Le célèbre réalisateur français Luc Besson se prépare à tourner son prochain film « Valérian » en France, avec des acteurs anglo-saxons, et donc exclusivement en langue anglaise. Cependant, Besson trouvait injuste de ne pas pouvoir toucher le crédit d’impôt cinéma et menaçait alors de déloger son tournage vers un pays aux tarifs plus favorables. Fleur Pellerin, ministre chargée de la Culture et de la Communication va finalement accepter l’idée d’étendre le champ du crédit d’impôt, ce qu’elle proposera pour la loi de finance 2016.
L’état du droit sur le crédit d’impôt cinéma
À l’heure actuelle le crédit d’impôt cinéma, mis en place par la loi de finance pour 2004, permet une baisse d’impôt sur les sociétés de production. Il existe évidemment des conditions pour pouvoir bénéficier de ce crédit, notamment quant à la nature du film. En effet, pour être éligibles les films doivent respecter 3 conditions essentielles : êtres intégralement ou principalement réalisés en langue française ou dans une langue régionale en usage en France ; être principalement réalisés sur le territoire français ; et contribuer au développement de la création et à la diversité cinématographique française et européenne. Le taux de ce crédit d’impôt cinéma est actuellement de 20%.
Ces conditions assez strictes font partie du concept de « l’exception culturelle française » que l’on cherche à protéger. La notion d’exception culturelle française existe notamment depuis la création d’un ministère de la Culture en 1959 et confié à André Malraux. L’idée est de favoriser l’industrie culturelle en offrant des aides aux productions françaises. En effet, sans le système des subventions et des allègements fiscaux qui existe actuellement en France, on peut facilement imaginer un rapide déclin de la culture française, notamment pour le secteur du cinéma.
Cependant on se pose la question de savoir si ces conditions qui entourent le crédit d’impôt cinéma ne sont pas trop contraignantes pour les films internationaux. Malgré l’existence d’un crédit d’impôt cinéma pour les films étrangers, celui ci serait trop restrictif et donc pas assez attrayant. C’est en tout cas ce que semble penser Luc Besson.
Le problème des délocalisations économiques
L’exception culturelle française a aussi des défauts car elle empêche peut être d’attirer les tournages de films de grande ampleur et non tournés en langue française sur notre territoire. Si l’on regarde le système fiscal des pays voisins, on se rend vite compte que la France est l’un des pays les plus contraignants en la matière au motif de protéger sa culture nationale.
Le problème est donc que cette réglementation entraine des conséquences évidentes : la délocalisation des tournages vers d’autres territoires. On sait par exemple que le tournage du film « Munich » de Steven Spielberg, dont une partie du scénario se déroulait en France, a finalement été largement tourné à Prague.
C’est ainsi que le réalisateur Luc Besson s’est plaint du système pour le tournage de son prochain film Valérian. Alors qu’il avait l’intention de le tourner en France, il a menacé d’aller le délocaliser en Hongrie parce que le crédit d’impôt cinéma en son état actuel ne lui permettait de ne toucher aucune aide fiscale. Cette absence d’aide est due au fait qu’il s’agit d’un film français, car le producteur est français, mais tourné intégralement en anglais. Il ne rentre donc pas dans les conditions fixées par le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC).
L’extension proposée par la ministre
La ministre chargée de la culture, Fleur Pellerin, a donc proposé d’étendre pour la loi de finance 2016, le champ du crédit d’impôt cinéma, notamment face à la pression indirecte faite par Besson. Le projet sera donc d’avoir un taux du crédit d’impôt qui passera de 20% à 30% pour tous les films, alors que ce taux était préalablement réservé aux films avec un budget de moins de 4 millions d’euros. De plus, il sera désormais possible pour un film tourné en langue étrangère de bénéficier de ce même taux à 30% si cela est « justifié par le scénario ».
Luc Besson pourra ainsi bénéficier du crédit d’impôt cinéma pour son prochain film dont le budget s’élève à 170 millions d’euros. Il a d’ailleurs confirmé qu’il tournera finalement en France.
Les conséquences positives de cette extension
Si cette extension satisfait les demandes du réalisateur Luc Besson, elle est tout autant bénéfique pour l’Etat. En effet, l’objectif était sans doute d’éviter de perdre les gains que vont générer la super production du film Valérian, mais surtout, de manière plus générale, l’objectif du gouvernement est de se montrer compétitif fiscalement pour attirer les tournages dont les retombées économiques sont très importantes.
Il y a donc un intérêt réel d’étendre le crédit d’impôt cinéma. Une évaluation faite par le CNC concernant le dispositif du crédit d’impôt démontre que, depuis 2004, on estime à 841,3 millions d’euros de solde positif entre les recettes et les crédits d’impôts qui ont été accordés (étude du CNC d’octobre 2014 – Évaluation des dispositifs de crédit d’impôt). Le résultat est clairement positif et la nouvelle extension va permettre de continuer dans ce sens.
Ces retombées positives passent notamment par la création des emplois. Pour ce qui est du film Valérian, il a été estimé que ce dernier va générer un millier d’emplois pour sa réalisation.
Pour conclure, s’il est possible d’avoir des réserves quant à la demande de Luc Besson concernant son film – car en effet celui ci se rapproche plus d’une super production américaine que française – on ne peut tout de même nier que ses menaces de délocalisation ont fait avancer les choses. Cela aura notamment permis d’aider au développement et à la compétitivité de la France en matière cinématographique.
SOURCES :
ANONYME, « Cinéma. Le « Valerian » de Besson devrait être estampillé Made in France », ouest-france.fr, publié le 05 octobre 2015, consulté le 06 octobre 2015, http://www.ouest-france.fr/cinema-le-valerian-de-besson-devrait-etre-estampille-made-france-3742269
ANONYME, « Crédit d’impôt cinéma : victoire pour Luc Besson », lepoint.fr, publié le 29 septembre 2015, consulté le 06 octobre 2015, http://www.lepoint.fr/economie/credit-d-impot-cinema-victoire-pour-luc-besson-29-09-2015-1969060_28.php
MADELAINE (N.), « Frédérique Bredin : « Le crédit d’impôt cinéma a démontré son efficacité », lesechos.fr, publié le 30 septembre 2015, consulté le 06 octobre 2015, http://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/021368952011-frederique-bredin-le-credit-dimpot-cinema-a-demontre-son-efficacite-1160912.php
ANONYME, « Crédit d’impôt cinéma », cnc.fr, consulté le 06 octobre 2015, http://www.cnc.fr/web/fr/credit-d-impot-cinema1