C’est à la fin du XIXème siècle que Pierre de Coubertin, pédagogue et historien, prend part à l’émergence et au développement du sport en France. Il considère que ce dernier “fait partie du patrimoine de tout homme et de toute femme et rien ne pourra jamais compenser son absence”.
Au fil du temps, le sport a pris une place de plus en plus importante dans la vie des français. En 2003, les statistiques attestaient de la pratique d’une activité physique ou sportive, même occasionnelle, par 71% des personnes âgées de 15 ans ou plus.
Faisant partie intégrante de notre société contemporaine, c’est donc sans surprise que l’on constate qu’il en est également le miroir…
En effet, les inégalités existantes entre les femmes et les hommes s’apprécient également dans le monde du sport, que ce soit sur les terrains, au sein des instances dirigeantes ou bien dans les médias.
L’idée d’une différence de traitement était déjà évoquée par Pierre de Coubertin. Malgré la proclamation d’un idéal olympique vecteur de paix et d’égalité entre les êtres humains, il était fortement hostile à la participation des femmes aux premiers jeux. “Les olympiades femelles sont inintéressantes, inesthétiques et incorrectes” disait-il. “Aux Jeux Olympiques, leur rôle devrait être surtout, comme aux anciens tournois, de couronner les vainqueurs”.
Le contexte politique actuel nous amène à penser qu’un changement vers plus d’équité est en marche. Le 16 mai 2012, pour la première fois dans l’histoire de la France, le Président de la République, François Hollande, a présenté un gouvernement paritaire composé de 17 ministres femmes et 17 ministres hommes.
Cette nouvelle architecture témoigne d’une volonté de placer le combat pour l’égalité sur le devant de la scène politique et publique.
Pour la Ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, “l’égalité, ce n’est pas une valeur parmi d’autres dans le sport, c’est la valeur cardinale”.
A l’occasion d’une conférence “Femmes, Sport, et Médiatisation” du 27 novembre 2013, a été rappelée la nécessité d’offrir au sport féminin une plus grande visibilité dans les médias, notamment sur nos petits écrans.
Selon Valérie Fourneyron, la Ministre des sports, de la jeunesse, de l’Education populaire et de la Vie associative, “pour la première fois, une vraie volonté politique préside à la promotion du sport féminin”. C’est dans cette optique qu’elle a dévoilé la mise en place prochaine d’un fonds de soutien pour le financement de la production audiovisuelle.
Un carton rouge adressé à la télévision française
La place du sport féminin sur les chaînes de télévision est l’une des principales préoccupations du Gouvernement depuis le début des années 2000.
Le 19 mars 2013, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a mis en lumière de façon précise le phénomène de sous-médiatisation en publiant une étude réalisée en 2012.
2 500 heures de retransmissions de compétitions diffusées sur une période de 4 semaines ont été analysées sur 12 chaînes générales et thématiques, gratuites ou payantes.
Un chiffre révélateur en ressort : le volume horaire correspondant aux compétitions féminines n’est que de 148 heures, soit 7% du volume global. Encore plus symptomatique de l’inégalité, sur ces 148 heures, seulement 5% de ces retransmissions concernent des chaînes gratuites.
Ce résultat ne saurait être considéré comme représentatif de la réalité. Lorsque l’on se penche sur la situation, il n’est pas concevable de justifier la sous-médiatisation par un prétendu manque d’attractivité des femmes pour le sport en général, ou bien même du public pour le sport féminin en particulier.
En France, une femme sur deux déclare pratiquer régulièrement une activité sportive. A l’échelle européenne, environ 37% des citoyennes affirment pratiquer un sport au moins une fois par semaine, non loin des hommes dont le taux s’élève à 43%. Par ailleurs, en diffusant la demi-finale de la Coupe du Monde de Football féminine en 2011, Direct 8 a enregistré la plus forte audience pour une chaîne de la TNT gratuite, soit environ 2 millions de téléspectateurs.
On se rend alors compte que le public est de plus en plus friand de sport féminin. Ce qui permet de déduire que l’investissement dans ce genre de programme présente un potentiel incroyable pour les chaînes de télévision.
Par conséquent, le match que le Gouvernement a engagé afin de promouvoir le sport féminin sur ce média n’est sûrement pas perdu d’avance…
Un fonds de soutien pour que le sport féminin ne reste plus sur la touche
L’objectif d’offrir au sport féminin une plus grande visibilité à la télévision n’est pas une chimère. Mais il ne peut être réalisable que si l’ensemble des acteurs du sport agissent main dans la main. Pour la Ministre des Droits des femmes, “on joue en équipe, on gagne en équipe et on réussira la promotion du sport féminin en équipe”. Le Ministère des Sports a donc travaillé en étroite collaboration avec les diffuseurs ainsi que les fédérations afin de trouver le fond du problème à la sous-médiatisation.
Qu’est-ce qui freine aujourd’hui la diffusion de pratiques sportives féminines alors que, comme nous l’avons vu, l’attractivité pour ce genre de programmes est avérée ?
Un coupable : le financement de la production audiovisuelle. Actuellement, ce sont les fédérations qui financent la production d’images télévisuelles. Seule solution afin de trouver plus facilement un diffuseur, frileux d’investir dans le sport féminin.
Mais cela a un prix, et le plus souvent, les fédérations féminines n’ont pas autant de moyens que leurs homologues masculins. Notamment parce que le sponsoring, faisant parti des principales ressources, n’est pas aussi conséquent. L’une des raisons est que certains sports pratiqués par des femmes ne sont pas ou peu médiatisés. Ainsi, le cercle vicieux se referme sur le sport féminin. Au final, les fédérations n’ont toujours pas les moyens d’offrir une plus grande visibilité à la pratique de certaines disciplines.
Fédérations 0 – Les lois du marché 1.
Afin d’enrayer le cycle infernal, la Ministre Valérie Fourneyron a annoncé la création d’un fonds spécial destiné au financement de la production d’images sportives.
Cette initiative s’inscrit au sein d’un objectif plus large du Ministère des sports, qui est la promotion de la diversité et de l’accessibilité du sport à la télévision. Ce fonds consiste alors à offrir en général une plus grande médiatisation des épreuves de handisport, de sport adapté, et enfin des compétitions féminines.
A partir du second trimestre 2014, une enveloppe d’un million d’euros par an sera gérée par le Centre national pour le Développement du Sport (CNDS). Les fédérations sportives bénéficieront d’une prise en charge partielle des coûts de production à l’issue de la présentation, au CNDS, d’un projet de partenariat avec un diffuseur de télévision gratuite afin de retransmettre une compétition féminine. Les subventions accordées permettront ainsi d’accompagner les fédérations dans le financement d’une centaine d’épreuves par an.
Dans les années à venir, ce dispositif pourrait se coupler à la mise en œuvre du Décret du 22 décembre 2004 relatif à la diffusion des événements d’importance majeure.
Ce dernier a été pris pour l’application de l’article 20-2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui renvoie à un décret en Conseil d’Etat la fixation d’une liste des événements d’importance majeure.
L’article 1er du Décret prévoit que ce dernier “fixe les conditions dans lesquelles doit être assurée par les éditeurs de services de télévision la retransmission exclusive des événements d’importance majeure afin qu’une partie importante du public ne soit pas privée de la possibilité de les suivre sur un service de télévision à accès libre”.
Le Décret énumère limitativement 21 événements dits “d’importance majeure” qui doivent obligatoirement être diffusés en clair. Parmi ces derniers, seulement 5 manifestations concernent des disciplines féminines. C’est pourquoi un projet de modification dudit Décret a été soumis pour avis au CSA par la Ministre des Sports. Il est à ce jour à l’examen auprès de la Commission européenne. L’idée étant d’élargir cette liste à certaines compétitions féminines, notamment concernant les équipes de football et de rugby. Ces dernières pourraient alors être diffusées en clair même si les droits exclusifs appartiennent à une chaîne de télévision payante.
Par conséquent, ces deux initiatives, complémentaires, auraient pour effet de contrebalancer le faible taux de visibilité du sport féminin sur les chaînes de télévision en générale (7%), et sur les chaînes de télévision gratuites plus spécifiquement (5%).
Dans cette campagne, les attentes du Gouvernement sont énormes au regard des retombées positives qui peuvent en résulter.
Un cercle vertueux comme “but” à atteindre
La sous-médiatisation n’est que le résultat d’un ensemble de situations toutes corrélées les unes entre elles, et qui forment le cercle vicieux précédemment évoqué.
Il suffirait alors de modifier ne serait-ce qu’un arc de ce cercle pour inverser la tendance. Et c’est bien l’impulsion que compte donner le Gouvernement avec la création d’un fonds de soutien à la production audiovisuelle.
A court terme, la subvention accordée pourrait mettre en avant certaines pratiques sportives sur les petits écrans, puisque les fédérations doivent présenter un projet de partenariat avec un diffuseur de télévision gratuite. A plus long terme, cette initiative permettrait d’enclencher un cercle vertueux. “Médiatisation sur une chaîne gratuite, développement de la pratique sportive, développement de partenariats, et in fine, développement du potentiel économique du sport concerné”. A l’issue, les fédérations deviendraient auto-suffisantes et disposeraient de tous les moyens nécessaires pour faire connaître leur discipline auprès du grand public.
En plus de son impact sur le plan économique, une plus forte médiatisation pourrait impulser un changement dans les mentalités des français en général, et des filles en particulier.
Certains préjugés en matière de sport sont encore d’actualité, et la télévision a participé à les maintenir. Pour 72% des français, la faible médiatisation est la raison de l’existence d’écart dans la pratique sportive entre les femmes et les hommes.
Dès lors, offrir une plus grande visibilité au sport féminin permettrait de faire prendre conscience (une bonne fois pour toute ?) qu’il n’y a pas de sports strictement réservés à l’un ou à l’autre des deux sexes.
Par ailleurs, la réussite médiatisée de grandes sportives pourrait, on l’espère, engendrer des vocations pour les petites filles (et pour les petits garçons). Pour Valérie Fourneyron, ces dernières “ont besoin de champions-modèles”.
Pour finir, une plus forte exposition pourrait avoir des conséquences positives pour les premières intéressées : les sportives.
Non seulement, ces dernières obtiendraient une plus grande reconnaissance de leur discipline et de leur compétence, mais également, la plupart d’entre elles ne seraient plus obligées d’exercer un métier en parallèle de leur carrière dans le sport. Grâce au développement du sponsoring (découlant directement de la médiatisation), certaines sportives pourraient se consacrer pleinement à leur passion et en vivre. Elles ne seraient plus contraintes de jongler entre les entraînements, les championnats,… et les contraintes d’un travail de Madame “Tout le monde”.
Au final, nous évoluons dans un univers extrêmement médiatisé. Le secteur de la télévision joue un rôle particulièrement important en ce qu’il véhicule, par le biais d’images, des représentations du monde et donne des modèles. Lesdites images exercent une très forte influence sur la formation des idées et la construction des consciences auprès des téléspectateurs.
Ainsi, il est nécessaire de faire attention aux contenus culturels transmis au public car il est à craindre que les comportements ainsi que les mentalités de la société évoluent conformément aux messages véhiculés.
Une action vers plus de parité dans la médiatisation des différents sports a été engagée. Attendons de voir son évolution et sa réception par le public.
Déjà, le CSA a annoncé le lancement d’une journée spéciale intitulée “24 heures de sport féminin”, qui se déroulera le 1er février 2014. L’ensemble des éditeurs de radios et de télévision qui diffusent des programmes de sports feraient partis de cette nouvelle initiative.
Sources :
ANONYME, “Un fonds pour accroître la médiatisation du sport féminin et du handisport”, sports.gouv.fr, mis en ligne le 27 novembre 2013, consulté le 6 décembre 2013, http://www.sports.gouv.fr/presse/article/Un-fonds-pour-accroitre-la-mediatisation-du-sport-feminin-et-du-handisport
CHAUDEL (V.), “L’avenir du sport pourrait bien s’écrire au féminin”, blog.lefigaro.fr, mis en ligne le 2 décembre 2013, consulté le 7 décembre 2013, http://blog.lefigaro.fr/sport-business/2013/12/lavenir-du-sport-pourrait-bien-scrire-au-feminin.html
FOURNEYRON (V.), “Discours de Valérie Fourneyron prononcé lors de la conférence “Femmes, sport et médiatisation” organisée par Sport et Citoyenneté CNOSF”, sports.gouv.fr, mis en ligne le 27 novembre 2013, consulté le 6 décembre 2013, http://www.sports.gouv.fr/presse/article/Discours-de-Valerie-Fourneyron-prononce-lors-de-la-conference-Femmes-sport-et-mediatisation-organisee-par-Sport-et-Citoyennete-CNOSF?var_mode=calcul
VALLAUD-BELKACEM (N.), “Discours aux Etats Généraux du Sport Féminin à Bourges”, femmes.gouv.fr, mis en ligne le 23 mai 2013, consulté le 13 décembre 2013, http://femmes.gouv.fr/discours-aux-etats-generaux-du-sport-feminin-a-bourges/