(Image extraite de Wall-e, copyright Pixar animation studio, Walt Disney pictures)
Qui aujourd’hui n’a jamais eu à subir une panne prématurée d’un matériel technologique ?
Si l’usure normale d’un appareil combinée à un usage intensif par exemple, peuvent légitimer une telle panne dans l’esprit du consommateur, il semble pourtant que les avancées technologiques aillent de pair avec une certaine fragilité.
Est-ce une fatalité ou serait-ce plutôt une volonté des industries « high tech » pour nous pousser à remplacer nos appareils plus souvent ?
La notion d’obsolescence programmée nous vient de la grande dépression des années 30, ainsi Bernard London riche américain publia un pamphlet intitulé : « Ending the depression throuh planned obsolecence » ou comment mettre fin à la crise (économique) à travers l’obsolescence programmée. Cette pratique qu’il convient de définir comme le fait de limiter délibérément la durée de vie d’un produit est condamnable et ce sur deux principaux axes. Le droit du consommateur d’une part poussé à racheter un matériel qui devrait encore fonctionner, et d’autre part, du point de vue écologique, en effet les composants électroniques sont composés de métaux lourds et nécessitent un traitement couteux et long afin d’être recyclés.
D’un point de vue économique l’obsolescence programmée a pourtant un effet positif : entretenir artificiellement la demande, lorsque la publicité et le marketing ne suffisent plus. Il ne s’agit donc plus d’inciter le consommateur à acquérir tel ou tel produit mais bien de l’y obliger car l’ancien ne fonctionne plus.
Ainsi la durabilité trop grande d’un appareil n’est tout simplement pas rentable alors pourquoi investir pour proposer des produits plus fiables ?
Il convient d’énoncer brièvement d’abord les différentes catégories d’obsolescence programmée et de les illustrer par quelques exemples.
L’obsolescence programmée, une notion plurale difficile à cerner
Il existe plusieurs types d’obsolescence, tout d’abord, l’obsolescence pour défaut fonctionnel, ici un seul composant de l’appareil tombe en panne et celui devient inutilisable.
Puis, l’obsolescence par notification, il s’agit par exemple du fait d’inclure une puce électronique dans une imprimante afin que celle-ci cesse simplement de fonctionner au bout d’un certain nombre d’utilisation, l’imprimante allant jusqu’à notifier l’utilisateur de la panne.
Ensuite, l’obsolescence indirecte. Dans ce cas ce n’est pas le matériel lui-même qui cesse de fonctionner mais plutôt un accessoire essentiel c’est le cas par exemple des chargeurs de téléphones portables. En effet, il y a quelques années encore la diversité des prises de chargeurs impliquait qu’à un terminal mobile donné correspondait un chargeur donné. En cas de panne, le service après-vente répondait invariablement qu’il serait plus simple de le remplacer soit parce que ce modèle n’est plus fabriqué, soit parce que le coût de remplacement est trop élevé. Cette problématique semble s’être largement atténuée du fait de l’apparition de la norme mini USB que tous les industriels ou presque semblent avoir adopté (à l’exception d’Apple).
Enfin, l’obsolescence par incompatibilité. Ce type d’obsolescence touche principalement le domaine informatique, il s’agit par exemple de cas de logiciels qui ne fonctionnent plus du fait du changement du système d’exploitation. Ce cas de figure s’appliquant aussi bien aux ordinateurs personnels mais aussi sur les téléphones portables du fait de la convergence technologique (l’architecture ou le « hardware » des téléphones portables ainsi que leurs OS empruntent largement aux ordinateurs).
L’obsolescence programmée peut aussi relever d’éléments plus subjectifs voire même psychologiques tel que l’esthétique, mais s’agissant de considération de design, le produit reste dans ce cas parfaitement fonctionnel, c’est tout simplement le jeu du marketing qui est difficilement sanctionnable.
On pourrait également évoquer une forme d’obsolescence écologique avec l’exemple de la prime à la casse pour les véhicules polluants, véhicules au demeurant toujours fonctionnels mais dont le démantèlement anticipé permet d’économiser la planète en rejetant moins de gaz polluants. Une fois encore ce type d’obsolescence allant dans le sens du développement durable elle ne saurait être sanctionnée.
La question se pose alors de la lutte contre cette obsolescence programmée le droit peut-il être en mesure d’endiguer ce phénomène qui d’une part est difficile à démontrer et qui d’autre part se trouve privé d’effet par une pratique de plus en plus répandue l’extension de garantie.
Cette pratique semble se généraliser et plus ou moins ancrée dans les mœurs, le fait de payer pour un contrat adjoint à l’achat du matériel afin de prolonger la garantie légale de deux ans avec par exemple le remplacement immédiat de l’appareil par l’identique ou un produit équivalent si ce dernier n’est plus disponible.
Une tentative française louable de pénalisation de cette pratique : l’article L. 213-4-1 du Code de la consommation.
La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a eu pour effet d’instaurer un nouveau délit dans le Code de la consommation. Ainsi, l’article L. 213-4-1 dudit Code dispose : « I. L’obsolescence programmée se définit par l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement.
II. -L’obsolescence programmée est punie d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.
III. -Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires. »
Si la démarche est plus que louable on peut néanmoins s’interroger sur l’effectivité d’une telle disposition. En effet, la preuve de la pratique, sauf à être ingénieur, semble quasiment être impossible à rapporter. Chaque composant électronique étant traversé par un courant électrique ce dernier va nécessairement chauffer et donc s’user comment distinguer la panne normale d’une panne programmée ?
La France se pose en précurseur en la matière en se dotant d’un tel dispositif, mais être le premier ne signifie pas forcément être sur la bonne voie.
On peut noter l’exemple marquant des premières générations d’Ipod d’Apple ces derniers ont été conçu avec une batterie inamovible prévue pour durer 18 mois. Une « Class action » a donc été formée aux Etats-Unis mais cette dernière ne parviendra pas devant la juridiction américaine, Apple ayant préféré transiger, changer sa politique et dédommager ses clients insatisfaits.
Il semble donc que le manque d’effectivité du droit ne soit pas toujours problématique, l’effet dissuasif de la norme si imparfaite soit elle produit en soi des effets positifs sur le marché.
A ce titre on peut noter que suite à l’adoption de ce nouveau délit un rapport gouvernemental reste pendant. Ce rapport, devant préciser l’étendue de la pratique, est sans cesse repoussé et ne semble plus prioritaire aujourd’hui.
L’obsolescence programmée ne peut disparaitre, on peut citer à ce titre l’usage quasiment universel qui consiste à changer de téléphone mobile tous les 1 à 2 ans. Le consommateur étant demandeur pourquoi changer une pratique qui semble au final contenter presque tout le monde…
Subséquemment, le seul moyen effectif de lutter contre l’obsolescence programmée ne peut venir que des retours des consommateurs à travers l’usage des avis sur internet ou les retours sur les réseaux sociaux.
L’e-réputation est devenu un argument marketing de choix. A mon sens, la régulation ne peut être effective qu’en ce sens et l’intervention législative ne présente qu’un intérêt relatif si ce n’est de produire de la norme pour donner un illusoire sentiment de protection.
SOURCES :
BERNE (X.), « Le délit d’obsolescence programmée entre en vigueur », nextimpact.com, publié le 19 août 2015, consulté le 20 novembre 2015, <http://www.nextinpact.com/news/96204-le-delit-dobsolescence-programmee-entre-en-vigueur.htm>
Le Centre Européen de la Consommation, Rapport « Obsolescence programmée ou les dérives de la société de consommation », avril 2013, europe-consommateurs.eu, consulté le 20 novembre 2015, <http://www.europe-consommateurs.eu/fileadmin/user_upload/eu-consommateurs/PDFs/publications/etudes_et_rapports/Etude-Obsolescence-Web.pdf>
SUEZ, « Produits électroniques : l’obsolescence programmée hors la loi », huffingtonpost.fr, publié le 3 septembre 2015, consulté le 20 novembre 2015, <http://www.huffingtonpost.fr/2015/09/03/story_n_8081544.html>
WILLIAM, «L’obsolescence programmée : la face cachée de la société de consommation », mutinerie.org, publié le 10 mars 2011, consulté le 20 novembre 2015, <http://www.mutinerie.org/lobsolescence-programmee-la-face-cachee-de-la-societe-de-consommation/#.VlrM1XYvdD8>