L’autorité de la concurrence valide sous certaines conditions la vente de SFR à Numéricable. «Il n’y a pas de grande surprise: il n’y a pas de points importants et tout avait déjà été prévu et discuté avec l’Autorité de la concurrence», affirme l’entourage d’Altice, maison mère de Numéricable. Et pourtant cette décision conclut une fusion-acquisition mouvementée.
Retour sur une vente mouvementée
En mars 2014, deux offres de rachat sont proposées à Vivendi, société mère de SFR. Le câblo-opérateur propose alors 13,5 milliards d’euros et 20% de participation dans le nouvel opérateur pour s’emparer de SFR. Seulement, la filiale d’Altice dont la valeur se situait à près de 5 milliards d’euros devait emprunter 10 milliards pour conclure la vente. Une situation économique fragile d’autant plus qu’elle devait encore rembourser 2,5 milliards à ces créanciers.
L’Etat privilégie la seconde offre, celle de Bouygues Télécom. L’impétrant Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement Productif, prône un retour à trois opérateurs pour stabiliser un marché des télécommunications fragilisé par l’arrivée de Free Mobile. La société de Martin Bouygues propose ainsi 15,5 milliards d’euros et 5% du nouvel ensemble. Bouygues Télécom renforce son offre en cédant une partie de ses fréquences et antennes à Illiad pour complaire à l’Autorité de la concurrence. Mais c’est justement le risque important d’être refusé par les autorités de concurrence qui conduit Vivendi à retenir l’offre de Numéricable.
Dans un communiqué de presse du 27 octobre 2014, l’Autorité de la concurrence annonce donc la validation, sous conditions, de la vente de SFR à Numéricable. L’autorité identifie quatre problèmes concurrentiels, Altice prend des engagements pour une durée de 5 ans renouvelables une fois.
Les 4 conditions de la vente de SFR à Numericable
L’Autorité de la concurrence constate que Numéricable a une avance significative sur le très haut débit (débits supérieurs à 30 Mbit/seconde) puisque celui-ci peut proposer son offre à près de 8 millions de foyers en France. L’achat de SFR élimine non seulement un concurrent, mais va aussi permettre au nouvel opérateur de faire basculer l’ensemble des clients ADSL vers l’offre câblée haut débit. De plus le déploiement réseau fibre étant financé par des accords entre opérateurs, la nouvelle acquisition pourrait conduire à faire échec aux investissements dans les zones non couvertes par le câble. C’est pourquoi, à titre transitoire, “Numéricable prend l’engagement d’ouvrir son réseau câblé à ses concurrents” pour leur permettre d’exploiter ce réseau haut débit. En outre, le câblo-opérateur s’engage à respecter les contrats signés par SFR avec Bouygues Télécom et Orange dans le déploiement de la fibre optique jusqu’au domicile (FTTH).
La deuxième condition porte sur le marché professionnel. “L’opération réduira ainsi le nombre d’opérateurs des réseaux de cuivre et de fibre optique utilisés pour construire les offres destinées aux entreprises de 3 à 2, la nouvelle entité se retrouvant en duopole avec Orange.” Numéricable devra vendre son réseau cuivre, Completel, à un opérateur “capable d’animer la concurrence sur le marché”.
Une autre condition concerne le réseau de télécommunications hors métropole. A l’issu de l’opération, le groupe posséderait dans la téléphonie mobile 66% de parts de marché à La Réunion et 90% à Mayotte. Outremer Telecom, filiale d’Altice, devra être cédée pour empêcher toute entrave à la concurrence dans ces territoires.
Enfin concernant le marché de la télévision payante, Numéricable devra respecter une obligation de confidentialité à l’égard de son partenaire Vivendi qui sera à son capital à hauteur de 20%. En effet, selon l’Autorité de la concurrence “Vivendi, par l’intermédiaire de sa filiale Groupe Canal Plus, pourrait notamment utiliser ces informations pour restreindre la concurrence sur les marchés de l’édition et de la commercialisation de chaînes payantes”. En pratique, un tiers de confiance participera aux conseils d’administration pour vérifier qu’aucune information commerciale stratégique n’est communiquée.
Le bouclage de la vente
Le bouclage de la vente interviendra dés la fin de cette année. Les premières offres devraient voir le jour d’ici quelques semaines pour les fêtes de fin d’année. Selon le communiqué de presse de Numéricable “la réalisation de l’acquisition de SFR demeure soumise à la seule condition suspensive de l’approbation par l’assemblée générale extraordinaire de Numericable Group devant se tenir le 27 novembre 2014”.
Emmanuel MACRON, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, et Axelle LEMAIRE, secrétaire d’Etat au numérique prennent note de la décision de l’Autorité de la concurrence autorisant sous conditions le rachat de SFR par Numericable. Ils rappellent en outre la place centrale du nouvel opérateur dans le “plan France Très Haut Débit pour la couverture en très haut débit du territoire et le déploiement de nouveaux réseaux de fibre optique jusqu’à l’abonné”.
Le nouvel opérateur devra répondre à l’ensemble des questions portant sur son équilibre financier. Patrick DRAHI, patron de Numéricable, mise sur une augmentation du revenu moyen par abonné et sur la convergence fixe et mobile. En outre, “la migration du réseau de SFR vers le réseau de fibre à l’immeuble de Numericable annulera les coûts de dégroupage payés à Orange”.
La marque Numéricable disparaîtra au profit de SFR, plus connue du grand public.
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