Depuis janvier 2012 un taux réduit de TVA est appliqué au livre numérique, il est donc de 5,5% au lieu du taux standard de 20% appliqué aux entreprises du numérique. Ce taux réduit s’applique aux oeuvres répondant à la définition fiscale du livre, c’est à dire à tout « ensemble contenant des écrits, illustré ou non, qui reproduit une œuvre de l’esprit d’un ou plusieurs auteurs en vue de l’enseignement, de la diffusion de la pensée et de la culture, quel qu’en soit le support : sous forme papier, audio ou numérique. Il doit se composer d’éléments assemblés ayant le même objet, ne pouvant pas être dissociés ni vendus séparément. L’ensemble ne doit pas contenir plus du tiers de la surface totale en publicités et en blancs intégrés au texte ». Cette diminution du taux de TVA a permis une harmonisation du taux appliqué aux livres sur support papier et aux livres sur support numérique. Ce soucis d’harmonisation se retrouve aujourd’hui dans l’adoption d’une baisse de la TVA pour la presse numérique, adoptée le 4 février par l’assemblée nationale et le 17 par le sénat. La presse en ligne se voit donc désormais appliquer le taux à 2,1%, tout comme la presse papier. Pour bénéficier de ce taux le service de presse numérique doit remplir un certain nombre de conditions.
Une harmonisation attendue
Avant janvier 2014 la presse en ligne devait appliquer à ses recettes un taux de TVA de 19,6% alors que la presse écrite bénéficiait d’un taux super réduit à 2,1%. De nombreux acteurs de la presse en ligne, comme Médiapart, ont donc décidé d’appliquer, depuis 2011, eux aussi le taux super réduit bien que cela ne soit pas permis. En 2011 le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne ( Spiil ) avait invité les éditeurs de presse en ligne indépendante à appliquer la TVA à taux super réduit. Il revendiquait une égalité de traitement entre la presse numérique et presse écrite. Leur revendication s’appuyait notamment sur le fait qu’un nouvel écosystème économique devait être trouvé pour faire face à la crise de la presse. De plus Nicolas Sarkozy avait, en 2009 lors des États généraux de la presse écrite, affirmé que « le statut d’éditeur de presse en ligne ouvrira droit au régime fiscal des entreprises de presse ». L’invitation du Spiil, très médiatisée, était connu des pouvoirs publics. Ce n’est cependant qu’en décembre 2013 que le gouvernement a décidé d’effectuer un contrôle fiscal des éditeurs appliquant ce taux super réduit. Les éditeurs de Médiapart, Indigo publications et Terra eco ont donc eu à répondre de leurs actes devant les inspecteurs des impôts. Suite à cette série de contrôles fiscaux les demandes d’harmonisation des règles fiscales ont connu un nouveau souffle et sont apparues sur le devant de la scène médiatique. Quelques semaines après la loi mettait donc en place l’égalité fiscale entre la presse écrite et la presse en ligne. Le rapporteur de la loi, Patrick Bloche, a affirmé que « nous faisons ici valoir le principe de neutralité technologique en matière fiscale ». Sur cette loi il y a réellement fait l’unanimité au niveau politique puisque une véritable majorité, de droite comme de gauche, était favorable à cette proposition. Le député UMP, Patrice Martin-Lalande a considéré que cette harmonisation est « réaliste » et « légitime ». Le Spiil, dans un communiqué de presse en date du 21 février, a tenu « à saluer le volontarisme du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, ainsi que de l’ensemble des députés et sénateurs, toutes tendances politiques confondues, qui se sont mobilisés pour cette cause juste, déterminante pour l’avenir de la presse ». Le syndicat ajoute que c’est une véritable « avancée législative » qui donne une « formidable impulsion au pluralisme de la presse ».
Des divergences avec l’Union Européenne
Pour beaucoup de députés et sénateurs cette loi risque tout de même d’exposer la France à un contentieux européen. En effet la France fait déjà l’objet d’un contentieux au niveau européen pour l’application du taux réduit de TVA aux livres numériques. Le 21 février la Commission européenne a annoncé qu’elle avait saisi la CJUE d’un recours au sujet du taux de TVA que la France applique aux livres numériques. L’application d’un taux à 2,1% à la presse numérique risque d’avoir la même conséquence. En effet selon le droit européen les services fournis par voie électronique sont exclus de l’application des taux réduits et doivent appliquer un taux de TVA normal, c’est à dire 20% pour la France. Cependant la CJUE, dans un arrêt du 10 novembre 2011, The Rank Group pic contre Royaume Uni, a affirmé que « le principe de neutralité fiscale doit être interprété en ce sens qu’une différence de traitement au regard de la taxe sur la valeur ajoutée de deux prestations de services identiques ou semblables du point de vue du consommateur et satisfaisant aux mêmes besoins de celui-ci suffit à établir une violation de ce principe ». Selon cette jurisprudence une prestation de service identique ou semblable doit se voir appliquer le même taux de TVA. On peut considérer que la presse qu’elle soit délivrée sur support numérique ou sur support papier reste une prestation de service semblable. En accord avec la jurisprudence européenne la presse en ligne et la presse papier ainsi que le livre numérique et le livre traditionnel doivent donc se voir appliquer le même taux de TVA, un taux super réduit à 2,1% pour les premiers et un taux réduit à 5,5% pour les seconds. La décision de la CJUE concernant le taux applicable au livre numérique est très attendue puisqu’elle permettra de savoir, par analogie, si le régime fiscale de la presse est en conformité avec le droit européen.
Une coalition franco-allemande pour la mise en place d’un taux réduit de TVA pour le livre numérique et la presse écrite
Bien que des oppositions puissent apparaitre au niveau européen, la France à réussi à obtenir le soutien de l’Allemagne en ce qui concerne l’application d’un taux réduit de TVA pour la presse numérique et le livre numérique. En effet le 19 février un conseil des ministres franco-allemand s’est tenu à Paris. À la suite de ce conseil les Ministres de la Culture française et allemande, Aurelie Filippetti et Monika Grütters, ont dans une déclaration commune, affirmé que « le marché du livre numérique connaît un développement constant dans l’espace de l’Union, la France et l’Allemagne, partagent la volonté de préserver l’équilibre de la chaîne du livre et la diversité de la création, tout en favorisant un accès renouvelé aux œuvres grâce au numérique » et continuent en demandant à ce que l’Europe s’engage à appliquer un taux réduit de TVA pour le livre numérique mais aussi pour la presse en ligne.
SOURCES :
BERNE (X.),« Paris et Berlin veulent une TVA réduite sur les ebooks et la presse en ligne », pcimpact.fr, publié le 20 février 2014, consulté le 23 février 2014, disponible sur http://www.pcinpact.com/news/86051-paris-et-berlin-veulent-tva-reduite-sur-ebooks-et-presse-en-ligne.htm
AFP, « La TVA de la presse en ligne s’applique sur la presse écrite », libération.fr, publié le 4 février 2014, consulté le 23 février 2014, disponible sur http://ecrans.liberation.fr/ecrans/2014/02/04/la-tva-de-la-presse-en-ligne-s-aligne-sur-la-presse-ecrite_977910
ANONYME, « TVA sur le livre numérique », sne.fr, publié le 7 janvier 2014, consulté le 23 février 2014, disponible sur http://www.sne.fr/dossiers-et-enjeux/numerique/tva-sur-le-livre-numerique.html
PLENEL (E.), «L’Étar s’attaque à la presse en ligne », mediapart.fr, publié le 17 décembre 2013, consulté le 23 février 2014, disponible sur http://www.mediapart.fr/journal/france/171213/l-etat-s-attaque-la-presse-en-ligne?page_article=2