Le 13 novembre dernier, Paris est frappé d’une série d’attaque terroriste jusque là encore jamais connu en France. La cible principale est la population française qui profite d’un vendredi soir classique. Très vite le bilan des personnes touchées par ces actes s’alourdit et la stupéfaction laisse place à l’effroi.
Cependant les citoyens réagissent assez vite, en témoigne le tweet du journaliste Sylvain Lapoix, témoin indirect des évènements, qui publie sur le réseau social : « ceux qui peuvent ouvrir leurs portes, géolocalisez vos tweets + de #PorteOuverte pour indiquer les lieux sûrs. #fusillade #Paris ».
S’en suit un véritable raz de marée comportant le #PorteOuverte, puisqu’il est reproduit plus de 700 000 fois dans la soirée. Mais finalement, la clé de voute de cette entraide, outre la solidarité des citoyens, est l’utilisation de la géolocalisation sur le réseau social pour permettre aux personnes en danger de se réfugier.
Rappelons que la mise en place de systèmes de géolocalisation sur un grand nombre d’appareil, tels que les smartphones ou en encore les véhicules, a été longtemps critiqué, notamment pour son caractère attentatoire à la vie privée.
C’est donc l’occasion de revenir sur les limites qu’a souhaité crée l’Etat quand à l’utilisation de la géolocalisation pour ensuite montrer les bienfaits que la technique peut avoir, notamment au travers de son utilisation lors des évènements du 13 novembre dernier.
• Le cadre légal de la géolocalisation sur les réseaux sociaux.
Le paragraphe 14 de la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2008, dit directive vie privée et communication électronique, vient dire que « par données de localisation l’on entend la latitude et la longitude, et l’altitude du lieu où se trouve l’équipement terminal de l’utilisateur, mais aussi la direction de son mouvement, l’identification de la cellule où il se situe et le moment où l’information et le moment sur la localisation a été enregistré ».
Il est clair, aux vues de cette définition, que la géolocalisation est une technique affectant la vie privée, mais également les données personnelles, puisqu’elle permet le traçage des personnes, mais également la collecte d’information sur les individus, notamment, pour les réseaux sociaux, en vue d’en faire une commercialisation.
Ainsi, dès lors qu’une société exploite une application collectant des données de géolocalisation, elle se doit de respecter la loi du 6 janvier 1978, dite Loi informatique et Libertés, en sa qualité de responsable de traitement, mais également l’article 9 du code civil relatif à la protection de la vie privée. La loi du 6 août 2004, portant sur les données personnelles, vient également instituer un système d’opt-in dans l’utilisation de la géolocalisation sur une application, c’est-à-dire le fait pour l’utilisateur de données son consentement avant une géolocalisation que l’on pourra qualifier de « ponctuelle ».
Toutefois, cela ne vient pas ralentir les réseaux sociaux puisque tous utilisent la géolocalisation et vous permettent par exemple de partager votre position à un instant précis. Ce phénomène engendre ainsi des dérives allant de la simple surprise pour votre employeur en découvrant que vous n’êtes pas chez vous malade (mais à l’autre bout de la France) aux cambrioleurs surveillant les réseaux sociaux et pouvant découvrir si votre demeure est occupée ou non. Ces pratiques, bien que sanctionnées par la juge par la suite, ne sont pas empêchées par la loi au moment de leurs réalisations, puisque l’utilisateur aura d’ors et déjà accepté la géolocalisation, ainsi que la publication de sa position, même si il n’a pas totalement lu les conditions d’utilisations.
La CNIL, organe crée par la loi du 6 janvier 1978 et ayant notamment pour mission la protection des données personnelles, vient même donner, sur son site, des conseils permettant de « maîtriser les informations publiées sur les réseaux sociaux », preuve d’un phénomène touchant les utilisateurs peu informés sur la question.
Cependant, l’emploi de la géolocalisation et la collecte des données personnelles par les réseaux sociaux n’a pas uniquement des inconvénients. En est la preuve les attentats du 13 novembre dernier et le mouvement de solidarité apparu sur les plateformes de partage.
• Une utilisation bénéfique à l’intérêt général de la géolocalisation.
Avec les évènements du 13 novembre dernier, un fort mouvement de solidarité est apparu, en particulier sur les réseaux sociaux avec notamment deux phénomènes employant la technique de géolocalisation.
Le premier, cité précédemment dans l’article, est celui de l’utilisation de #Porte ouverte pour permettre aux personnes se trouvant dans les rues au moment des attentats d’être accueillis par les riverains se trouvant dans la zone. L’utilisation de la géolocalisation à trouver une nouvelle utilité, permettant ainsi aux personnes dans le besoin de pouvoir s’abriter.
A l’origine, Tweeter a souhaité un système de géolocalisation des tweets en créant sa fonctionnalité « Nearby », ce qui signifierai en français « à proximité ». Ce système permettait en effet de voir apparaître les tweets dans ses alentours, grâce à une méthode de double géolocalisation (du tweeter et du follower). Le réseau social, pour se parer contre les atteintes à la vie privée, avait ainsi prévu un système de demande d’autorisation avant lancement et une désactivation par défaut. Toutefois, ce projet n’est resté qu’à l’état de test et tweeter s’est cantonné à pouvoir permettre aux utilisateurs de géolocaliser les tweets.
La seconde utilisation notable de la géolocalisation sur les réseaux sociaux, lors des attentats du 13 novembre, est le « Safety Check » mis en place par Facebook.
Jusqu’à présent, utilisé uniquement lors des catastrophes naturelles, ce système permet grâce à votre géolocalisation (par une publication récente) de savoir, dans un premier temps, si vous étiez, ou auriez pu être, dans la zone touchée. Les personnes qui seront donc dans cet espace pourront ainsi cliquer sur un bouton pour indiquer si ils sont en sureté et, de ce fait, rassurer leurs contacts Facebook.
Les réseaux sociaux ont donc eu ce jour là pour rôle, le soutien de la population, voire, comme l’explique Hubert Guillaud dans un article pour le journal Le Monde, d’assurer une mission de service public. Pourtant, comme il est souligné dans cet article, cette fonction normalement assuré par l’Etat, l’est ici par un organisme privé qui effectue donc des choix arbitraires, sans aucune intervention des gouvernements, donc de la population.
Rappelons que ces réseaux sociaux sont des systèmes de collectes importantes de données, notamment grâce à la technique de la géolocalisation, et donc que les fonctions comme le « Safety Check », outre aider les personnes en danger, pourrait permettre une surveillance massive des internautes et donc une atteinte aux libertés humaines.
GUILLAUD (H.), « Safety Check : Facebook, Service Public ? », blog.lemonde.fr, consulté le 22 novembre 2015, publié le 27 novembre 2015, http://internetactu.blog.lemonde.fr/2015/11/27/safety-check-facebook-service-public/
Interview de LAPOIX (S.), pour l’émission “C à vous”, youtube.fr, consulté le 17 novembre 2015, publié le 16 novembre 2015, https://m.youtube.com/watch?feature=youtu.be&v=V_Y-UR6LRY8