« Liberté, égalité y’a pas ça au PSG » ont été les paroles scandées par certains supporters lors du sacre de champion de France du Paris Saint Germain en mai dernier, place du Trocadéro.
Ces chants, faisant référence à l’interdiction d’accès au parc des princes pour certains individus, ont été remis au gout du jour lors du déplacement du PSG à Monaco, pour le compte de la 24eme journée de ligue 1 ou plus récemment pour le 8ème de finale aller de la ligue des champions opposant le club de la capitale au Bayern Leverkusen
A cette occasion, environ 700 supporters parisiens étaient attendus en Principauté. Certains d’entre eux avaient acheté leur billet auprès du club parisien et n’ont pas pu assister au match. La direction du PSG a ainsi décidé d’annuler plus d’une quarantaine de places « pour des raisons impératives de sécurité ». Au préalable, un mail aurait été envoyé à ces supporters parisiens, identifiés comme « potentiels fauteurs de trouble ».Déjà détenteur de billets, le club leur aurait précisé l’annulation de leurs tickets, bien que certains n’aient jamais été interdits de stade dans le passé. La même opération a été réalisée concernant le déplacement du PSG en Allemagne, malgré un nombre plus important de billets annulés. Certains ont reçu un mail d’annulation, d’autres ont été simplement remboursés sans justification. Pour sa défense, le club parle d’un simple mail de pré réservation. Mais pour Maître Cyril Dubois, il s’agit bel et bien d’un e ticket. En effet, la confirmation de l’achat par le service billetterie du PSG a été spécifiée par mail de manière précise. L’avocat a donc décidé de saisir la CNIL en urgence, estimant par courrier, que le PSG continue de considérer certains de ses supporters, qui ne sont pourtant actuellement sous le coup d’aucune interdiction administrative ou judiciaire de stade, comme étant indésirables et continue à cet effet d’utiliser hors de tout cadre légal des listings de supporters.
Le retour de la « black list », preuve de l’indifférence du PSG à l’avis de la CNIL.
Depuis la mise en place du « Plan Leproux » concernant le remaniement des groupes de supporters au sein du parc des princes et la dissolution des associations de supporters tribune Auteuil et Boulogne en 2011, l’accès aux enceintes sportives est de plus en plus contrôlé. En effet, lors du match à Valenciennes en septembre dernier, 5 supporters du PSG se sont vu refuser l’entrée au stade du Hainaut suite à une décision du club nordiste. De même pour la venue des parisiens à Rennes le 14 décembre 2013, les autorités publiques ont interdit a tout supporter du PSG ou toute personne se revendiquant comme tel et n’ayant pas acheté sa place via le club parisien d’accéder au stade de la Route de Lorient.
A partir d’aout 2012, des articles de presse ainsi que de nombreuses plaintes déposées ont conduit la CNIL à vérifier l’existence d’une liste d’exclusion de supporters. Il a été reproché au PSG d’avoir mis en place « une liste noire » en dehors de tout cadre légal, autrement dit d’exclure certains supporters des enceintes sportives sans que ces interdictions aient été prononcées par une autorité administrative ou judicaire. En novembre 2012, la CNIL a alors effectué un contrôle dans les locaux du PSG afin de vérifier la présence de cette liste. Il s’est avéré que le PSG mettait en place deux listes d’exclusion : la première concerne les interdits de stade, prononcés par les autorités compétentes ; la seconde exclut des personnes indésirables, considéré par le PSG comme ayant un comportement non conforme aux valeurs du club. Ces deux systèmes d’exclusion ne peuvent pas être mis en place en raison du fait qu’aucune autorisation n’a été délivrée par la CNIL. S’agissant de la seconde liste dite « liste noire », le PSG aurait du déposer une demande d’autorisation en démontrant des critères d’exclusion déterminés, explicites ou légitimes.
Le 29 aout dernier, la CNIL avait alors mis en demeure le club parisien en raison de l’existence de ces deux listes. Or, depuis la loi du 6 janvier 1978, les traitements d’exclusion de personnes sont soumis à l’autorisation préalable de cette autorité administrative indépendante et ne peuvent être mis en œuvre que dans le respect des garanties de la loi « informatique et libertés. En raison de la gravité des manquements constatés et du nombre de plaintes reçues, la CNIL a décidé de rendre publique cette mise en demeure, le 16 septembre 2013. Le PSG avait jusque là régularisé sa situation puisqu’il avait fourni à la CNIL « les dossiers de formalités appropriées ». A la suite d’un mois de conformité avec la CNIL, la mise en demeure a alors été levée.
Mais, il semblerait que cet avertissement n’ait pas suffit puisque 2007 personnes seraient jugées indésirables alors qu’elles n’auraient subi ni sanctions judiciaires ni mesures administratives. L’annulation des billets pour le match contre Monaco, prouve ainsi, que bien que rappeler à l’ordre par la CNIL, le PSG continue de trier ses supporters de façon illégale.
Selon Maître Dubois, avocat de certains de ces supporters qui n’ont pas pu assister au match, ces derniers qui ont eu la « malchance » d’être ciblés, la plupart sont d’anciens abonnés qui contestent la politique actuelle du club. Cet avocat a ajouté « le PSG a annulé de manière unilatérale leurs billets pour le match. Il n’y a pas d’arrêté préfectoral pour ce match. Ils auraient du avoir le droit d’assister à cette rencontre. Comme d’habitude, cela ne tombe pas sur des gens au hasard […] ces gens-là sont, pour certains, des contestataires de la politique du PSG qui est menée à l’égard de ses supporters, notamment d’anciens LPA[1], dont on soupçonne que les noms figurent sur la fameuse liste d’indésirables qu’aurait établie le club parisien. »
Pour leur défense, le PSG a mis en avant l’insécurité pouvant troubler l’ordre public en qualifier ces supporters indésirables comme « de potentiels fauteurs de trouble ». Il a ajouté qu’il s’agissait de personnes soupçonnées d’avoir pris part aux incidents qui se seraient déroulés lors d’un match de CFA du PSG à Amiens le 2 novembre 2013. Mais pour les acteurs de la rencontre, aucun incident sérieux n’aurait été déploré, excepté le lancé de quelques fumigènes et un mouvement de foule très vite dispersé. C’est essentiellement la banderole déployée pendant la rencontre « la mentalité ultra ne s’achète pas, pour tout le reste il y a QSI » qui aurait conduit le PSG à prendre cette décision. En effet, ces supporters soupçonnent le club d’user de ses moyens financiers démesurés afin de s’entendre avec les autorités publiques.
Face à cette annulation, les avocats ont de nouveau saisi la CNIL, afin de mettre en lumière les agissements de la direction du PSG. Selon Cyril Dubois « c’était aussi un moyen d’expliquer à la CNIL qu’il est plus que temps de se pencher sur ce dossier, c’est une manière de leur dire rendez vite vos conclusions. Cela fait plus d’un an et demi que des libertés individuelles sont bafouées. C’est vrai que depuis quelque temps, le PSG semblait ne plus se servir de cette liste, la voilà donc de retour ».
Il a également qualifié de choquant l’attitude du club « ce qui est extrêmement étonnant, c’est qu’ils se comportent comme s’ils n’en avaient strictement rien à faire de la décision de la CNIL. Ils continuent d’utiliser une liste dont la CNIL leur a dit d’ores et déjà qu’elle était illégale. C’est hallucinant, cela traduit un mépris évident du PSG pour la législation en vigueur. Le PSG se contrefout de ce qui a pu lui être reproché jusqu’ici ». Le quotidien L’Equipe allait plus loin en soulignant « le PSG nie toujours l’existence d’une éventuelle liste noire de supporters et se dit prêt à assumer le risque de poursuites judiciaires pour refus de vente. »
Or pour éviter que l’affaire prenne de l’ampleur médiatiquement, le PSG sait que dans tous les cas le jugement prendra du temps et que même s’il est condamné à des dommages et intérêts, l’argent ne devrait pas poser de problème.
Vers une condamnation de la CNIL
La clôture de la mise en demeure ne signifie en rien l’arrêt de la procédure, comme le reconnait Maître Dubois, en soulignant « les choses sérieuses ne font que commencer, le PSG n’a fait que répondre à l’injonction de la CNIL en lui fournissant les éléments qu’elle lui avait demandé ».
Si l’on ne peut préjuger des conclusions de la CNIL, Cyril Dubois estime peu probable que les membres en charge du dossier puissent donner raison au PSG. D’une part, cette liste noire est totalement illégale. Ces noms inscrits sur cette liste sont présents uniquement car ils ne partagent pas les même valeurs du club, sachant que ces dernières n’ont jamais été définies précisément. Il semblerait dans ce cas la que le PSG échappe à une condamnation. D’autre part, le PSG n’avait pas averti la CNIL d’un tel traitement. Ainsi, si la CNIL validait la légalité de cette liste, il serait alors possible de dresser toute sorte de fichier, de traitement, de classement d’individus sans obtenir au préalable l’autorisation de la CNIL.
Par ailleurs, selon Cyril Dubois, le club ne se fonde sur rien. Il n’y a aucun fondement légal, aucune interdiction de stade judiciairement ou administrativement, aucuns critères justifiés permettant de priver tels ou tels individus d’assister aux rencontres du PSG, car pour refuser la vente d’un billet, il faut un motif légitime et individuellement circonstanciel.
Reste désormais à savoir quelles mesures pourraient prendre la CNIL à l’encontre du Paris Saint-Germain. Une amende pécuniaire ne serait pas vraiment préjudiciable au club. A l’inverse, une publicité suite à une condamnation pourrait changer l’image de ce club en devenir. En attendant le PSG doit se faire petit, puisque notamment d’autres acteurs comme la Ligue des Droits de l’Homme a pris position et a donné clairement son soutiens à ces supporters indésirables.
Le directeur général délégué du PSG, quant à lui, estime pouvoir choisir son public. Certes, avec l’attractivité de nouveaux joueurs, la qualité du jeu en hausse et cela malgré une hausse des prix des places, le Parc est toujours plein.
Mais, depuis la banderole en novembre 2012 « rêvons ultra grand » faisant allusion au slogan du club « rêvons plus grand » la sécurité est immédiatement intervenue pour faire régner l’ordre. Le PSG bannît le terme « ultra » refusant ainsi toute forme d’hooliganisme, de groupes, d’organisation ou de leader d’ambiance. En excluant ces fauteurs de troubles, le club rejette également les vrais supporters, ceux qui souhaitent seulement pousser leur équipe à chaque match. Par ailleurs, la direction a interdit tout tambour ou mégaphone à la fois pour les supporters parisiens mais également pour les supporters adverses. En effet, le club refuse l’idée que ces derniers fassent d’avantage de bruit. Aujourd’hui, le PSG est le seul club à disposer d’une double sécurité, les habituels stadiers et d’autres hommes en bleu foncé en relation directe avec le contrôle de surveillance par caméra installé dans le stade.
La politique discriminatoire menée par le PSG aujourd’hui traduit le refus d’effectuer une différence de traitement entre les délinquants du football et les véritables supporters, quitte à interdire l’accès aux supporters raisonnables ou même les laisser dans des conditions déplorables lors des matchs à l’extérieur.
Il s’agit d’une discipline de fer voulu par le président dans le but de montrer une belle image du PSG à travers le monde, tant sur le plan sportif qu’à travers ses supporters.
Faut-il nécessairement, pour dépasser les violences, aller vers un Parc ultra-contrôlé et utiliser des méthodes peu respectueuses des libertés individuelles ? N’est-il pas possible de mieux concilier les impératifs de sécurité avec la préservation des libertés publiques ?
Source :
« Le PSG trie (encore) ses supporters », sofoot.com
http://www.sofoot.com/le-psg-trie-encore-ses-supporters-180356.html
« Le PSG annule des billets pour le match à Monaco, la CNIL saisie » leparisien.fr
Mise en demeure du PSG concernant une liste noire, CNIL.fr
Décision n°2013-015 du 29 aout 2013 de la Présidente de la CNIL mettant en demeure le PSG
Délibération du bureau de la CNIL n°2013-235 du 12 septembre 2013 décidant de rendre publique la mise en demeure.
[1] Liberté Pour les Abonnés, suite au plan «Leproux » et à la dissolution des associations de supporters du PSG, certains d’entre eux se sont réunis pour défendre leur droit et leur liberté d’accéder au stade.