Amazon, l’entreprise de commerce en ligne, fondée par Jeff Bezos en Juillet 1994, fédère aujourd’hui les mécontentements autour de ses nouvelles pratiques de son secteur phare, la vente de livres en ligne.
Dans son activité de librairie, Amazon propose un catalogue de livres proposé par les maisons d’éditions les publiant. Il les met ainsi en concurrence, ce qui a pour conséquence de faire baisser les prix. Ce choix stratégique a permis à la firme de Seattle de connaître un grand succès : Amazon est cotée au Nasdaq dès 1997, elle est aujourd’hui considérée comme l’un des « grands d’internet » (ou GAFA), aux côtés de Facebook, Google et Apple, avec un chiffre d’affaire de près de 26 milliards de dollars au 4e trimestre de 2013. A titre d’exemple, Amazon représente plus des deux tiers du commerce de livre en ligne en France aujourd’hui !
Longtemps considéré comme le sauveur d’un secteur en crise, pour le grand éventail de titres proposés, mais aussi pour leur variété, Amazon est aujourd’hui décriée à la fois par les maisons d’édition, les auteurs, mais aussi les Etats.
Le rejet des maisons d’édition de la nouvelle politique du prix d’Amazon
La conflit a débuté avec la maison d’édition Française Hachette (propriété du groupe Lagardère), qui publie de nombreux auteurs américains, y compris aux États-Unis. Dans le cadre de sa politique de développement du e-book, Amazon a tenté de renégocier les contrats avec Hachette. En effet, le groupe désirait instaurer un prix fixe pour l’ensemble des e-books vendu sur son site, et ce pour toutes les maisons d’éditions partenaires, pour un prix ne dépassant pas 9,99 dollars (7,50 euros). Hachette a refusé, au motif que cette nouvelle politique du prix ne serait justifiée que par la volonté d’Amazon d’inciter les lecteurs à acheter sa liseuse électronique. Cela représenterait un manque à gagner important pour Hachette, mais aussi pour d’autres maisons d’édition aux États-Unis, comme Barnes and Nobles, mais aussi à l’étranger, comme le groupe scandinave Bonnier, qui publie de nombreux auteurs germanophones. Cela pénaliserait toute la filière du livre.
De son côté, Amazon, qui ne répond que rarement à ses détracteurs, est sortie du silence pour rappeler la condamnation d’Hachette et d’autres maisons d’édition par le département de la Défense américain, en 2012, pour le prix des e-books considérés comme prohibitifs. La situation actuelle des écrivains serait donc imputable à leur maisons d’édition respectives.
Les auteurs rejoignent leur maisons d’édition dans la bataille contre Amazon
En effet, les écrivains des maisons d’éditions refusant ces nouvelles conditions pâtissent aussi de la situation. Les témoignages se multiplient pour dénoncer les mesures de rétorsion d’Amazon : le groupe Hachette dénonce par exemple des délais de livraison pour les livres de ses auteurs plus longs, l’impossibilité d’effectuer des précommandes, la disparition de certains écrivains dans les listes d’auteurs conseillées sur le site, etc.
En réaction, de nombreux auteurs ont exprimé leur colère, par le biais de pétitions. Aux États-Unis, une pétition signée par plus de 900 écrivains, dont Paul Auster et Stephen King, parue dans le New York Times, condamne ces pratiques. Ils ont été rejoint récemment par plus de 1188 écrivains germanophones, dont le prix Nobel de Littérature de 2004 Elfriede Jelinek.
Les méthodes d’Amazon ont de véritables conséquences sur les vente des auteurs. Par exemple, l’écrivain américain Douglas Preston, qui a pris la tête du mouvement aux États-Unis, a vu les ventes de ses livres diminuées de plus de 60% (autant pour les éditions papier que pour les e-books) depuis le début du conflit avec Hachette.
Les tentatives de réaction de la France
En France, pour le moment, il n’existe pas encore de mouvement massif de la part des écrivains contre les nouvelles méthodes d’Amazon. Le problème se pose différemment, et ce pour des raisons de politique publique. L’État Français tient, depuis la Loi Lang de 1981, à protéger le marché de l’édition papier. Pour protéger cette économie, cette loi prévoyait une remise de 5% sur le prix du livre pour l’éditeur, ce qui permettait de le vendre moins cher, et ainsi favoriser l’accès à la culture. Ce système a permis de pérenniser la vente de livre en France.
Au tournant des années 2000, les libraires en ligne ont profité de ce dispositif, tout en proposant une livraison à domicile gratuite et rapide. Cette formule a permise à Amazon d’engranger des bénéfices importants.
Plusieurs arrêts de juridictions Françaises ont été rendus contre la livraison gratuite. Le syndicat de la librairie Française (SLF) est parvenu à faire reconnaître la livraison gratuite à domicile comme une vente à prime (ce qui est prohibé par l’article 6 de la Loi Lang), et ainsi condamner Alapage (Arrêt TGI de Paris 23 Mai 2007) et Amazon (Arrêt TGI de Versailles 11 Décembre 2007)
C’est donc sans surprise, et face aux difficultés croissantes des libraires physiques, que la France a adopté, le 8 Juillet 2014, une loi interdisant de cumuler à la fois la remise de 5% et les frais de port gratuits, ce qui aurait dû permettre de rééquilibrer le marché. Amazon n’a pas tardé à trouver une parade : elle a fixée le prix des frais de port à un centime d’euro. Ainsi, elle peut continuer à bénéficier de la remise de 5% de la Loi Lang. Ce nouveau dispositif est donc déjà largement obsolète.
Le cas particulier de la France démontre la certaine impunité dont semble jouir Amazon pour le moment quant à son comportement dans le secteur lucratif de la librairie en ligne.
Sources :
FOURNIER (A.), « Tout comprendre du conflit entre Amazon et l’industrie du livre », LeMonde.fr, mis en ligne le 13 Aout 2014, consulté le Lundi 13 Octobre 2014 http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/08/13/comprendre-le-conflit-entre-amazon-et-l-industrie-du-livre_4470796_3234.html
STREITFELDAUG (D.), « Plot Thickens as 900 Writers Battle Amazon », NewYorkTimes.com, mis en ligne le 7 Aout 2014, consulté le Lundi 13 Octobre 2014 http://www.nytimes.com/2014/08/08/business/media/plot-thickens-as-900-writers-battle-amazon.html?_r=0
ANONYME., « En Allemagne, les auteurs se mobilisent à leur tour contre Amazon », LeMonde.fr, mis en ligne le 18 Aout 2014, consulté le Lundi 13 Octobre 2014 http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/08/18/apres-les-etats-unis-les-auteurs-allemands-se-mobilisent-contre-amazon_4472856_3234.html
CHAMPEAU (G.), « La Loi anti-Amazon pour des livres plus chers sur internet est adoptée », Numérama.fr , mis en ligne le Jeudi 26 Juin 2014, consulté le Lundi 13 Octobre 2014 http://www.numerama.com/magazine/29819-la-loi-anti-amazon-pour-des-livres-plus-chers-sur-internet-est-adoptee.html
RENAULT (E.), « Comment Amazon a contourné la loi anti-Amazon », Lefigaro.fr, mis en ligne le 11 Juillet 2014, consulté Le Lundi 13 Octobre 2014 http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2014/07/11/01007-20140711ARTFIG00035-comment-amazon-a-contourne-la-loi-anti-amazon.php
BEUVE-MERY (A.), « Le SLF l’emporte sur Alapage », Le Monde des livres, mis en ligne le 31 Mai 2007, consulté le Lundi 13 Octobre 2014 http://www.lemonde.fr/livres/article/2007/05/31/le-slf-l-emporte-sur-alapage_917142_3260.html