De nos jours le réseau social Facebook compte plus de 1,49 milliards d’utilisateurs dans le monde. Cette utilisation toujours plus florissante d’internet et son expansion au sein de nos foyers, ont obligé certains pays européens à adopter un cadre juridique veillant à contenir l’expansion de cet outil de communication hors norme.
Depuis peu les polémiques s’accumulent, on s’affole du pouvoir grandissant d’internet et des réseaux sociaux, notamment de leurs impacts sur la vie privée d’autrui.
Guillaume Champeau rédacteur en chef du magasine « Numerama », a par ailleurs donné le ton l’année dernière en énonçant « sur Facebook vous ne serez plus propriétaire de vos données personnelles ».
Cette déclaration faisait suite, au changement de politique de confidentialité de la société américaine en novembre dernier.
C’est à travers cette démarche que le leader des réseaux sociaux a été condamné, le 9 novembre dernier, pour violation des données personnelles des internautes non inscrits sur la plateforme. Il est reproché en effet à la firme de pister les internautes non-abonnés via le système de cookies. Cette décision faisait suite à une première plainte déposée par l’autorité belge de la protection de la vie privée, homologue de la CNIL en France.
En Belgique comme en France, on entre dans le cadre d’un système de « l’opt in », prônant l’obligation du consentement préalable dans l’utilisation de ces cookies.
Facebook ne peut donc pas utiliser sa politique de pistage des données sur des non- abonnés selon les lois européennes en vigueur.
Le Tribunal de première instance de Bruxelles a ordonné à Facebook d’arrêter le pistage des internautes non-abonnés. Le géant américain a 48 heures pour s’exécuter sous peine d’une astreinte d’un montant de 250 000 euros par jour.
Cette affaire s’inscrit dans la continuité du très polémique arrêt « Safer Habor » par la volonté des Etats européens de limiter certains abus et préserver ainsi la protection des données personnelles.
En effet ce « Big Brother » suit ces internautes à la trace grâce notamment au système de fonctionnement des « plug-ins » qui permettent aux internautes de partager des contenus ou de montrer leurs préférences pour certains sites, y compris les non-utilisateurs du site. Cette décision illustre parfaitement les mécanismes de riposte mis en place par les autorités et fait office de jurisprudence en la matière.
La polémique liée à la mise en place des cookies
Pour comprendre la décision prise en référé par le juge il faut au préalable revenir sur le fonctionnement du mécanisme de pistage utilisé par les réseaux sociaux.
Un cookie est en réalité un micro-fichier qui permet l’identification et la mémorisation des données. Cette balise déposée sur le disque dur des machines sert à faciliter la navigation sur internet. Certains cookies sont indispensables pour certains sites de communication au public en ligne.
En France, ils sont régis par l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978, qui impose aux sites d’éclairer l’internaute et de recueillir son consentement. Une telle législation s’impose car les cookies pistent l’internaute.
C’est d’ailleurs dans ce cadre-là, que le projet de loi « pour une République Numérique » tente d’instaurer une réglementation de l’usage de ces cookies.
En effet tout le problème réside dans la condition du consentement : elle est implicite dans le cas où l’internaute est abonné au réseau social en question. Mais qu’en est-il dans le cas où la firme américaine collecte des informations sans autorisation ?
Le type de cookie visé en l’espèce se surnommait « datr » et permettait à Facebook de retrouver des données des non-utilisateurs. Dans le cas où celui-ci visite une page ou celle d’un ami, il est placé sous le même régime que les abonnés, or la différence est qu’il n’a pas donné son approbation.
Une recommandation de principe avait été prise avant d’assigner Facebook en justice, la commission s’était prononcée sur l’illégalité du procédé. La Commission belge de la protection de la vie privée faisait ainsi référence au manque de consentement des internautes, ainsi qu’à la durée de conservation jugée excessive (2 ans).
Les données personnelles, propriété ou droit de la personnalité ?
Depuis le début de l’année, Facebook contiendrait plus de 43 % du trafic des sites de média. La plateforme représente une mine d’or d’informations, concentrant toutes les données personnelles des internautes allant des préférences religieuses aux partis politiques.
Aux vues des contentieux croissant, le leader américain a dû changer sa politique de vie privée, et fait des données personnelles non plus la propriété des personnes mais un droit de la personnalité. Le changement ne bouleverse pas le cadre juridique de leur politique mais démontre une réelle volonté de prudence de la part de la société.
Quid de la compétence du tribunal Bruxellois ?
Facebook se défend de l’utilisation du cookie « datr ». Le géant américain annonce un argument sécuritaire : ce cookie garantirait en effet en partie l’équilibre du système. Il identifierait les navigateurs, ce qui permettrait de dissocier les visites légitimes et en définitive filtrer les hackers.
La société compte bien faire appel de cette décision. D’une part elle reconnaît pour seule compétence l’Etat Irlandais, y ayant installé son siège social, et d’autre part, elle exprime la volonté de s’aligner sur le droit le plus favorable en ces domaines. D’autant plus que la particularité de la procédure de référé en dépit du caractère d’urgence découle de la procédure. En effet, même dans le cas où Facebook interjette appel la procédure ne sera pas suspensive.
On note donc l’importance de la décision en la matière. Le tribunal de première instance, en basant sa décision sur l’interprétation d’une réglementation européenne, pourra ouvrir le droit à chaque commission de la vie privée de saisir l’interdiction de ce cookie. Affaire à suivre…
SOURCES :
ANONYME., « Facebook accusé de pister les internautes inscrits ou non », lemonde.fr, mis en ligne le 1 avril 2015, consulté le 27 novembre 2015, < http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/04/01/facebook-accuse-de-pister-les-internautes-meme-non-inscrits_4607150_4408996.html>
ANONYME, « Vie Privée : la CNIL Belge attaque Facebook en justice », lexpansion.fr, mis en ligne le 16 juin 2015, consulté le 27 novembre 2015, <http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/vie-privee-la-cnil-belge-attaque-facebook-en-justice_1690122.html>
ANONYME., « La Belgique ordonne à Facebook de cesser de tracer les internautes non membres », lemonde.fr, mis en ligne le 10 novembre 2015, consulté le 27 novembre 2015, < http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/11/09/la-belgique-ordonne-a-facebook-de-cesser-de-tracer-les-internautes-non-membres_4806107_4408996.html>