La Cour de Cassation ne cesse d’affiner sa jurisprudence concernant l’ouverture par l’employeur de fichiers informatiques sur l’ordinateur professionnel du salarié. La chambre sociale, dans un arrêt en date du 12 février 2013, est venue combler le vide juridique relatif au contenu de la clé USB personnelle d’un salarié. Dorénavant, dès lors que celle-ci est connectée à l’ordinateur mis à disposition par l’employeur, son contenu peut être consulté par ce dernier, hors la présence du salarié si tant est que les dossiers qui la composent ne sont pas identifiés comme personnels.
En l’espèce, Madame X employée depuis 2006 a été licenciée début 2009 pour faute grave, justifiée par le fait qu’elle avait enregistré sur une clé USB personnelle des informations confidentielles relatives à l’entreprise, ainsi que des documents personnels de collègues et du dirigeant de l’entreprise. Les prud’hommes avaient dans un premier temps considéré qu’il s’agissait bien d’une faute grave. Pour autant, la Cour d’Appel de Rouen a estimé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, considérant que la preuve obtenue par l’employeur était illicite, celui-ci ayant consulté la clé USB personnelle de la salariée sans sa présence et sans qu’elle soit informée de son droit d’en refuser la consultation ou d’exiger un témoin. L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation et la chambre sociale de la Cour de cassation est venue, le 12 février 2013, infirmer la décision de la Cour d’appel. Dans sa décision de principe, rendue au visa des articles 9 du Code de Procédure Civile et L. 1121-1 du Code du Travail, elle affirme « qu’une clé USB, dès lors qu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail, étant présumée utilisée à des fins professionnelles, l’employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu’elle contient hors la présence du salarié ».
Ainsi la seule connexion de la clé USB à l’ordinateur professionnel suffit à faire présumer l’utilisation de celle-ci à des fins professionnelles, justifiant ainsi un accès de l’employeur à son contenu en l’absence de la salariée détentrice de la clé. La seule restriction étant celle posée par la jurisprudence antérieure et constante de la Cour de Cassation et portant sur la mention personnelle pouvant figurer sur certains dossiers. Autrement dit, le fait que la clé appartienne à l’employé ne suffit pas à protéger son contenu au titre de la vie privée reconnue à celui-ci dans la sphère du travail, tant que la mention personnelle n’est pas ajoutée.
Il semble qu’en l’espèce la Haute Cour ait à nouveau franchi un pas supplémentaire dans sa jurisprudence relative à l’utilisation d’outils informatiques au travail.
En effet, si la Cour de cassation a déjà pu considérer à plusieurs reprises que les correspondances adressées ou reçues par le salarié sur son lieu de travail étaient présumées avoir un caractère professionnel (arrêt Cour de Cassation, Chambre sociale du 11 juillet 2012), la Cour d’appel est allée plus loin dans un arrêt récent du 29 janvier 2013 en affirmant que l’envoi de mail personnel depuis sa messagerie professionnelle était une cause sérieuse de licenciement : dès lors que le salarié n’a pas clairement identifié que les messages étaient d’ordre privé, la présomption professionnelle prend le dessus. C’est exactement cette position que reprend la Cour en l’espèce, estimant que la présomption professionnelle concerne également les clés USB, tant que la salariée ne mentionne pas le caractère privé de celle-ci. Pour la Cour de Cassation, « la clé USB est une extension de l’unité centrale du salarié ».
Quid dorénavant de la clé USB non connectée? Récemment, la Cour de cassation a estimé que les documents entreposés dans son bureau par le salarié étaient présumés professionnels. Dès lors, la jurisprudence ne pourrait-elle pas également s’étendre aux clés USB personnelles non connectées à l’ordinateur professionnel? A l’heure actuelle, une seule extension est pré-supposable et concerne les disques durs externes, les CD-Rom ou encore les téléphones mobiles, à partir du moment où ils sont connectés à l’ordinateur professionnel.
Sources :
ANONYME, « Peut-on consulter les fichiers enregistrés dans la clé USB d’un salarié ? », Lexpress.fr, mis en ligne le 20 février 2013, consulté le 23 février 2013, http://lentreprise.lexpress.fr/gestion-du-personnel/peut-on-consulter-les-fichiers-enregistres-dans-la-cle-usb-d-un-salarie_38626.html
BERNE (X.), « La clé USB du salarié est présumée professionnelle lorsqu’elle est branchée », PC INpact, mis en ligne le 20 février 2013, consulté le 23 février 2013, http://www.pcinpact.com/news/77667-la-cle-usb-salarie-est-presumee-professionnelle-lorsqu-elle-est-branchee.htm
JASKIEROWICZ (M.), « L’employeur peut consulter hors la présence du salarié le contenu d’une clé USB connectée à un ordinateur de la société ! », avocats.fr, mis en ligne le 25 février 2013, consulté le 26 février 2013, http://avocats.fr/space/michael.jaskierowicz/tag/pourvoi%20n%C2%B0%2011-28649
MULLER (F.), « Lorsque la clé USB du salarié ouvre la porte à l’employeur », francmuller‑avocat blog, mis en ligne le 22 février 2013, consulté le 24 février 2013, http://www.francmuller-avocat.com/droit-du-travail-cle-usb-salarie-employeur/
NICOL (Y.), « L’employeur peut lire la clé USB du salarié », Juritravail, mis en ligne le 22 février 2013, consulté le 24 février 2013, http://www.juritravail.com/Actualite/licenciement-motif-personnel-employeur/Id/47421
VERCHEYREGRARD (C.), « la clé USB personnelle du salarié et le pouvoir de contrôle de l’employeur », avocats.fr, mis en ligne 19 février 2013, consulté le 23 février 2013, http://avocats.fr/space/carolevercheyregrard/content/_f5538f30-7993-4977-882b-0ceba7da54ac