VERS LA CRÉATION D'UN STATUT HYBRIDE POUR LES PLATEFORMES  ?

Du côté français une volonté affichée de modifier le statut juridique de l’hébergeur. Du côté européen, une volonté de dépoussiérer le droit d’auteur dans son ensemble.

Ainsi, d’un côté Fleur Pellerin souhaite réformer la directive 200/31/CE sur le commerce électronique et de l’autre, la Commission européenne souhaite réformer la directive 2001/29/CE sur le droit d’auteur. En effet, selon la ministre de la culture il faut plutôt « se poser la question de la contribution de tous les acteurs qui bénéficient de la diffusion des œuvres ». Selon la ministre, « ces statuts datent de la loi de confiance dans l’économie numérique, de 2004, qui transpose elle-même une directive européenne de 2000. Internet a évolué depuis ! ». Elle souhaite ainsi ouvrir « le débat de la lutte contre le piratage et de la mise en œuvre des droits, en impliquant, ici encore, tous les acteurs, des ayants droit aux hébergeurs, des moteurs de recherche aux fournisseurs de solution de paiement ou aux professionnels de la publicité. » La crainte française ici est de voir reculer la protection offerte par le droit d’auteur en défaveur des ayants-droits. C’est pourquoi, la solution proposée par Fleur Pellerin est de s’attaquer directement au statut juridique des hébergeurs par la création d’un statut hybride pour les plate-formes.

La création d’un statut hybride pour les plate-formes

« Il faut que chacun ait conscience de sa responsabilité, revoir nos modes de coopération, notamment en matière de protection du droit d’auteur, en allant peut-être vers un statut hybride, par exemple pour les grandes plate-formes, qui ne sont ni simplement des hébergeurs ni totalement des éditeurs. » Cette idée est inpirée directement du rapport annuel du Conseil d’Etat sur le numérique et les droits fondamentaux. Cette nouvelle catégorie juridique, à mi-chemin entre l’éditeur et l’hébergeur, concernerait les intermédiaires qui « proposent des services de classement ou de référencement de contenus, biens ou services mis en ligne par des tiers. »

Deux acteurs doivent ici être identifiés : l’hébergeur et l’éditeur. S’agissant de l’hébergeur, son statut est définis à l’article 6-I-2 de la LCEN. C’est celui qui gère le site internet d’un point de vu technique. C’est donc celui qui possède la serveur où est stocké le site internet. L’hébergeur est celui qui gère le volume data d’un site internet. L’éditeur, quant à lui, est celui qui édite, publie, qui met en forme et qui créé le contenu. C’est lui qui fait preuve d’originalité dans le contenu.

Or, les plateformes ne sont pas de simples hébergeurs qui se contentent de mettre à disposition un serveur et de la bande passante, ni des éditeurs qui choisissent et produisent les contenus qu’ils diffusent. La volonté française serait donc d’abbatre le « régime binaire » qui oppose les hébergeurs et les éditeurs afin de mettre en place une nouvelle catégorie d’acteurs avec les plateformes dont le régime de responsabilité pénal et civil serait à la croisée entre l’irresponsabilité de principe des hébergeurs, et la responsabilité pleine et entière des éditeurs. Mais quelles conséquences entrainerait ce nouveau statut ?

Une obligation de surveillance pour les plateformes

Tout d’abord, les plateformes devront mettre en place un système de filtrage des contenus contrefaisants afin d’empêcher l’apparition pendant un temps donné d’un contenu ayant déjà fait l’objet d’un retrait. C’est l’application du principe « Notice and stay down ». Ce principe a été préconisé par la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) lors de la grande consultation sur le numérique : « Il ne devrait pas être nécessaire d’adresser plusieurs fois de suite la même notification. Le fait que les intermédiaires ne soient pas tenus à un obligation de surveillance générale est interprété de façon extensive au détriment des ayants-droits. » Elle préconise également une présomption de « notification justifiée » au profit des sociétés de gestion collective ce qui dégagerait de toute responsabilité l’intermédiaire technique qui les mettrait en œuvre.

Ainsi, en application de ce principe, lorsqu’un intermédiaire se voit dénoncer un contenu illicite, il doit alors le retirer mais également empêcher sa réapparition. Cependant, cette obligation doit respecter un certain nombre de conditions afin de ne pas se transformer en « surveillance généralisée ». Ainsi, celle-ci doit être strictement proportionnée, limitée dans le temps (six mois maximum) et ciblée sur des contenus précis. On ne peut que saluer une telle solution. En effet, à l’heure actuelle il apparaît anormal qu’un contenu ayant déjà fait l’objet d’une demande de retrait puisse réapparaitre sans encombre. La procédure mise en place à l’heure actuelle apparaît fastidieuse pour celui souhaitant voir un contenu supprimé puisqu’il devra notifier chaque nouvelle apparition de celui-ci. Mais pour qu’un tel dispositif soit efficace, une telle obligation de surveillance doit être également couplée avec une autre obligation : l’obligation de loyauté.

Une obligation de loyauté pour les plateformes

Selon le Conseil d’Etat « les plateformes doivent être doivent être tenues à une obligation de loyauté, tant à l’égard des utilisateurs finaux que des tiers. » Il s’agirait en fait d’une obligation de transparence envers les utilisateurs sur la mise en œuvre de ces outils afin d’éviter les risques de surblocage. Selon le Conseil d’Etat « les risques de surblocage n’apparaissent pas aujourd’hui d’une ampleur suffisante pour justifier un contrôle administratif à priori des outils de surveillance. » Ainsi, ce contrôle se ferait pas les juges à posteriori. On recommande également que ces acteurs publient chaque année la liste des précautions prises pour limiter le surblocage et le nombre de contenus retirés par application du principe de surveillance.

Et pendant ce temps, du côté de la Commission ….

Dans la directive de 2001 il y a une liste ouverte d’exceptions au droit d’auteur mais c’est une liste limitative. La directive nous dit qu’on a le choix entre 26 exceptions et une seule est obligatoire (l’exception sur internet). Les Etats membres ne peuvent pas aller au delà des exceptions énumérées. A ce niveau là, on peut dire qu’il y a une harmonisation. Mais comme les Etats font leur menus comme ils le veulent il y a un déséquilibre. Il y a donc une harmonisation aujourd’hui très incomplète. Le pays qui a les exceptions les moins nombreuses est la France même si on en a augmenté le nombre.

En ce qui concerne la volonté de réforme de la directive de 2001 de la Commission Européenne, le sujet n° 1 sera celui des exceptions. L’idée est qu’il faut développer la société de l’information, c’est-à-dire internet et toutes les activités liées à internet. L’idée présente est que le droit d’auteur est une gêne au développement de l’internet et même une gêne au développement des contenus générés par des utilisateur (contenus que les utilisateurs eux-mêmes postent sur le réseau). De plus en plus les contenus sur internet sont créés à partir d’autres contenus et donc pour que la création s’épanouisse sur internet il faut arrêter de mettre du droit d’auteur partout. La commission est résolue à faire une harmonisation des exceptions. Il va y en avoir moins mais elles seront obligatoires. Les pays du sud (France, Espagne etc.) seront contre. La France va se retrouver certainement minoritaire. De plus, il y a un débat sur une idée qui a été lancé par la commission et qui reccueille les faveur d’un courant doctrinal : une exception visant les usages transformatifs.