Chacun d’entre nous, prépare son testament pour qu’à notre mort nos meubles en kit, la maison pour laquelle on s’est endetté 20 ans, nos maigres économies, la garde du poisson rouge soient transmis à nos héritiers.
Mais que deviennent nos données numériques ? Tous nos mails, nos photos, nos écrits, nos téléchargements de musique et de film, que nous avons passé des heures et des jours entiers à collecter, assembler et stocker.
A l’heures de l’évolution du monde 6.0 nous nous constituons de véritables patrimoines, mémoires affectives en ligne, et nous ne pensons que rarement à ce qu’ils vont devenir à notre mort.
Mort numérique : des héritiers aux marges de manœuvre réduites
Depuis longtemps déjà la loi prévoit avec les droits de succession le devenir des biens matériels, cependant il n’existe pas de cadre législatif précis pour les données numériques. Certes, la loi informatique et liberté de 1978, modifiée en 2004 « protège l’utilisateur et lui donne un droit d’accès à ses propres données». Toutefois elle ne mentionne rien concernant le sort post mortem réservé à ses données numériques.
Nous sommes plusieurs milliards chaque jour à produire des contenus en lignes, sans n’être jamais réellement conscient que l’on se crée un véritable patrimoine numérique, auquel nos héritiers devraient pouvoir prétendre. Or, suite à un décès il est très difficile, voire impossible pour les proches de récupérer les photos, mails ou données qui se trouvent dans les applications en ligne.
En-effet, au nom du secret des correspondances, les comptes sur les différents réseaux sociaux sont strictement personnels, et ne peuvent être transmis à la famille du défunt.
Si les héritiers où les ayant-droits peuvent demander la fermeture d’un compte de messagerie ou un réseau social, ils ne sont pas pour autant propriétaire des données numériques du défunt et ne peuvent donc pas en jouir librement. « les données personnelles d’une personne décédée lui appartiennent, sauf volonté de sa part à les transmettre, mais dans ce cas-là, il faut qu’elle l’ait prévue dans un testament ». Ainsi en l’absence de testament évoquant le devenir des données numériques, il est alors impossible pour un héritier d’en demander l’effacement.
De plus, dans le cas d’une succession où les héritiers ont des opinions et des perceptions différentes de la volonté post-mortem du défunt, la CNIL rappelle que les proches qui se sentent lésés peuvent saisir les tribunaux au nom de l’atteinte à la mémoire, à l’identité, ou à la vie privée du défunt.
En cas d’absence de testament, la loi informatique et liberté prévoit quand même, que « les héritiers d’une personne décédée puissent demander au responsable d’un fichier de tenir compte du décès de celle-ci, et de procéder à l’actualisation des données».
C’est pourquoi, plusieurs grands groupes comme Facebook permettent de retirer le compte du défunt ou de le transformer en page mémorial sous réserve de faire parvenir un avis de décès et les liens de parentés. Ces démarches sont essentielles, car la transformation en page commémorative est irréversible.
Ce changement de statut permet de bloquer et rendre inaccessible certaine fonction (afin de préserver la vie privée du défunt et de son entourage), tout en permettant au proche de pouvoir laisser des messages de soutien, de condoléances et d’amitié à la personne disparue.
Désormais, il devient indispensable d’inclure dans son testament des clauses relatives à la continué de nos données numériques, pour faciliter leur gestion et leur utilisation par les héritiers. Ils seront dès lors aptes à demander la mise en œuvre du droit à l’oubli numérique ou au contraire à l’éternité virtuelle, selon les souhaits du défunt. Ce testament leur permettra également de connaître la présence et les activités du légataire sur internet.
Des nouveaux services apparaissent, afin de nous permettre de gérer notre identité numérique après notre mort. Que ce soit sous la forme de « coffres virtuels » tels que Keepass et LastPast qui contiennent les mots de passes de nos diverses applications. Ou encore des services comme Yahoo au Japon qui propose d’envoyer automatiquement un avis de décès préétablie par l’utilisateur à tous ses contacts.
En outre, des « testaments » sont prévus dans les conditions générales d’utilisation de certaine application, tel que Amazone et Apple. Un utilisateur de compte Itune par exemple, ne peut pas léguer les contenus qu’il a téléchargé légalement sur la plateforme, car ils sont rattaché à sa carte bancaire, qui est désactivée automatiquement à la suite de son décès, et les héritiers ne pourront donc pas se connecté sur le compte du défunt.
Toutefois la Cnil dans son rapport de 2014, ouvre le débat des enjeux de la mort numérique en faisant remarquer que « son encadrement juridique ne devrait pas reposer sur les seules conditions générales d’utilisation des sites».
Héritages Vs Infobésité du net
le monde a évolué et ses pratiques aussi, à l’heure du tout numérique on peut prendre des photos en un instant et les publier sur la toile aussi rapidement. Les albums photos papiers traditionnels, constitutif d’un patrimoine familial tendent à disparaître, au profit d’albums dématérialisés.
Nos photos ne sont plus développées et rangées sur des albums mais conserver sur des sites de stockage de type Cloud.
Si à la suite d’un décès, les héritiers ne peuvent avoir accès aux données numériques, c’est une partie de leur patrimoine qui sera détruit.
Conserver nos données numériques sous la forme où nous les avons constituées permettra au génération futures et notamment aux historiens, d’avoir une base de données riche pour comprendre les mode de vies de leurs ainés à l’époque du monde 6.0
Toutefois, on va arriver à un moment il y aura plus de mort que de vivant présent sur la toile, sans savoir réellement qui appartient à quelle catégorie. Ainsi pour éviter une saturation et une infobésité numérique, il faut trouver un compris sain entre préservation de la mémoire en ligne et lisibilité du net. La toile est dynamique et ne doit pas être principalement le reflet de sépultures virtuelles.
Ces cimetières virtuels vont à terme soulever des problématiques importantes, car les cimetières au sens traditionnel relèvent du service public, tandis qu’eux sont gérés par des sociétés privées, dont rien ne garantit qu’elles assureront bien et longuement la continuité du service.
Comme le souligne la CNIL dans son rapport d’octobre 2014 « il apparaît essentiel que les pouvoirs publics, les professionnels et les usagers de l’internet ouvrent la discussion sur ce sujet problématique incontournable de l’âge numérique ».
Sources :
DUFOUR (A.), « Gérer la mort numérique », la-coix.com, mis en ligne le 5 novembre 2014, consulté le 10 novembre 2014,< http://internet-aide.blogs.la-croix.com/gerer-la-mort-numerique/2014/11/05/>
BUI (D.), « Sur facebook, les morts continuent d’exister », nouvelobs.com, mis en ligne le 2 novembre 2013, consulté le 10 novembre 2014,
ERTZCHEID (O.), « La mort numérique : le choix de l’oubli, droit à la copie », lemonde.fr, mis en ligne le 19 septembre 2012, consulté le 10 novembre 2014,
CNIL, « mort numérique : peut-on demander l’effacement des informations d’une personne décédée ? », cnil.fr, mis en ligne le 29 octobre 2014, consulté le 10 novembre 2014,
CNIL, « mort numérique ou éternité virtuelle : que deviennent vos données après la mort ? », cnil.fr, mis en ligne le 30 octobre 2014, consulté le 10 novembre 2014,
PERELSTEIN (L.), « La vie numérique après la mort : le nouveau défi des géants du web », latribune.fr, mis en ligne le 24 juillet 2014, consulté le 10 novembre 2014,
LECHENET (A.), « quelle vie en ligne après votre mort ? », lemonde.fr, mis en ligne le 19 mai 2014, consulté le 10 novembre 2014,
SENASTIEN ZANCHI (J.), « Yahoo s’occupe de votre vie sur internet après votre mort », metronews.fr, mis en ligne le 17 juillet 2014, consulté le 10 novembre 2010,