi la recherche Facebook ne signe pas l’arrêt de mort de Google », 2O minutes, mis en ligne le 16 janvier, consulté le 17 janvier 2013, http://www.20minutes.fr/web/facebook/1080685-pourquoi-recherche-facebook-signe-arret-mort-google#xtor=EPR-159-[morning]-20130116-[article_web]-756256948@3-
LEGRAND (D.), « Facebook annonce son moteur de recherche social et parle confidentialité », PC Inpact, mis en ligne le 15 janvier 2013, consulté le 16 janvier 2013, http://www.pcinpact.com/news/76778-facebook-annonce-moteur-recherche-social-et-parle-confidentialite.htm
SZADKOWSKI (M.), « Les résultats « dérangeants » de Graph Search, le nouvel outil de recherche sur Facebook », M Blogs Rézonances, mis en ligne le 23 janvier 2013, consulté le 25 janvier 2013, http://rezonances.blog.lemonde.fr/2013/01/23/les-resultats-derangeants-de-graph-search-le-nouvel-outil-de-recherche-sur-facebook/