La régulation de l’internet par le CSA était dernièrement au cœur du débat. En effet certains sénateurs avaient envisagé la possibilité d’un transfert des missions de l’HADOPI vers le CSA. Finalement les travaux concernant la loi d’indépendance de l’audiovisuel public ont éludé cette possibilité rapidement. La question reste donc en suspend et sera traitée dans le cadre de la loi « culture et création » en 2014. Cependant Olivier Schrameck continue de faire valoir sa volonté de voir les missions du CSA s’étendre à l’internet. Ce désir se traduit par une décision de l’Autorité en date du 29 mai 2013 au sujet de la qualification juridique des vidéos en libre accès sur les sites internet des radios, décision qui n’a pas été accueillie avec enthousiasme de la part des acteurs concernés.
La politique des petits pas adoptée par le CSA
Dans cette décision, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel affirme que les vidéos des programmes quotidiens mises en ligne sur les sites des différentes radios doivent être considérées comme des services de média audiovisuel à la demande. En effet le CSA considère que ces vidéos « répondent à l’ensemble des critères constitutifs d’un service de média audiovisuel à la demande ». Les SMAD sont définis par l’article 2 alinéa 6 de la loi du 30 septembre 1986 comme étant « tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur sa demande, à partir d’un catalogue de programmes dont la sélection et l’organisation sont contrôlées par l’éditeur de ce service ». Au vu de cette définition il semble que les vidéos proposées sur les sites web des radios répondent aux conditions posées par la loi, comme a pu l’affirmer le CSA. Cependant le même article précise que « sont exclus les services ( … ) dont le contenu audiovisuel est secondaire ». Un doute peut alors être soulevé au titre de cette dernière précision. Il convient alors de se demander si les vidéos proposées par les radios peuvent être qualifiées de « contenu audiovisuel secondaire » ou non. Le considérant 18 de la directive SMA permet en partie de répondre à cette question puisqu’il donne une interprétation de cette notion de « contenu audiovisuel secondaire ». Il précise en effet qu’il s’agit des services « dont la finalité principale n’est pas la fourniture de programmes ». Le rapport parlementaire n°150 affirme que « cette définition permet d’exclure de la définition des SMAd (…) tous les services qui proposent de la vidéo en plus de leur activité principale ». Or il semble qu’on peut considérer que l’activité principale des radios, et donc par extension des sites qu’elles créent, est de diffuser un contenu sonore. Les vidéos proposées ne semblent pas véritablement faire partie de cette activité, elles ne sont qu’un complément à leur activité. De plus, bien qu’elles fassent l’objet d’un montage et que les plans soient choisis, on ne peut pas les comparer à de véritables émissions audiovisuelles dans lesquelles un effort est fait sur le décor, la mise en scène, les jeux de lumières ect… On voit donc que la qualification juridique des vidéos en libre accès sur les sites des radios est sujet à discussions. L’intention du CSA est sans doute légitime, étendre la protection des mineurs, le respect de la déontologie à ces vidéos. Cependant le CSA contrôle déjà le contenu des émissions de radio. En quoi étendre ses compétences de contrôle aux vidéos qui reprennent exactement le même contenu est-il nécessaire ? De ce fait la question de la légitimité de cette décision peut également être posée, en plus de celle de son bien fondé. Il apparaît que le CSA adopte ici une politique des petits pas pour étendre au fur et à mesure ses compétences à l’internet.
La contestation de cette décision par RTL
La décision du CSA n’est pas sans conséquence. En effet cette qualification engendre pour les radios une obligation de se déclarer en tant que SMAd. Celles ci devront donc également respecter l’ensemble des obligations qui incombent à cette catégorie de service, notamment celles prévues par la délibération du 20 décembre 2011 relative à la protection du jeune public, la déontologie et à l’accessibilité des programmes sur les SMAd. Surviennent également des obligations d’ordre financier puisque les services de média audiovisuel à la demande doivent respecter un certain nombre de règles, prévues par le décret du 12 novembre 2010, concernant les communications commerciales. Il faut cependant préciser que les obligations en matière de production et de promotion des œuvres ne peuvent être prises en compte ici puisque les sites de radios n’ont pas vocation à diffuser des œuvres audiovisuelles et cinématographiques. Dans ces conditions, on peut comprendre que RTL ait déposé récemment un recours gracieux à titre conservatoire contre cette décision. Cette information avait été annoncée sur le site de l’Expansion. Le service juridique de RTL nous a confirmé qu’un tel recours avait bien été adressé au CSA dans l’hypothèse où la décision du CSA aurait eu un caractère décisoire. Le CSA leur a cependant confirmé que ce n’était pas le cas. La radio a donc décidé de ne pas réitérer le recours devant le Conseil d’Etat. Selon le service juridique de RTL aucune décision concernant les SMAd n’a été prise pour les sites des radios à ce jour.
Les conséquences de cette qualification paraissaient en effet assez lourdes, cependant on constate que les obligations qui pèsent sur les radios sont quasiment identiques à celles qui pèsent sur les SMAd, notamment en matière de déontologie, et de protection de la jeunesse. Il existe tout de même quelques différences dues à la nature du support de diffusion. Par exemple, les éditeurs de radios ne peuvent pas diffuser entre 6h et 22h30 des programmes susceptibles de heurter la sensibilité des auditeurs de moins de 16 ans. Des obligations de ce type seraient inapplicables au secteur de l’internet c’est pourquoi le CSA prévoit un système de classification des programmes et de signalétique, ou encore la mise en place d’une déclaration électronique de majorité pour les éditeurs de SMAd. Suite au recours de RTL, le CSA a décidé d’organiser une rencontre avec les différents éditeurs de radio pour permettre un débat autour de cette décision.
Sources :
PAQUETTE E. “Videos sur les sites internet de radio: le CSA veut les encadrer, RTL dépose un recours”, lexpress.fr, mis en ligne le 25 novembre 2013, consulté le 6 décembre 2013, http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/videos-sur-les-sites-internet-de-radio-le-csa-veut-les-encadrer-rtl-depose-un-recours_417421.html
Décision du CSA du 29 mai 2013, csa.fr, mis en ligne le 26 juin 2013, consulté le 6 décembre 2013, http://www.csa.fr/Espace-juridique/Decisions-du-CSA/Qualification-juridique-des-videos-en-libre-acces-sur-les-sites-internet-des-radios
Rapport parlementaire n° 150 (2008-2009) de Mme Catherine MORIN-DESSAILLY et M. MICHEL THIOLLIÈRE, , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 6 janvier 2009 )