Suite aux attentas du 13 novembre 2015 à Paris, le groupe de hackers Anonymous a proféré des menaces à l’encontre de Daech.
Le mouvement Anonymous est un collectif de hackers qui s’érige en défenseur de la liberté d’expression sur internet. Les individus, membres du collectif sont, comme leur nom l’indique, anonymes, ils rejoignent le groupe et le quittent tout aussi librement. Le mouvement ne comporte pas de leader, mais leur unité semble transparaitre dans un objectif commun, la protection de la liberté d’expression. Malgré cela, et de par la nature anonyme du collectif, il est difficile d’attribuer spécifiquement des actions aux Anonymous. Lorsqu’ils revendiquent certains agissements, ceux-ci, matérialisés par des cyberattaques, ciblent des groupements ou des personnes qu’ils jugent néfastes.
Les cyberattaques sont des attaques informatiques qui visent généralement à bloquer ou fermer des sites internet. De manière générale, la cybercriminalité est définie comme l’ensemble des infractions pénales qui sont commises via les réseaux informatiques. Avec l’évolution des nouvelles technologies, de nouvelles formes de cyberattaques apparaissent, dont le spamming (l’envoi en masse d’emails publicitaires non sollicités), le phishing (la transmission de renseignements sur leurs comptes à de faux sites internet par les utilisateurs de services bancaires en ligne, à leur insu), ou encore le pharming (le fait d’induire en erreur l’internaute et le rediriger vers un site contrefait). En France, la cybercriminalité est définie largement comme l’ensemble des infractions pénales qui sont commises via les réseaux informatiques.
Une menace réelle de cyberattaques par les Anonymous
Au lendemain des attentats de novembre 2015 à Paris, le collectif Anonymous a diffusé une vidéo sur internet, menaçant l’état islamique d’orchestrer des cyberattaques à leur encontre. On peut y voir un homme portant le masque de Guy Fawkes, symbole emblématique du groupement. L’homme se fait porte parole des Anonymous : « nous allons lancer l’opération la plus importante jamais réalisée, contre vous. Attendez-vous à de très nombreuses cyberattaques. La guerre est déclanchée […] Nous sommes Anonymous, nous sommes légion, nous ne pardonnons pas, nous ne n’oublions pas, attendez-vous à nous ».
Ce n’est pas la première fois que le groupement de hackers menace Daech. En effet, à la suite des attentats dans les locaux de Charlie Hebdo en janvier 2015, les Anonymous avaient exposé une liste de plus de 9 000 profils twitter des membres de Daech. Aujourd’hui encore, plus de 5 000 nouveaux profils ont déjà été publiés, et le chiffre ne cesse de s’accroitre. Cette attaque a pour but d’exposer l’organisation terroriste et ainsi de la fragiliser. Suite à cette action, des hackers pro-daech répondent aux Anonymous par une provocation, diffusée sur un canal de propagande djihadiste (le même mode de communication que celui utilisé pour revendiquer les attentats). Ils estiment que la seule révélation de comptes twitter et de emails ne permettront pas de les arrêter. Depuis, le collectif Anonymous a répliqué en publiant sur internet un guide pour aider à pirater l’état islamique.
Daech, une organisation structurée et connectée
L’organisation terroriste état islamique (ou Daech) est également une organisation militaire et politique. Elle prône une idéologie salafiste djihadiste, c’est-à-dire qu’elle voit la violence jihad comme une nécessité. Cette organisation a été créée en 2006. Elle comporte une structure ordonnée, avec un chef, Abu Bakr Al-Baghdadi, calife autoproclamé, des députés, des cabinets, des conseils et des gouverneurs ainsi que des cadres intermédiaires. Malgré cette organisation hiérarchique structurée, l’état islamique n’est pas reconnu comme un état légitime.
Le but de Daech est d’imposer sa vision de l’Islam. En effet, l’état islamique s’est emparé depuis 2014 d’un large territoire qui englobe presque la moitié de l’Irak et de la Syrie et se compose de près de 6 millions de personnes. Néanmoins, l’organisation ne veut pas s’arrêter là et poursuit sa conquête afin d’imposer son idéologie.
Au sein de l’état islamique, de nombreux conseillers, figures importantes de Daech, sont chargés de guider les membres de l’organisation quant à l’utilisation d’internet et des technologies numériques. Ils permettent également de favoriser l’encryptage des conversations informatiques. De ce fait, les membres peuvent communiquer librement sur internet et les nouveaux adhérents ont davantage de facilité à rejoindre l’organisation. L’analyste Aaron F. Brantly, du centre de lutte antiterroriste affirme que ces derniers « ont développé une série de plateformes sur lesquelles ils peuvent former chacun d’entre eux sur la sécurité numérique […], dans le seul but de recruter, de faire de la propagande et de préparer des attaques ».
Ce mécanisme mis en place par les agents décentralisés de Daech permet aux membres une grande autonomie. Ils sont protégés sur internet, ce qui les rend plus forts. A ce titre, une menace de cyberattaques de la part des Anonymous ne devrait pas les laisser indifférent. En effet, si les Anonymous parviennent à parasiter le mécanisme, l’organisation terroriste pourrait s’en trouver affaiblie et davantage désorganisée.
La menace Anonymous, une menace essoufflée
Suite à la menace de cyberattaques, les Anoymous ont entrepris plusieurs actions à l’encontre de l’état islamique. Cependant, le fait de divulguer des comptes twitter reste une action de faible envergure. Le collectif semble même perdre de la crédibilité. En effet, la plupart des comptes twitter dévoilés ne sont absolument pas liés à l’organisation terroriste. Dans un tweet, les Anonymous, par le biais de la bannière #OpParis, avouent « Nous ne sommes pas sûrs à 100% que les comptes sont ceux de membres de l’EI, mais nous n’affirmons pas qu’ils n’en fassent pas tous, partis », mais le tweet a été retiré depuis.
Certaines personnes, dont le profil a été diffusé s’indignent. Ces erreurs commises par le collectif semblent rendre leurs informations moins crédibles. Certains membres des Anonymous invitent les autres à ne pas se désolidariser et appellent ceux qui veulent lutter contre Daech à apprendre à identifier les cibles réelles.
De par ces erreurs éparses, le collectif Anonymous est susceptible de faire l’objet de plaintes en diffamation. En l’espèce, il s’agirait d’une diffamation publique envers des particuliers. La diffamation publique est sanctionnée par les articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Certaines personnes vont même jusqu’à dire, que le collectif peut entraver l’exercice de a justice, en perturbant les services de renseignements dans leurs investigations.
Les actions d’Anonymous à l’encontre de l’état islamique n’ont, pour le moment, pas engendré de désagréments particuliers au sein de l’organisation terroriste. Bien qu’elle constitue une cyberattaque, son effet reste moindre. Les Anonymous, en proférant des menaces à l’encontre de Daech, s’attendaient à une réaction immédiate. Il semble que leur démarche avait pour objectif de susciter la crainte de l’organisation terroriste et le réconfort des populations. En effet, à la diffusion de la vidéo des Anonymous, cette menace était porteuse de soutien aux familles des victimes. Cependant, les premières actions entreprises par le collectif ne se sont pas avérées concluantes.
Les cyberattaques, des pratiques réprimées
Bien que par cette volonté semble légitime, le groupe de hackers a déjà procédé à des cyberattaques dont les objectifs étaient plus controversés. Certains militants ont, de fait, été poursuivis pour des cyberattaques menées à l’encontre d’administrations. Il y a quelques jours, 3 Anonymous français ont été condamnés par le Tribunal de Nancy pour avoir procédé à des cyberattaques à l’encontre du Ministère de la Défense, du conseil régional de Lorraine ainsi que du conseil général de la Meuse et de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs. Ces cyberattaques avaient pour but de contester et d’empêcher une décision prise par les autorités concernant le traitement des déchets radioactifs.
Les cyberattaques constituent des crimes. Dans notre société actuelle, l’utilisation d’internet est primordiale et il parait inconcevable de ne pas réprimer la cybercriminalité, dans la mesure où chaque personne étant en désaccord avec une décision pourrait court-circuiter les réseaux.
En France, plusieurs lois ont été adoptées pour lutter contre ces pratiques. La loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique du 21 juin 2004 prescrit la mise en place d’un dispositif de signalement des activités illégales de jeux d’argent. Par ailleurs, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) de février 2011 réprime d’un an de prison et de 15. 000 euros d’amende l’infraction d’usurpation d’identité en ligne.
Ces lois sont complétées par des moyens techniques divers. On trouve parmi elles, la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos), qui permet aux internautes de signaler des contenus illicites rencontrés sur internet, comme des images à caractère pédopornographique.
A l’échelle internationale, les Etats se sont unis dans la lutte contre la cybercriminalité. Comme toutes les pratiques informatiques, les cyberattaques n’ont pas de frontières. De ce fait, les différents états ont, lors d’un Conseil de l’Europe, conclus une Convention, la Convention de Budapest. En effet, le 23 novembre 2001, la Convention a mis en place un réseau d’enquêteurs au sein d’Interpol (l’organisation internationale de police criminelle) dont l’objectif est la lutte contre la cybercriminalité. Ce réseau d’Interpol a de ce fait lancé, dès 2012, l’opération « Unmask » (démasqué) à l’encontre du collectif Anonymous. Ces derniers semblent constituer une crainte pour les autorités dans la mesure où certaines de leurs actions ont touché des administrations au sein de différents Etats.
Cependant, dans les circonstances exceptionnelles des attentats perpétrés en France, l’organisation internationale de la police criminelle va-t-elle procéder à des arrestations à l’encontre des membres du collectif de hackers ?
Sources
YOUTUBE – Vidéo Anonymous
< http://youtu.be/w49NCXhq0YI > consulté le 14/11/15
LEMONDE – « Anonymous menace de nouveau l’Etat islamique »
< http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/11/16/anonymous-menace-l-etat-islamique_4810856_4408996.html > consulté le 16/11/15
PHONANDROID – « Attentats de Paris : des hackers pro daesh répondent aux Anonymous »
< http://www.phonandroid.com/attentats-paris-hackers-pro-daesh-repondent-anonymous-traitent-idiots.html > consulté le 18/11/15
LEMONDE – « Riposte d’Anonymous aux attentats du 13 novembre : le vrai et le faux »
< http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/11/17/riposte-d-anonymous-aux-attentats-du-13-novembre-le-vrai-et-le-faux_4812217_4408996.html > consulté le 18/11/15
LE HUFFIGTON POST – « Organisation de Daech : voici ce que l’on sait du fonctionnement de l’État islamique » < http://www.huffingtonpost.fr/2014/10/02/organisation-daech-etat-islamique-fonctionnement_n_5921718.html > consulté le 20/11/15
SLATE – « Une demi-douzaine de conseillers haut gradés de Daech est chargée de conseiller les djihadistes et aspirants terroristes sur la façon d’utiliser au mieux les technologies numériques »
< http://www.slate.fr/story/110137/daech-service-assistance-informatique > consulté le 18/11/15
LES INROCKS – « La guerre des Anonymous contre Daech est déjà un fiasco »
< http://www.lesinrocks.com/2015/11/24/actualite/la-guerre-des-anonymous-contre-daech-est-deja-un-echec-11789542/ > consulté le 24/11/15