Selon le dernier bilan de l’OMS en date du 7 décembre 2014, le virus Ebola, qui touche particulièrement l’Afrique de l’Ouest, aurait déjà tué plus de 6000 personnes. Alors que l’épidémie s’intensifie sérieusement à l’international, les TIC (technologies de l’information et de la communication) sont de plus en plus utilisées pour contenir et informer sur la maladie.
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Une lutte connectée répondant à des enjeux de santé publique
Depuis quelques mois, le nombre d’applications connectés dédiés à la lutte contre Ebola se multiplient. Le but ? Connaître au mieux le virus et limiter sa propagation. Comme il n’existe pas encore de vaccin, la meilleure solution consiste en effet à briser la chaîne de la diffusion. Les TIC sont ainsi un moyen de faire circuler des informations, parfois difficiles d’accès, dans un laps de temps très court et au plus proche de la réalité.
Dans ce contexte, l’usage des TIC est varié. Parmi ces applications, on trouve par exemple l’ONG britannique Radar qui développé un système de réception et de partage d’information provenant de communautés locales du Sierra Leone fonctionnant par SMS. De même, l’ONG suédoise Flowminde a utilisé les data collectées par les opérateurs mobiles présents dans les pays touchés. Grâce aux puces GPS contenues dans les portables, il a été possible de reconstituer et de suivre les déplacements des clients. Ainsi, l’ONG a recueilli (à titre exceptionnel) des données anonymisées, collectées par l’opérateur Orange en 2013 sur 150 000 téléphones du Sénégal. Ces données ont ensuite été croisées avec des data concernant la Côte d’Ivoire, ainsi qu’avec des données «classiques» recueillies grâce aux mouvements de population dans la région. Enfin, par exemple, les groupes OpenStreetMap (OSM) se sont attachés à cartographier les zones les plus touchées en numérisant à l’aide d’images satellites, les routes, bâtiments, usages du sol, etc. Les exemples sont donc variés et la liste est longue mais certains experts alertent cependant sur le manque de fiabilité de certaines de ces technologies et donc sur le risque d’obtenir des informations incorrectes. Cependant, l’aide des TIC dans la lutte est indéniable. La ministre des télécommunications nigérienne, Omobola Jonhson, a par ailleurs rappelé début novembre que les TIC ont grandement contribué à la fin du virus Ebola dans son pays.
En amont de ce processus, l’Organisation des Nations Unies (ONU), par l’intermédiaire de l’Union International des Télécommunications (UIT), a aussi pris acte de l’importance que pouvaient avoir les TIC dans la lutte contre Ebola. Le besoin d’encadrer, d’encourager et de fiabiliser les outils de communication et d’information, est devenu un enjeu d’ordre mondial.
La mobilisation de l’Union Internationale des Télécommunications et de ses partenaires
C’est sur initiative du Secrétaire général de l’UIT, Dr. Hamadoun Touré, qu’une session de réflexion sur le virus Ebola a été organisé au début du mois de novembre, à l’occasion de la Conférence plénipotentiaires de l’UIT à Busan. La session a fait ressortir la nécessité de tirer partie des nouvelles technologies pour mettre en place une assistance sanitaire au niveau mondial. Pour cela, l’UIT, la GSMA (Groupe Speciale Mobile Association) et l’Internet society ont annoncé un renforcement de leurs collaboration pour utiliser plus efficacement les technologies de l’information et de la communication afin de faciliter et d’intensifier la lutte contre Ebola.
Chacune de leurs côtés, les organisations avaient déjà pris les choses en main. L’UIT en coordination avec l’OMS a déployé des terminaux par satellite et créé des applications pour faciliter l’action humaine au niveau locale, régionale et mondiale. Ces applications visent en effet à sensibiliser les populations, diffuser des messages d’alerte ou encore signaler de nouveaux malades. De son côté, l’Internet society a créé le « Groupe d’action technologique de lutte contre Ebola ». Il s’agit de réunir les compétences techniques des membres avec l’idée de progresser plus vite dans les recherches. Enfin, la GSMA en coordination avec l’OMS, a mis en place « le Plan d’utilisation du mobile pour lutter contre Ebola ». Ce plan a pour but de donner des instructions aux opérateurs mobiles et à leurs régulateurs afin qu’ils organisent, grâce aux réseaux mobiles, des campagnes efficaces de santé publique auprès de la population touchée.
A cette occasion, la Sierra Leone a par ailleurs proposé une résolution nommée « Utilisation de technologies de l’information et de la communication pour briser la chaîne d’urgence liés à la santé telle que la transmission du virus Ebola » qui a été adopté à l’unanimité. Cette résolution a pour but d’encourager le développement et l’utilisation des technologies d’information et de communication en Afrique. Elle donne compétence à l’UIT pour établir des lignes directrices afin de déterminer les infrastructures de communication nécessaires et de fiabiliser les informations. La résolution encourage aussi à ce qu’émerge une véritable coopération entre les acteurs médicaux, les acteurs institutionnels et les acteurs techniques afin de rassembler les procédés et permettre une lutte efficace.
Une lutte au détriment des données personnelles ?
Tous les moyens semblent être bons pour lutter contre Ebola. A Busan, le Secrétaire général de l’UIT a aussi encouragé «la suppression des obstacles réglementaires» afin de « faciliter le déploiement et l’utilisation des applications de télécommunication pour sauver des vies » tout en tenant compte de la « nécessité de protéger la vie privée des utilisateurs ». Dans cette déclaration pour le moins flou, c’est tout de même la notion de proportionnalité qui semble dominer. Mais cette notion est en réalité assez modulable selon que l’on veuille privilégier la lutte contre Ebola ou inversement. Faut-il nuancer, voir limiter, l’utilisation des TIC afin de protéger les données personnelles, au risque de les rendre moins efficaces ? La question reste ouverte. La réponse dépend de l’importance que l’on donne à l’intérêt général par rapport à la notion de vie privée. Les données sont prises automatiquement par des objets connectés puis traitées plus ou moins en masse, sans parfois avoir le consentement des intéressés. Cette pratique appelle à la prudence vis-à-vis du devenir des données personnelles. Ces données collectées, au titre de la lutte contre Ebola, sont en principe anonymisées mais peuvent être facilement détournées par des tiers ; notamment à des fins commerciales. Or, ces données sont intrinsèquement liées à la « vie privée » de l’individu et il reste indispensable que leurs utilisations soient modérées et surveillées. En pratique, une telle surveillance, qu’elle soit territoriale ou extraterritoriale parait bien difficile à mettre en place. La protection des données personnelles n’est pas encore une priorité face à la propagation du virus.
SOURCES :
BENTON (G.), « Les TIC au service des communautés qui luttent contre Ebola », elearningafrica.com, publié le 15 novembre 2014, consulté le 29 novembre 2014, http://www.elearning-africa.com/eLA_Newsportal/fr/les-tic-au-service-des-communautes-qui-luttent-contre-ebola/
FLEITOUR (G .), « Ebola : les TIC engagées dans la lutte contre l’épidémie », usine-digitale.fr, publié le 10 septembre 2014, consulté le 29 novembre 2014, http://www.usine-digitale.fr/article/ebola-les-tic-engagees-dans-la-lutte-contre-l-epidemie.N282982
PISANI (F.), « Les TIC contre Ebola », lopinion.fr, publié le 20 octobre 2014, consulté le 3 décembre 2014, http://www.lopinion.fr/19-octobre-2014/tic-contre-ebola-17479
UIT, « L’IUT, la GSMA et l’Internet Society unissent leurs forces pour lutte contre Ebola », iut.net, publié le 3 novembre 2014, consulté le 29 novembre 2014, http://www.itu.int/net/pressoffice/press_releases/2014/60-fr.aspx#.VHCMW2fW7dk