S’il est à noter un des loisirs favori des lecteurs anglais depuis ces dernières décennies, c’est certainement l’engouement suscité par la vie privée des stars et autres célébrités notamment et leurs déboires. Une grande partie de la population est friande des anecdotes pouvant arriver au monde du show business, mais également de la vie privée des hommes politiques. Dans cette logique de curiosité généralisée, certains groupes de presse ont sût en tirer un avantage financier et se garantir un audimat constant. C’est notamment le cas en Angleterre où s’est popularisée la presse « à scandale », communément appelée tabloïd. Ces quotidiens sont devenus au fil du temps les premiers journaux lus. Certains titres atteignent ainsi des millions de ventes par jour.
Ces journaux évoluent dans le même univers que la presse dite sérieuse. Certains groupes posséderont ainsi des tabloïds et des journaux de renoms. C’est notamment le cas pour Le groupe « news international », filiale de « news corporation » détenu par le magnat des médias Ruppert MURDOCK, composé du « Times » et du « Sunday Times », ainsi que des deux plus gros tabloïds Britanniques, « The Sun » et le « News Of The World ».
Une des particularités de ce genre de quotidiens, c’est la méthode d’investigation pour dénicher l’information « croustillante », celle qui est susceptible de garantir un engouement certain pour le genre. En effet, il a été reconnu depuis longtemps que les méthodes utilisées par les journalistes des tabloïds allaient jusqu’à frôler l’illégalité pour obtenir le “scoop”. Des méthodes connues depuis longtemps par les classes politiques mais toujours passées sous silence, ce jusqu’à l’affaire du « News Of The World » qui a conduit à une action politico-juridique contre une presse souvent critiquée par le public.
C’est ainsi que le 30 Octobre dernier à été votée une loi instituant une nouvelle autorité de régulation, ce une semaine après l’ouverture du procès le 21 des dirigeants du « News Of The World ».
La presse anglaise véritable contre pouvoir aux moyens radicaux.
Le système anglais en matière de liberté d’expression à longtemps été vu comme un modèle pour les autres pays. Un système axé sur un libéralisme profond, basé sur un système d’autorégulation.
La seule institution de contrôle de l’activité était la « Press Complaints Commission » (Commission d’Examen des Plaintes en matière de déontologie), une organisation créée en 1991, autofinancée par la presse écrite où siégeaient uniquement les professionnels de la presse choisis par leurs pairs. Cette institution avait vocation de dédommager toute personne lésée dans ses droits à la vie privée ou qui remettait en cause la véracité de faits énoncés. Cette institution était une alternative au procès et de ce fait préférée par de nombreuses célébrités pour éviter la publicité d’une action en justice.
En outre, elle était chargée de faire respecter un Code de déontologie, adopté le 16 Novembre 1997, également axé sur l’autorégulation. Seulement cette logique d’autorégulation et l’absence d’indépendance de l’organe avec le secteur limitait, voire annihilait toute force contraignante de l’institution.
Dès lors, rien n’empêchait les tabloïds d’utiliser tous les moyens pour trouver les informations qu’ils souhaitaient. Dans la mesure ou aucune restriction légale n’était opérante, les tabloïds ont profité de la situation pour utiliser des moyens illégaux pour arriver à leur fins. Ainsi à coté du paiement de personne pour des témoignages, on trouve également le piège des célébrités, ou encore le soudoiement de policiers pour obtenir la primeur de certaines informations.
Certains hommes politiques ont essayé de diminuer ces excès. Ces tentatives ont toutes été sabordées et leur ont même porté préjudice, comme ce fut le cas pour Chris BRYANT, parlementaire qui avait voulu médiatiser le témoignage de Rebecca BROOKS. En effet, l’ancienne rédactrice en chef du « Sun » qui avait dévoilé en 2003, devant une commission parlementaire, que le quotidien payait des policiers pour obtenir des information. La tentative de Chris BRYANT de médiatiser les faits fût détruite. En effet, aucun journal ne voulu mettre en évidence ces moyens illégaux qu’eux même utilisaient. Pire encore, ces mêmes médias ont alors lancé une sorte de campagne de discrédit à l’encontre du parlementaire en l’attaquant, notamment sur son orientation sexuelle.
Outre cette mise au silence des politiciens, contrainte par les tabloïds, il est à noter que ces journaux sont aussi des atouts décisifs pour certains.
Tel fût le cas dans le duel BLAIR / MAJOR pour la course au 10 Downing Street. MURDOCK, allié du parti conservateur depuis toujours, préféra soutenir le chef du parti travailliste contre John MAJOR qui souhaitait mettre en place une restriction quant au nombre de médias anglais pouvant être tenus par une personne étrangère. Les tabloïds ont eu ainsi un rôle décisif dans l’élection du candidat travailliste au poste de premier ministre.
Soutient de certains politiques, mise au silence pour les autres, soutenu par un audimat conséquent, la presse à scandale semblait dès lors intouchable. Un constat qui s’est peu à peu effrité depuis les années 2000.
Des abus exacerbant les lecteurs anglais : la fin des tabloïds sur les campus anglais.
Malgré un engouement certain, la presse à scandale à de plus en plus tendance à exacerber les lecteurs, notamment les associations féministes et groupements étudiants qui ne désirent plus voir ces titres de presse dans leurs facultés. Ainsi dès 2003 le quotidien « the Sun » a été interdit sur le campus universitaire de York en raison d’une Une, montrant une mannequin en maillot de bain pour son édition du 14 février portant sur son assassinat. Cette Une avait été jugée par l’opinion public comme étant outrageante.
Autre fait également à l’encontre du « Sun », l’union des étudiants de l’université britannique de l’Essex à interdit, depuis Octobre 2013, le Sun sur son campus. Ici, était tout particulièrement visée la fameuse « page 3 » du quotidien souvent décrite comme la force de vente du tabloïd. Cette page est dédiée aux femmes dénudées. D’après Chantel LE CARPENTIER, vice présidente de l’Union « les journaux doivent montrer une représentation équilibrée de la société ». Or cette conception était totalement éclipsée par le tabloïd, dépeignant la femme uniquement comme un objet de désir.
Quand le cas News of the world mettait le feu aux poudres.
Mais la volonté d’un encadrement plus stricte est venue par une affaire entachant le tabloïd News Of The World, le plus ancien de tous.
En 2011, Le Guardian, journal respecté de la presse anglaise, va publier un article dénonçant une affaire selon laquelle le tabloïd avait en 2003 piraté le téléphone portable de Milly DOWLER assassinée en 2002. Le quotidien cherchait en effet des informations susceptibles de lui procurer un scoop tout en risquant de causer une entrave à l’enquête.
De par cette affaire, le « News Of the World » se mit une partie des citoyens à dos, mais pire encore, l’affaire « DOWLER » mit l’accent sur les malversations du quotidien qui avait alors placé de nombreuses célébrités et hommes politiques sur table d’écoute.
Cette affaire fût celle de trop. Le News of the World fût fermé peu de temps après la parution de l’article dans le Guardian, et le dirigeant de news international, James MURDOCK, démissionna de son poste. Le groupe MURDOCK dû en outre verser près de 382 millions de dollars de dédommagement aux victimes à la suite d’un procès civil. Mais a classe politique décida alors de mettre au pas les tabloïds dont l’autorégulation à laquelle ils étaient soumis n’était plus efficace.
La fin de l’autorégulation de la presse anglaise.
Suite à l’affaire des écoutes téléphoniques, de nombreuses enquêtes ont été diligentées, tant par les parlementaires, que par le autorités judiciaires afin de condamner les responsables de l’affaire des écoutes. Le mois d’Octobre a ainsi été déterminant pour la presse anglaise sur ces deux tableaux.
En effet, le 21 Octobre, à débuté le procès de 8 dirigeants, dont Rebecca BROOKS, du News of the World, accusés notamment d’avoir conspiré à intercepter des messages de téléphones portables, de corruptions de représentants de l’État ainsi que d’entrave à la justice. Un procès à haut risque notamment pour l’administration CAMERON qui entretenait des liens étroits avec certains accusés, tel que l’ancien rédacteur en chef du journal Andy COULSON devenu par la suite le patron de la communication du premier ministre.
Le 30 Octobre le parlement anglais a également promulgué une loi afin de créer un organisme de régulation du secteur de la presse, et la mise en place d’un nouvel encadrement de ce dernier. Un souhait voulu par les trois grands partis politiques Anglais. Une première dans le cadre juridique Anglais depuis 300 ans d’autorégulation comme le souligne notamment « The Telegrah ».
Cette loi va reprendre les travaux effectués par Lord LEVERSON, président de la commission indépendante en charge de l’étude des pratiques des médias. En effet, lord Leveson a rendu un rapport mettant le doigt sur les failles du système d’autorégulation du secteur de la presse.
Ce dernier préconisait la création d’un organisme indépendant de régulation du secteur de la presse, créé par le législateur et totalement extérieur au secteur, contrairement à la « Press Complaints Commission » ou siège uniquement des journalistes.
Chose faite avec cette loi et dont l’autorité indépendante chargée de la régulation du secteur devra être instituée avant la mi 2015. Elle sera ainsi en charge de faire respecter un nouveau Code de déontologie dont les manquements seront sanctionnés par des amendes
Force est de constater que les tabloïds anglais ont exacerbé les politiques qui ont entendu mettre fin aux dérives de la presse britannique, ce en substituant le régime d’autorégulation à un régime de régulation. La réforme de l’encadrement du secteur a donc pour finalité de doter ce dernier d’un contrôle plus effectif par une autorité indépendante, rapprochant ainsi le modèle anglo-saxon, longtemps dépeint comme un modèle de liberté de la presse, vers un système beaucoup plus encadré.
SOURCES :
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