« Comment la NSA peut voir presque tout ce que vous faites en ligne », titrait en une The Guardian le jeudi 1er août 2013, à l’origine des premières révélations sur les écoutes illégales pratiquées par l’agence de renseignement Américaine NSA. Le quotidien Britannique divulguait alors qu’à l’aide d’un programme secret de surveillance baptisé « Prism », le FBI et la NSA avait un accès aux serveurs des plus grands acteurs du Web : Google, Microsoft, Facebook, afin de récolter des informations sur leurs utilisateurs par le biais de leurs activités sur le net.
Le 7 octobre dernier, les grands organismes de régulation d’internet se réunissaient à Montevideo, Uruguay, et appelaient à une véritable mondialisation de la gouvernance d’internet. Ainsi, l’ICANN, l’organisation qui gère les adresses de connexion à Internet et les noms de domaine, et sa composante l’IANA, institutions sous contrôle direct des Etats-Unis, affirmaient leur intention de prendre leur l’indépendance, pour devenir de véritables instances mondiales.
Il était donc question lors de cette rencontre, d’une gestion mondiale d’internet où « toutes les parties prenantes, y compris les gouvernements, participent sur un pied d’égalité”, et de mettre fin au monopole exercé depuis des années par les Etats-Unis.
En effet, depuis plusieurs années déjà, de nombreux Etats contestent cette domination, et notamment les Etats « émergents » tels que le Brésil, la Chine et la Russie, qui ont pris conscience de l’utilité d’un outil tel qu’internet pour favoriser leur développement.
En réaction au scandale de la NSA, et dans un contexte de « bataille” pour la gouvernance d’internet, le président du groupe UDI-UC (Union des Démocrates Indépendants et Mouvement Démocrate) du Sénat, François Zochetto, indiquait le 24 octobre dernier l’utilisation par son groupe politique de son droit de tirage annuel concernant la création d’une mission commune d’information sur le rôle de l’Union Européenne dans la gouvernance mondiale de l’internet. Cette mission aura pour titre « Nouveau rôle et nouvelle stratégie pour l’Union européenne dans la gouvernance mondiale de l’Internet ». Cette demande s’est faite par l’intermédiaire de Catherine Morin-Desailly, présidente du groupe d’étude Médias et Nouvelles au Sénat, qui soulignait alors dans un communiqué l’urgence pour la France de prendre conscience de la maitrise de nos données personnelles, et celle de « peser dans la nouvelle gouvernance mondiale de l’internet ».
Dans ce même communiqué, la sénatrice faisait également part de ses regrets concernant une Europe trop absente des différentes instances internationales de gouvernance d’internet, alors même que celui ci représente « un enjeu considérable ». En effet, selon Catherine Morin-Desailly, pour faire le poids face à l’influence massive des Etats unis, la réponse ne peut être qu’Européenne. Elle estime ainsi que “seule l’Union européenne a le poids nécessaire pour influer dans cette nouvelle géographie du cyberespace où les USA sont dominants » et que celle ci « doit prendre sa place et défendre une vision de l’internet fondée sur des principes démocratiques“.
Et c’est une réponse favorable qui a été donnée au groupe centriste du Sénat, puisque mercredi 20 novembre dernier était constituée une mission commune d’information, composée de trente trois membres, et qui répondra à la problématique suivante : “Quels nouveau rôle et nouvelle stratégie pour l’Union européenne dans la gouvernance mondiale de l’Internet ?”
Pour justifier sa décision, le Sénat affirmait que cette mission d’information avait pour objectif de se « pencher sur les enjeux stratégiques liés au risque de fragmentation de l’Internet mondial et sur le rôle de l’Union européenne dans l’émergence d’une véritable gouvernance multilatérale de l’Internet ».
L’ouverture de cette mission paraît justifiée dans la mesure ou il est important que l’Europe trouve sa place dans la gestion de l’élaboration des principes, normes, et procédures de prise de décisions propres à modeler l’évolution et l’usage d’Internet. L’Union Européenne doit s’imposer face aux géants de la régulation d’internet, et l’ouverture de cette mission commune d’information a pour objectif de trouver les moyens de réaliser cet objectif.
Parmi les sénateurs appelés à siéger, Jean-Marie Bockel, auteur en 2012 d’un rapport qui condamnait les routeurs chinois, ainsi que Yves Détraigne, qui avait renforcé la protection des internautes français en obligeant les grands sites américains à se soumettre à la CNIL, ou encore Bruno Retailleau, membre du conseil national du numérique.
La première réunion de la mission d’information sur la gouvernance d’Internet se tiendra le 3 décembre prochain.
Bibliographie :
CHAMPEAU (G), « Le sénat crée une mission sur la gouvernance d’internet », www.numerama.com, publié le 21 novembre 2013, consulté le 21 novembre 2013, disponible sur http://www.numerama.com/magazine/27558-le-senat-cree-une-mission-sur-la-gouvernance-d-internet.html
PEPIN (G) « Les instances de gouvernance d’Internet veulent s’émanciper des Etats-Unis », www.lemonde.fr, publié le 18 octobre 2013, consulté le 22 novembre 2013, disponible sur http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/10/18/les-instances-de-gouvernance-d-internet-veulent-s-emanciper-des-etats-unis_3497011_651865.html
PEPIN (G) « Internet, enjeu de pouvoir entre les Etats-Unis et les “grands émergents” », www.lemonde.fr, publié le 18 octobre 2013, consulté le 23 novembre 2013, disponible sur http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/10/18/internet-enjeu-de-pouvoir-entre-les-etats-unis-et-les-grands-emergents_3498259_651865.html
ANONYME « Les communiqués : François Zocchetto et Catherine Morin-Desailly : nous demandons une mission commune d’information : « Nouveau rôle et nouvelle stratégie pour l’UE dans la gouvernance mondiale de l’Internet », www.udi-uc-senat.fr, publié le 24 octobre 2013, consulté le 22 novembre 2013, disponible sur http://www.udi-uc-senat.fr/les-communiques_francois-zocchetto-et-catherine-morin-desailly-nous-demandons-une-mission-commune-d-information-nouveau-role-et-nouvelle-strategie-pour-l-ue-dans-la-gouvernance-mondiale-de-l-internet_2349.php