L’avant-dernier épisode de la série « The Newsroom », réalisé par Aaron Sorkin met en exergue un nouveau type d’applications sur smartphone, un type d’applications qui, en un sens, permet de rendre justice soit même. Dans le cas hypothétique évoqué par l’auteur, un des personnages est victime de viol et voit que l’auteur présumé n’est pas inquiété par les autorités faute de preuve. La victime décide donc de lancer une application qui permet à toutes les victimes de viol de recenser sur une carte leur violeur ainsi qu’une photo et sa description. Un véritable débat est alors ouvert par M. Sorkin qui vient nous demander s’il est envisageable qu’un jour, de telles applications soient créées et si celles-ci sont justifiées.
Pour le réalisateur, la réponse est clairement négative. Bien que ce cas soit totalement fictif mais dont la plausibilité est avérée, on peut aisément le rapprocher d’une application qui existe déjà en Allemagne : Gegen Nazi (Contre Nazi), qui sert à placer sur une carte les manifestants néo-nazis aperçus dans Berlin.
Des raisons de l’émergence de telles applications
L’essor des nouvelles technologies et la montée de l’individualisme a permis à l’individu de se sentir être un véritable acteur de la société globalisée. La multiplication de la sollicitation du public dans les médias de l’information et son appel à contribution par des chaînes telles I-TV et BFMTV légitime d’autant plus l’intervention directe des usagers dans la mise en œuvre d’un service d’intérêt public. Aussi, l’on ne peut que louer les effets d’un tel phénomène lors des printemps Arabes ou bien même lors de la précédente crise ukrainienne. Cependant, dans le cadre de l’information, les contributions des usagers sont parfois à prendre avec des précautions d’interprétation, car ceux ci peuvent être manipulés, les informations peuvent être faussées. En aucun cas, les usagers ne doivent être appelés à contribution dans le cadre de la justice ou d’autres missions régaliennes. Appeler à la dénonciation citoyenne en serait la prochaine étape. Et aussi rapidement, l’on replonge dans les méandres d’une société anti-démocratique, pourtant expérimentée à travers l’Histoire.
Des débordements probables liés à ces applications
Dans le cadre de l’exemple hypothétique de M. Sorkin, l’application peut aisément être utilisée à des fins de vengeance par des personnes malveillantes. Il s’agirait ici d’un véritable outil de diffamation et de blâme public. Cette théorie est aussi plausible dans le cadre de l’application « Gegen Nazi », où par vengeance une personne pourrait identifier une autre personne comme « Nazie » et sa localisation. Il est aussi envisageable que des individus excédés par la montée du néo-nazisme viennent à organiser des traques, voire des « milices » urbaines. Dans ce cas, l’application aura été à la racine de troubles graves à l’ordre public. On pourrait aisément imaginer tous types de dérives de l’usage de telles applications mais il apparaît être une constante que ces applications ont une forte propension à aller à l’encontre des principes fondamentaux de notre droit, pourtant construit depuis plus de 2000 ans.
De la nécessité d’un contrôle strict des ces applications
Avec l’abandon de la justice privée que l’on peut retracer à approximativement -1730 Avant JC avec l’établissement du Code des Hammurabi du Royaume de Babylone, la présomption d’innocence sont les concepts fondateurs du droit, donc d’une société, comme le rappelle J.J Rousseau dans son ouvrage « Du contrat social ».
Ces principes naturels, inhérents à toute société sont potentiellement bafoués par l’émergence et le mauvais usage de ce type d’applications. Aussi, les autorités doivent se montrer très vigilantes par rapport à leur développement car bien que les raisons de leur créations soient entendues, il n’est pas entendable que celles-ci perdurent.
SOURCES:
CARTER (B.), “HBO’S ‘THE NEWSROOM’ DRAWS BACKLASH OVER RAPE PLOT”, The New York Times, 8 décembre 2014
VORBRINGER (A.), “FUR EINE VIELFALTIGEREN PROTEST”, Berliner Zeitung, 2 décembre 2014