De nombreuses technologies tombent dans l’oubli, faute d’utilité. Or, selon la porte-parole d’Orange « le trafic moyen [des cabines téléphoniques] était en juillet dernier de 90 minutes par mois, ce qui fait 3 minutes par jour et par cabines d’appels sortants et entrants. Ce même trafic était près de 30 minutes en 2009 ».
Un publiphone est un téléphone situé dans un espace public permettant d’émettre des communications téléphoniques grâce à un système paiement par carte prépayée ou carte bancaire. Si l’invention du téléphone public à pièce est généralement attribuée à l’américain William Gray le 13 août 1889, les cabines n’ont été installées en France qui depuis 1981. Cependant, aujourd’hui cet élément du paysage et du mobilier urbain semble voué à disparaître.
En effet, avec l’émergence et la généralisation de la téléphonie mobile, ces cabines semblent aujourd’hui délaissées par le public. En effet, aujourd’hui on compte en France plus de 75,5 millions de téléphones portables (au 30 septembre 2013) utilisables avec des abonnements de moins en moins chers. C’est pourquoi, l’utilisation des cabines téléphoniques apparaît aujourd’hui comme obsolète et n’existe plus dans les habitudes.
Cependant, elles sont encore utilisées notamment par les touristes, les personnes en panne de batterie sur leur téléphone mobile ou encore pour pouvoir rester anonyme lors de l’émission d’une communication.
Orange avait envisagé des tentatives de modernisation pour ces cabines. Notamment en 2010 avec la mise en place d’un partenariat avec JC Decaux afin de les rendre plus attractives, en proposant aux parisiens des services internet en plus de la téléphonie classique. Mais malgré ces tentatives elles restent aujourd’hui délaissées par le public.
La publiphonie : une composante même du service universel
Le service universel des télécommunications est l’un des volets des obligations du « service public des communications électroniques ». Cette notion a été mise en place en 1996 lors de la privatisation de France Télécom. L’une des missions de ce service universel est de gérer l’ensemble des cabines téléphonique.
En France, l’exploitation de ce service est ouverte à la concurrence, en application de la directive 2002/22/CE « Service Universel » de 2002. A la suite du dernier appel d’offre et par un arrêté du 14 février 2012 c’est Orange qui a été choisi pour offrir ces missions de service universel pour une durée de deux ans. C’est donc l’opérateur historique qui est prestataire du service de publiphonie, puisque celle-ci est prévue dans les obligations du service universel : c’est une concession d’occupation du domaine public. Il doit donc assurer l’installation et l’entretien des cabines téléphoniques sur le domaine public mais également assurer la fourniture d’un service de qualité à un prix abordable. Le coût de ce service est évalué à plus de 12 millions d’euros.
L’existence de ces cabines téléphoniques est légalement encadrée. En effet, l’article L. 35-1 3° du Code des Postes et Communications Électroniques impose que l’une des composantes de ce service universel consiste à donner « accès à des cabines téléphoniques publiques installées sur le domaine public ou à d’autres points d’accès au service téléphonique public ». Cet article est complété par l’article R. 20-30-3 du Code des Postes et Communications Électroniques qui précise que l’opérateur en charge du service universel est tenu d’assurer un maillage minimum sur le territoire, et ce même dans les zones géographiques peu fréquentées où les cabines n’apportent aucune rentabilité. Le principe est que chaque commune doit être équipée d’au moins une cabine téléphonique. Dans les communes de plus de 1 000 habitants, un second publiphone doit être rajouté.
Orange se doit donc d’assurer cette mission du service universel au moins jusqu’au 14 février 2014. A cette date, le gouvernement devra désigner le nouveau fournisseur du service universel (suite à un nouvel appel d’offre).
Mais depuis des années Orange doit faire face à une baisse de la fréquentation de ces cabines téléphoniques, tout en devant continuer à assurer leur nombre, leur fonctionnement et leur maintenance (activités aujourd’hui sous-traitées). Même si aujourd’hui on trouve encore l’équivalent d’environ une cabine pour 400 habitants en France, ces dernières font l’objet de plus en plus de dégradations ce qui a poussé l’opérateur historique à accélérer leur suppression. Ainsi, si on trouvait plus de 290 000 cabines en France en 1996, il n’en reste plus que 100 000 fin 2013 et ce n’est qu’un début. Rien qu’à Paris, 2 390 cabines disparaîtront pour n’en trouver plus que deux par arrondissements en 2016.
La remise en cause de l’existence de ce service par l’ARCEP : vers une suppression des cabines téléphoniques ?
L’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes) est en charge de la régulation des télécommunications et des postes en France depuis 1997. Or, consciente de la difficulté pour Orange de maintenir un trop grand nombre de cabines téléphoniques imposée par service universel, l’autorité a traité de cette question de la publiphonie dans un avis rendu le 16 avril 2013 sur « un projet de décret portant modification du Code des Postes et des Communications Électroniques et relatif à la réduction tarifaire téléphonique pour certaines catégories de personnes au titre du services universel des communications électroniques ». Cet avis a été publié au Journal Officiel du 3 janvier 2014.
Cet avis met en avant deux points importants concernant la publiphonie : d’une part qu’il faudrait revoir les obligations de couverture du territoire prévues par le service universel et d’autre part, qu’il faudrait augmenter la compensation versée à Orange lorsque le nombre de cabines conservées est supérieur à l’obligation posée par le service universel.
Concernant les obligations de couverture du territoire, l’ARCEP retient que l’utilisation des cabines téléphoniques est en chute constante depuis plusieurs années (on note une diminution de la fréquentation des cabines de 90% en 10 ans). Cette diminution s’explique notamment par le prix proposé pour une communication à partir d’une cabine. En effet, il faut compter 2€ pour 15 minutes d’appels, ce qui aujourd’hui est très largement concurrencé par certains opérateurs de téléphonie mobile. A cela s’ajoute des investissements de plus en plus importants pour l’opérateur en charge de ces cabines afin qu’elles soient maintenues dans des conditions opérationnelles : les cabines coûtent plus cher à Orange que ce qu’elle ne lui rapporte.
Ainsi dans cet avis, l’ARCEP suggère au gouvernement de revoir l’obligation de service universel en termes de publiphonie.
D’autre part, l’ARCEP préconise qu’Orange soit indemnisé des frais engendrés lorsque le nombre de cabines téléphoniques dépassent l’obligation imposée par le service universel. Or, jusqu’à présent, dans ce cas, aucune compensation n’était due à l’opérateur. Cependant, même si ce dernier se lance dans le démontage de nombreuses cabines, on en trouve encore actuellement plus que nécessaire. Ainsi, l’Autorité souhaiterait que la compensation versée, par l’ensemble des opérateurs contributeurs au fonds de service universel, soit revue à la hausse en contrepartie des frais engendrées par ces cabines téléphoniques, et notamment en vue de financer leur démontage.
En effet, cet avis laisse penser que les cabines téléphoniques ont vocation à disparaître. De son côté, l’opérateur laisse entendre que ce démontage impliquerait des coûts très importants (notamment en raison du transport et du recyclage) même si aucun chiffre n’a été dévoilé.
Le gouvernement a donc aujourd’hui les cartes en main pour déterminer de l’avenir des cabines téléphoniques, et de cette composante obsolète du service universel. Il pourrait cependant songer à un « recyclage » plutôt qu’à un démontage en envisageant une seconde vie pour ces cabines qui coûterait moins cher que de les entretenir ou de les démonter. C’est notamment ce qui a été fait par exemple à New-York où elles ont été réorganisées en points d’accès wifi gratuits.
Sources
JORF n°2 du 3 janvier 2014 – Texte 110 – Avis de l’ARCEP n°2013-0519 du 16 avril 2013 ; www.legifrance.gouv.fr ; mis en ligne le 3.01.2014 consulté le 9.01.2014 ; disponible sur : <http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028425688&dateTexte=&categorieLien=id>
G. CHAMPEAU « L’ARCEP veut que les cabines téléphoniques puissent disparaître », www.numerama.com, mis en ligne le 03.01.14, consulté le 10.01.14 ; disponible sur : <http://www.numerama.com/magazine/27938-l-arcep-veut-que-les-cabines-telephoniques-puissent-disparaitre.html>