Depuis le 1er octobre 2014 Axa offre aux mille premiers souscripteurs de leur offre de complémentaire santé un traqueur d’activité physique et des chèques-cadeau de médecine douce aux personnes effectuant plus de sept-mille pas par jour et par mois. Aussi, apparemment inoffensive semble t ‘elle , cette offre commerciale pourrait s’avérer être un nouveau coup porté aux principes fondateurs d’une société libre depuis l’apparition des nouvelles technologies.
L’offre d’Axa est simple : bouger plus pour économiser plus. On peut aisément assimiler cette offre au système de bonus-malus automobile. Le comportement vertueux du souscripteur étant récompensé, comme dans une offre automobile, par un bonus.
Ici, une personne qui respectera les quotas minimums d’effort à fournir mensuellement , se verra récompensée d’un chèque cadeau d’une valeur de cinquante euro. Ainsi, bien qu’il ne s’agisse pas d’un bonus contractuel qui viendra diminuer le montant d’une souscription, il s’agit bien d’un bonus « déguisé », la somme offerte entrant dans l’équilibre budgétaire du foyer du souscripteur.
Par analogie au bonus-malus contractuel automobile existant, nous pourrions dégager le postulat suivant : une personne qui n’effectue pas une activité suffisante chaque jour pourrait un jour se voir pénalisée financièrement de même que si elle souffre d’une addiction ou d’autres troubles de santé.
Cette hypothèse entrerait bien dans le cadre d’un contrat prévoyant de telles disposition, cela n’est pas le cas aujourd’hui mais une réflexion sur cette possibilité semble s’avérer d’intérêt.
Axa dément aujourd’hui une telle utilisation future des données de ses souscripteurs. L’entreprise fabricant les traqueurs assure aussi qu’aucune donnée n’est stockée ou transmise à quelque organisme.
L’encouragement du comportement vertueux du souscripteur à travers une campagne promotionnelle « tendance »
La compagnie d’assurance semble effectuer une campagne promotionnelle dite « tendance » , mêlant bons cadeau de médecine douce et objet de nouvelle technologie afin d’attirer une cible facilement reconnaissable : les « jeunes cadres dynamiques » au pouvoir d’achat et niveau de qualification relativement élevé. On peut déduire cette interprétation par le clip diffusé sur le site internet d’Axa où l’on peut observer un homme pressé , d’une trentaine d’années, habillé « casual chic ». Cet homme consulte régulièrement son traqueur afin de savoir s’il fourni les efforts nécessaires à son bien être au cours la journée. Son pendant féminin a elle aussi un traqueur qu’elle consulte dès le réveil afin de savoir exactement combien de temps elle a dormi et combien de calories elle a brûlé lors de son footing. Outre le caractère sexiste de cette publicité qui relègue à la femme l’usage d’ agrément d’un tel outil mais qui n’est pas l’objet de cet article, nous pouvons croire en la bonne foi de la compagnie d’assurance qui souhaite encourager le comportement vertueux de ses souscripteurs de façon désintéressée.
Axa cible donc son segment de clientèle au travers de cette offre et de sa publicité. Un segment qui est habitué à utiliser ces appareils et contrairement aux générations plus âgées sera moins enclin à se méfier de l’usage effectué par une compagnie d’assurance des données de santé, transmises par un traqueur d’activité.
Par souci de clarté, nous devons rappeler ici que le clip vidéo n’a pas été créé par Axa mais par la société fabricant les bracelets connectés. Cette distinction n’est ici pas de grande importance car Axa diffuse cette publicité sur son site internet, et à donc connaissance de son contenu.
Un péril pour le secret médical ?
Le secret médical résulte de deux textes : l’article 9 du Code civil et l’article R. 4127-4 du Code de la santé publique. Le respect de la vie privée et le secret médical sont deux droits fondamentaux des personnes. Le secret médical s’impose à tous les médecins. Il couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce que lui a confié son patient, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. Le secret médical peut s’étendre à d’autres professionnels de santé.
En l’espèce l’utilisation des traqueurs ne pourrait constituer une violation au secret médical car l’utilisateur transmettrait de plein gré ses informations personnelles.
Bien sûr, au sens formel, on ne peut pas considérer que ces traqueurs viennent sonner le glas du secret médical. Cependant, leur utilisation et la transmission des données à un organisme extérieur au monde médical, viendrait vider le secret médical de sa substantifique moelle. Celui-ci n’aurait plus aucun sens car les informations données aux médecins ou personnel de santé auraient été préalablement transmises dans une sphère immatérielle et connectée, par le traqueur. Le secret médical , dans ces circonstances serait aussi pertinent qu’un code de déontologie dans la mafia.
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »
Les données de santé constituent un enjeux très important dans le cadre du transfert excessif de données personnelles que connaît notre société. Il constitue un risque pour les utilisateurs de traqueurs et un enjeux pour les collecteurs de données personnelles.
Bien qu’une telle situation nous paraît à la limite du ressort de la science fiction elle pourrait être la suivante :
“Jean-Michel, 45 ans, employé de la Poste, qui utilise un traqueur d’activité,vient de perdre son emploi pour cause de restructuration, compte tenu de la conjoncture économique, il tarde à retrouver un emploi. Il reste sédentaire et pour seul loisir à moindre coût, il mange en continue toute la journée. Il va même jusqu’à consommer des boissons (légèrement alcoolisées), il prend du poids, il se remet à fumer. Son traqueur transmet ces information à la société de collecte qui elle les transmet à son assureur, qui note le comportement à risque de son souscripteur et augmente le montant de sa souscription. Jean-Michel dégote un entretien chez un transporteur privé, qui satisfait de son expérience demande à voir les rapports de son traqueur d’activité. Presque choqué Jean-Michel, ne comprend pas une telle demande. On lui explique donc que s’il souhaite un travail il devra montrer son rapport de condition physique, une simple formalité. Par peur de retourner dans l’oisiveté qui lui est imposée, Jean-Michel s’exécute et compte tenu des rapports inquiétants quand à sa prise de poids et sa tachycardie, le poste sera donné à une personne beaucoup plus saine, donc plus rentable, qui ne risque pas de partir en congés maladie”.
Une telle situation n’est bien sûr qu’hypothèse, et mes détracteurs écriront qu’elle est le fruit de l’imagination d’un jeune juriste qui par son âge est avide de polémique, et il n’auront pas tort, bien que je maintiendrais mon développement car il est le fruit d’une observation historique des phénomènes sociaux.
La nécessaire protection de libertés fondamentales
L’on peut considérer qu’il va de la liberté de chacun de posséder et d’utiliser de tels appareils. Cependant leur utilisation semble comporter des risques que le législateur doit prendre en compte afin de garantir le respect des droits des individus.
Les lanceurs d’alerte n’ont de cesse de nous rappeler que l’on est observés, que toutes nos conversations sur tous les réseaux sociaux sont stockées, scrutées, analysées. Nous sommes au courant de l’existence des spywares. Nous savons que notre webcam peut facilement être activée à distance et que cet œil indiscret peut nous observer dans notre intimité. Nous connaissons les pratiques de la NSA et de toutes les variantes nationales.
Nous ne pouvons ainsi qu’enjoindre le législateur à se pencher davantage sur ces problématiques afin d’organiser et de réglementer l’usage de tels outils qui pourraient un jour mettre en péril nos libertés et droits constitutionnels.
« Il faut constamment se battre pour voir ce qui est au bout de son nez »
G.ORWELL, 1984
SOURCES :
ANONYME, « Pulsez votre santé avec Axa ! », axa.fr, consulté le 10 octobre 2014 <http://www.axa.fr/mutuelle-sante/partenariat-withings/jeu-pulse.html>
MESLEM A. , « Les assureurs santé lorgnent du côté des bracelets connectés », 01NET, n°804, 18 septembre 2014