Vous avez peut être contesté son paiement, mais vous l’avez tout de même tous probablement payé avant le 15 décembre 2014. En effet, la contribution à l’audiovisuel public qui fait beaucoup parler d’elle dans l’actualité ne semble pas faire l’unanimité chez tous les français, puisqu’elle divise l’opinion. A la même époque l’an dernier, un sondage de Médiamétrie révélait que 70% des français jugeaient cette contribution trop élevée, et 20% uniquement connaissaient ses objectifs. Bien qu’il soit difficile d’obtenir des chiffres relatifs à la fraude, certains allèguent que le « non-acquittement de cette contribution » serait un « sport national » dans l’hexagone. Nombreux sont ceux qui restent dubitatifs et sceptiques face à cette contribution. C’est pourquoi, les projets de réforme qui se profilent à l’horizon de l’année 2015 interrogent. Qui est concerné par son paiement ? Pourquoi fait-elle l’actualité ? Les contestations à son égard sont-elles légitimes ? Un état des lieux apparaît nécessaire eu égard à l’actualité.
Selon l’étude publiée par le CNC le 16 décembre dernier, 97% des foyers français possèdent aujourd’hui un poste de télévision. Anciennement appelée « redevance audiovisuelle », la contribution à l’audiovisuel public est la principale ressource des chaînes publiques. En principe, elle permet aux sociétés de l’audiovisuel public d’assurer l’effectivité de leurs missions de service public, entre autres : fédérer les publics en proposant une offre diverse et privilégier l’information et la culture. Ainsi, sont concernés par son paiement : les contribuables soumis à la taxe d’habitation (peu importe qu’ils soient propriétaires, locataires, occupants à titre gratuit) possédant un poste de télévision (et ce, quel que soit le mode d’acquisition du poste), ou un dispositif de réception. Il est aujourd’hui prévu que le montant de la contribution augmentera de 3 euros en 2015 pour atteindre 136 euros. Le produit de la contribution est affecté et se répartit entre les sociétés de l’audiovisuel public : France Télévisions (qui en reçoit la part la plus importante), Radio France, l’Ina, Arte et la société en charge de l’Audiovisuel extérieur appelée aussi France Médias Monde.
Des contestations nombreuses
La contribution à l’audiovisuel public interroge. D’une part, celle-ci est contestée et fait actuellement débat s’agissant des « français de l’étranger » qui disposent d’une résidence secondaire en France. En effet, ces derniers alléguaient que lorsqu’ils se trouvaient à l’étranger, ils ne parvenaient à avoir accès qu’aux seuls « programmes d’information » sur certaines plateformes. Ils allèguent également des difficultés d’accès aux services de télévision de rattrapage et contestent ainsi la légitimité du paiement de la contribution à l’audiovisuel public. Toutefois, la principale problématique aujourd’hui, concerne certains services de télévision qui sont en difficulté, notamment France Télévisions. En effet, il convient de rappeler que le groupe se trouve actuellement « sous pression » dès lors que la subvention versée aux services de télévision publique estimée à 292 millions d’euros en 2014 devrait chuter fortement et atteindre seulement 29 millions d’euros d’ici 2 ans. Il apparaît alors nécessaire de trouver une solution, c’est pourquoi, les projets sont nombreux.
Le projet d’extension de la contribution à tous les écrans connectés en mesure de recevoir la télévision
Les chiffres publiés dans la dernière étude du CNC du 16 décembre 2014 mettent en évidence la multiplication des écrans. Ainsi, le nombre d’écrans par foyer est aujourd’hui supérieur à 6. En 2014, 22% des français ont regardé la télévision par internet. Fin novembre 2014, devant la Commission des affaires culturelles du Sénat, Fleur Pellerin, Ministre de la culture, a confirmé l’engagement du Président de la République annoncé en octobre dernier d’extension de la contribution à l’audiovisuel public à tous les écrans. Il s’agit d’une question sensible qui exige de trouver un équilibre et de mettre en balance différents éléments, entre autres : « la capacité d’achat des français, la protection du marché de la publicité des chaînes privées et l’anticipation de la réduction de la subvention publique » pour les chaînes publiques qui est annoncée d’ici 2 ans. Les opposants à ce projet allèguent que cette mesure serait néfaste notamment pour les plus jeunes, qui sont véritablement des adeptes du visionnage de la télévision sur ces nouveaux supports. En effet, plus de 6% des 15 ans et plus regardent quotidiennement la télévision sur un autre écran ou la télévision de rattrapage pour une durée moyenne de près de 2h.
Ici, il s’agit d’un projet ayant été déjà évoqué l’an dernier. En effet, cette idée plus générale de taxation de tous les objets connectés avait également été évoquée dans un rapport rendu en 2013 de Pierre Lescure. Ce rapport mentionnait l’idée d’une « taxation de l’ensemble des terminaux dotés d’une connexion Internet et permettant de lire des fichiers contenant du texte, du son, de l’image ou de la vidéo ».
Le Président de la République lors d’une intervention devant le CSA en octobre 2014 s’était prononcé en faveur d’une « assiette plus large et plus juste de la contribution à l’audiovisuel public » en étendant la contribution aux écrans « connectés » en mesure de recevoir la télévision. Le Président avait toutefois nuancé son propos en indiquant que l’objectif n’était pas d’accroître les recettes. Toutefois, il semble opportun de souligner que ce projet pourrait à terme concerner plus de 200 000 foyers. C’est pourquoi, les contestations politiques et dans l’opinion publique qui commencent à s’élever inquiètent. C’est pourtant le projet qui aujourd’hui a la préférence de France Télévisions en raison d’une possibilité de mise en œuvre très rapide.
Selon l’étude du CNC sur les usages de l’audiovisuel, 55,5 % des utilisateurs regardent la télévision de rattrapage sur un ordinateur et 23,4% sur un appareil mobile. Toutefois, il convient de souligner que le visionnage de la télévision sur un autre support ne représente aujourd’hui que 4 minutes par jour contre 3h45 pour la télévision en direct. Face aux derniers chiffres publiés par le CNC, on peut s’interroger sur la pertinence et l’opportunité d’adopter concrètement ce projet. En effet, le temps de visionnage de la télévision sur les autres types de support reste très nettement inférieur à celui du poste de télévision dit « traditionnel ». Dès lors, la taxation de tous les écrans connectés est-elle légitime et pertinente ?
Une autre piste envisagée : le prélèvement forfaitaire par foyer
Il semble ici s’agir d’une proposition inspirée du modèle allemand de contribution à l’audiovisuel. L’idée a été invoquée au Sénat par le rapporteur audiovisuel Jean-Pierre Leleux. Selon ce dernier, ce type de prélèvement par foyer qui « aurait le mérite de la simplicité et de l’équité », serait un moyen efficace et performant en vue de lutter contre la fraude, celle-ci tendant à s’accroître. De nouveau, ce projet n’est pas exempt de critiques. Malgré des contestations, certains projets similaires font l’objet aujourd’hui de discussions au sein d’autre pays de l’Union Européenne.
Une problématique d’avenir également chez nos voisins en Italie
Il convient de rappeler que la contribution à l’audiovisuel public n’est pas une spécificité française. En effet, les pays européens ont quasiment tous à l’unanimité fait le choix de ce modèle de financement, souvent critiqué. Les difficultés rencontrées aujourd’hui et les nouveaux projets qui abondent existent aussi chez nos voisins. Ainsi, par exemple, la redevance audiovisuelle appelée « Canone rai » fait également l’objet de contestations aujourd’hui. Actuellement, une importante réforme de la redevance audiovisuelle est en cours en Italie. Le projet prévoit une diminution relativement importante de la redevance puisque son montant devrait passer de 115,5 à 65 euros. Toutefois, le paiement ne serait plus conditionné à la possession d’un téléviseur. La redevance ferait l’objet d’un prélèvement mensuel sur la facture électrique des foyers. Tout type de poste de réception pourrait être visé. Ainsi seront également concernés ceux qui visionnent la télévision par le biais d’ordinateurs, de tablettes ou de smartphones. Ce projet contesté s’inscrivait dans celui de la réforme de l’audiovisuel public. Le gouvernement italien a toutefois annoncé plus tard que le projet était stoppé. Contraint par le manque de temps ou par la nécessité de réflexions supplémentaires ? Les italiens continuent de s’interroger.
En France, certains soutiennent que l’augmentation du montant de la redevance serait un moyen permettant de repousser à plus tard l’adoption de projets fortement contestés et ainsi éviter des « débats très sensibles » à l’heure actuelle. Toutefois, aucun projet envisagé ne semble faire l’unanimité. A l’ère du développement des objets connectés, il apparaît que le projet dont l’adoption semble plus probable en France pourrait être celui relatif à l’extension aux écrans connectés qui permettent de recevoir la télévision. Nul doute que des contestations continueront à s’élever à l’égard de cette contribution qui fait déjà l’objet de critiques dans les pays qui s’orientent vers l’adoption de ce modèle de financement. Il appartient maintenant au gouvernement de se saisir rapidement de la question de la redéfinition de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public en vue d’anticiper les probables difficultés futures.
SOURCES :
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RAME (S.), « Elettricità e canone Rai : da gennaio se pagherà con la boletta dopia », ilgiornale.it, publié le 18 novembre 204, consulté le 8 décembre 2014 <http://www.ilgiornale.it/news/politica/elettricit-e-canone-rai-gennaio-si-pagher-bolletta-doppia-1068706.html>
REES (M.), « Redevance TV étendue aux nouveaux écrans : Fleur Pellerin, apprentie équilibriste », Nextinpact.com, publié le 26 novembre 2014, consulté le 6 décembre 2014 < http://www.nextinpact.com/news/91109-redevance-tv-etendue-aux-nouveaux-ecrans-fleur-pellerin-apprentie-equilibriste.htm>
REES (M.), « Les français de l’étranger enfin exonérés de redevance TV? », Nextinpact.com, publié le 2 décembre 2014, consulté le 20 décembre 2014 <http://www.nextinpact.com/news/91184-les-francais-etranger-enfin-exoneres-redevance-tv.htm>
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