Ces deux géants, avec d’un côté le groupe Lagardère et de l’autre le groupe Vivendi, apparaissent comme des leaders mondiaux dans le monde de la presse. Une médiation entre Vivendi et Lagardère sur le rachat des parts du groupe Canal +suscitent de vifs débats depuis plusieurs années.
D’un côté Lagardère, mondialement connue est une entreprise qui ne cesse de se développer. En effet, le groupe de presse a pour objectif de lancer Public TV en 2014. Cette dernière serait « une déclinaison télévisuelle du magazine du même nom » selon Joël Wirsztel de Satellifax considéré comme le premier quotidien de l’audiovisuel. La branche médias de Lagardère possèdent déjà des chaînes jeunesses (Gulli et Canal J) et des déclinaisons de chaînes musicales (MCM), ainsi que l’expérience de chaînes de télévision temporaires comme La chaîne du père Noël. Cette expérience avait déjà été tentée entre 2001 et 2005 pour l’adaptation télévisuelle du magazine Paris match sous l’appellation de Match TV. Lagardère montre sa volonté de se développer dans le secteur télévisuel et de la radiophonie, on espère tout de même que la naissance de Public TV soit moins catastrophique que leur précédente expérience. Le second contractant, Vivendi regroupe plusieurs entreprises leaders dans les contenus et les médias. La filiale Studio Canal est un acteur européen de premier plan en matière de production, d’acquisition, de distribution et de ventes internationales de films. Universal Music Group est le numéro un mondial de la musique. Quant à Canal+, c’est le premier groupe de télévision payante en France. La chaîne a acquit une notoriété qui ne cesse de croître.
I. Les conditions d’un accord long et houleux
Arnaud Lagardère, actuel patron du groupe, avait confié en mai dernier son intention de racheter, en plus de ses 20%, les 80% de parts que détient le groupe Vivendi à Canal+. Par un simple calcul, on comprend aisément que l’intention de ce dernier était d’obtenir l’ensemble du capital social de Canal+. Arnaud Lagardère affirmait « si Vivendi manque d’optimisme quant à l’avenir de Canal+ France, je suis prêt à étudier la reprise des 80 % qu’elle détient et à les introduire en Bourse à des conditions favorables». Lagardère voulait donc s’emparer de toutes les parts du capital social de Canal+.Et pourtant, quelques mois plus tard, la balance s’est inversée. En effet, la presse s’agite et affirme qu’un accord à l’amiable serait entrain d’être conclu, Vivendi rachèterait dans les prochains jours les 20% de Lagardère dans Canal+ pour une valeur de près d’un milliard d’euros. Le groupe Vivendi obtiendrait donc la totalité du capital social de la chaîne. Cette nouvelle est donc l’inverse de ce qui avait été affirmé précédemment, rumeur ou simple réalité ?
L’accord semble bien avoir été conclu et rendu officiel auprès du public, tant par les articles apparus dans les journaux que par les affirmations de ces grands patrons. Le groupe Lagardère se trouvait en déficit et ne pouvait pas se permettre. Le groupe a donc réduit leur branche média pour une concentration plus accrue en matière de presse écrite.
La question se pose alors, la détention par un seul groupe de presse du capital social d’un média audiovisuel n’est-il pas contraire au principe d’anti concentration ?
II. Un pluralisme mis en danger par la présence d’un monopole
Le droit de la presse impose un seuil de concentration pour garantir le pluralisme de l’information. En effet, le monopole d’un groupe de presse sur l’information irait à l’encontre de la diversité des programmes et de la liberté d’expression. En matière audiovisuelle, la notion de pluralisme externe permet d’assurer la pluralité des acteurs et la diversité des contenus. Le mécanisme anti concentration dans l’audiovisuel est plus élaboré que pour la presse. En effet, la loi du 30 septembre 1986 prévoit qu’une même personne physique ou morale, ne peut pas détenir plus de 49% du capital ou des droits de vote d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service national. Mais le Conseil constitutionnel a introduit la notion d’action en concert, cette loi prend en considération les actionnaires qui auraient conclu des accords entre eux.
Même si cela est donc légal, le rachat par un groupe de presse tel que Vivendi de l’ensemble du capital social d’une chaîne payante n’est-il pas un danger pour cette dernière? Vivendi ne risquerait-il pas d’empiéter sur « l’esprit Canal » ?
Canal+ est la chaîne préférée des français, la diversité de ses programmes, tant en clair qu’en crypté fait de cette chaîne un exemple de pluralité des programmes. Néanmoins, avec un patron du capital social tel que Vivendi ne devons nous pas craindre un pouvoir de décision trop important en assemblée générale. En effet, la personne physique ou morale qui détient l’ensemble du capital social d’une société aura un pouvoir significatif lors de chaque prise de décision. Le groupe Vivendi détenait déjà une grande partie des parts et même si ce n’est que des parts sociales, son pouvoir est devenu absolu au sein du groupe Canal+. Malgré la présence de désaccords importants entre le groupe Vivendi et Lagardère, cela n’apparaissait pas comme négatif. Ce sont les désaccords qui créent les compromis, les compromis qui permettent la diversité. Pour préserver une certaine cohérence et éviter un monopole trop accru, il apparaît opportun que le capital social d’une chaîne aussi importante que Canal plus ne soit pas détenu par une seule personne morale. Le groupe Canal + s’est peu prononcé sur le sujet, il n’y a aucun communiqué de presse, les réactions quant à cet accord restent discrètes au sein de la chaîne. Cet accord ne semble pas susciter la polémique alors qu’il apparaît être un réel danger et une avancée du monopole de grande puissance.
La conclusion de cette accord risque d’augmenter la perte de confiance dans les médias. La question s’est alors posée ne faut-il pas instaurer un code de déontologie des médias ?
III. Le « désamour » entre les médias et les français
Les citoyens n’ont plus confiance dans les médias et ce qu’ils rapportent. Ce manque de confiance est apparu progressivement et ne cesse de s’accroitre, les raisons en sont nombreuses. Dans un premier temps, les grands groupes de presses écrites sont dirigés par des industriels n’ayant aucune déontologie journaliste. Ces derniers sont dans une recherche de profit, la véracité et la qualité de l’information se retrouvent mises à mal. Les journalistes se retrouvent donc sous pression pour publier l’information le plus vite possible. Cette pression émanant directement de la présence de réseaux sociaux qui publient les informations dans l’instant. Le journaliste ne réalise donc plus un long travail d’investigation car il doit vite écrire son article, on parle de « dictature de la vitesse ». Cela amène à des informations bâclées et pas toujours véridiques. Ceci est une importante cause de la perte de confiance, que se soit en matière de presse écrite que sur la toile, le problème étant le même. Le dernier exemple en date que l’on peut citer concerne les images et son du Président de la République lors de son arrivée sur les Champs Elysées le 11 novembre dernier. En effet, TFI a reconnu avoir décalé le son des sifflements lors de l’arrivée du Président de la République. Même si Catherine Nayl, la directrice de l’Information de la chaîne a énoncé qu’il s’agit « d’une erreur regrettable sans volonté de déformation de la réalité »; cela ne fait que confirmer le manque de travail de fonds et l’inexactitude de l’information entrainant un manque de confiance qui s’accroit. Comment les citoyens peuvent-ils avoir confiance dans les médias quand ces derniers avouent les avoir truqués.
L’observatoire de la Déontologie de l’information (ODI) a rendu un rapport sur « l’insécurité de l’information » le 5 novembre dernier. Le professeur Patrick Eveno en Histoire des médias, membre du bureau de l’ODI a directement précisé que « le terme d’insécurité n’est pas un hasard, elle concerne le lecteur, mais elle est évidemment économique ». Cette affirmation reprend donc le premier point abordé mais également les difficultés du marché qui nécessitent une analyse économique mais qui n’est pas pertinente en l’espèce. La volonté par ce rapport étant de restaurer la confiance des citoyens envers les médias, pour cela il s’est appuyé sur différents points, tels que l’accumulation d’infractions dans le domaine, les manquements à l’éthique professionnelle et à l’exactitude de l’information. L’ODI a donc proposé qu’une structure régule la profession, idée qu’il faudrait à mon avis développer.
Sources :
Communiqué de presse, “Vivendi et Lagardère : Accord relatif à la cession de participation de 20% au capital de Canal+France”, Vivendi, mis en ligne le 28 octobre, consulté le 15 novembre.
SATELLIFAX,”Vivendi/Lagardère : accord autour de la cession des 20% de Canal+ France”, Satellifax, consulté le 15 novembre.
TESQUET (O.),”Déontologie : un rapport scrute les dérapages des médias à la loupe”, Télérama, mis en ligne le 4 novembre, consulté le 4 novembre.
LAVARENNE (C.), “Lagardère devrait lancer Public TV en 2014”, Programmetv, mis en ligne le 11 novembre, consulté le 11 novembre.