Le lundi 7 décembre 2015, dans un communiqué publié sur le blog de la société, les fondateurs de Dropbox, Drew Houston et Arash Ferdowsi, ont annoncé la fermeture de deux de leurs services, à savoir les applications Carousel, un service de stockage de photos lancé l’an dernier, et Mailbox, un gestionnaire d’e-mail acquis en 2013 pour 100 millions de dollars, à partir de février 2016.
Jusqu’à récemment, ces deux services étaient présentés comme indispensables au développement de la société puisque le premier visait à permettre à Dropbox de rivaliser avec Flickr, propriété de Yahoo, et avec Picasa, propriété de Google, tandis que le second devait permettre de stocker davantage de données sur les serveurs et donc de susciter davantage d’abonnements.
Ces fermetures annoncées par Dropbox illustre les difficultés actuelles rencontrées par les « licornes », c’est-à-dire le terme employé pour désigner les jeunes firmes non cotées revendiquant une valeur supérieure au milliard de dollars, relatives aux craintes des investisseurs quant aux surévaluations supposées de ces sociétés du secteur de la technologie.
Ainsi, Dropbox, l’un des acteurs emblématiques du cloud, créé en 2008 avec pour idée d’offrir un espace d’hébergement de fichiers accessibles en tout lieu et sur tout support, que ce soit un ordinateur, une tablette ou un ordinateur, via un système d’abonnement gratuit ou payant, est contraint de revoir sa stratégie sous la pression de ses investisseurs.
En effet, à l’heure actuelle, ses performances économiques sont jugées insatisfaisantes sur un marché de plus en plus concurrentiel, notamment en raison des arrivées d’Apple, Google et Microsoft sur le secteur, qui proposent désormais des capacités de stockages supplémentaires à distance à leurs clients, et provoquant des chutes des prix.
Ces derniers mois, deux investisseurs de Dropbox, Fidelity et BlackRock, ont abaissé la valeur de la société dans leur compte, soulignant les doutes qui entourent le cloud grand public.
Par conséquent, Dropbox, face à une nécessaire adaptation, doit repositionner sa stratégie, ce qui justifie ces deux fermetures.
Un repositionnement de la stratégie indispensable
Dans leur communiqué, les fondateurs de l’entreprise californienne affirment qu’il est maintenant indispensable de se recentrer sur les applications destinées à améliorer la façon dont les gens travaillent ensemble, c’est-à-dire de se concentrer sur les services dédiés à la productivité pour les professionnels, là où se situe la croissance.
En ce sens, certaines des fonctionnalités de Mailbox et Carousel seront intégrées à Paper, une application de création et de partage de documents lancée en octobre et qui vise uniquement les professionnels.
Cette nouvelle stratégie s’explique par le fait que, pour l’instant, ce sont essentiellement les offres adressées aux professionnels qui sont rémunératrices pour les sociétés spécialisées dans le cloud, ceux-ci étant prêts à payer pour de l’hébergement de données ou de services sur des serveurs informatiques à distance.
En 2015, selon les estimations des cabinets d’étude, le cloud a rapporté près de 32,6 milliards de dollars dans le monde, ce qui en fait un secteur en pleine croissance à condition de cibler le bon public, à savoir les professionnels, et de proposer les services adéquats, ce que tente de faire Dropbox en repositionnant sa stratégie.
Anticipant cette tendance, Amazon propose, depuis une dizaine d’années, l’hébergement et le traitement en ligne de données pour les entreprises, ce qui a permis au géant de la vente en ligne de faire de nombreux bénéfices sur ce secteur de plus en plus porteur, et de devenir un concurrent sérieux sur le marché de l’informatique en nuage
Cette solution s’avère moins onéreuse que d’acheter et d’entretenir soi-même un large parc de serveurs informatiques, ce qui est le cas de la plupart des sociétés du secteur.
Ainsi, face à une concurrence de plus en plus forte, les entreprises du cloud ont pour obligation de diversifier leurs offres étant donné que le simple hébergement de données à distance et que proposer une offre peu couteuse ne suffit plus.
Désormais, il est nécessaire de mettre au point une gamme de services, comme l’analyse des données stockées, vendus plus chers, mais, qui sont plus utiles pour les entreprises.
Aujourd’hui, l’enjeu majeur est de devenir un allié de toutes les stratégies professionnelles, couvrant le plus large choix de services possibles et allant du simple diagnostic médical aux comptes d’entreprises.
Ce contexte explique la forte pression mise sur Dropbox par ses actionnaires, celle-ci ayant été valorisée à 10 milliards de dollars suite à sa dernière levée de fonds, en janvier 2014, avec pour ambition de poursuivre son développement et, le cas échéant, de pouvoir être introduit en Bourse.
Or, freinant cette volonté, deux de ses principaux actionnaires, les fonds Fidelity Investments et BlackRock, ont récemment déprécié leur participation dans la société en se basant sur ses chiffres de croissance et ses perspectives, qui n’apparaissent donc pas flatteurs.
Par ailleurs, comparée à celle de ses concurrents, et notamment celle de son rival Box.com, côté à Wall Street, dont la capitalisation boursière atteint à peine 1,7 milliards de dollars, la valorisation de Dropbox semble surévaluée, ce qui justifie les nouvelles exigences de ses actionnaires.
Dropbox se trouve donc confronté à ses premières véritables difficultés depuis le lancement de ses services en 2008, après avoir poursuivi une croissance rapide et multiplié les acquisitions au fur et à mesure des années, mais, ces difficultés s’inscrivent dans une tendance touchant la globalité des entreprises travaillant sur ce marché.
Une remise en cause générale
En effet, on constate, depuis quelques mois, et surtout en cette fin d’année 2015, que les sociétés spécialisées sur le marché du web sont confrontées à de nombreuses critiques, principalement issues de leurs propres investisseurs, selon lesquelles elles auraient surévaluées leur valeur et donc leur attractivité.
Ainsi, Snapchat, une application de photographie et de messagerie, a perdu les faveurs de son investisseur principal, Fidelity, qui a réduit de 25% la valeur comptable de sa participation tandis que Square, l’autre entreprise du PDG de Twitter, a récemment été forcé de réduire le prix de ses actions en vue de son introduction en Bourse, et sa valorisation est désormais estimée à 3,9 milliards de dollars, alors que 6 milliards de dollars étaient annoncés l’an dernier.
Quant à d’autres entreprises du secteurs, elles préférent faire le choix de licencier pour limiter leurs pertes, telles qu’Evernote, une application de productivité en ligne, qui a annoncé, cette année, la suppression de 13% de ses emplois, ou HotelTonight, un service de réservation de séjours en ligne, qui s’est séparé de 20% de ses employés.
Cependant, la crise ne se limite pas seulement aux Etats-Unis et à la Silicon Valley, mais atteint également la France, où Deezer, le leader du streaming musical, a abandonné provisoirement son projet d’introduction en Bourse, alors que le site Showroomprivé a vu le prix de son action chuter de 10% avant de revenir à son niveau d’introduction.
Désormais, les entreprises du marché des nouvelles technologies et les spécialistes de l’Internet, confrontées aux conséquences de leurs excès d’enthousiasme manifestés à leurs début et face aux nouvelles exigences de leurs investisseurs, sont donc contraintes de revoir leur stratégie, à l’image de Dropbox, en expliquant notamment plus clairement leurs activités et en prouvant qu’elles sont dotées d’un modèle économique stable.
Face aux conséquences apparentes de leur excès d’enthousiasme manifesté lors de leur création, et confrontées aux exigences de plus en plus fortes de leurs actionnaires, ces entreprises de haute technologie sont donc contraintes de revoir leurs ambitions à la baisse.
De plus, à l’image de Dropbox, elles sont également obligées de revoir leur stratégie et notamment de s’axer vers plus de clarté et de transparence quant à leurs activités ainsi qu’à la nécessité de prouver qu’elles sont dotées d’un modèle économique stable et ce afin de rassurer leurs investisseurs.
Par conséquent, la remise en cause de la stratégie des entreprises du Web, notamment celles actives sur le marché du cloud, apparaît donc générale, même si elle touche principalement les sociétés de la Silicon Valley ayant pour ambition d’entrer en Bourse à Wall Street, et ne se limite pas seulement à Dropbox, mais, l’hébergeur de fichier californien apparaît comme le parfait exemple illustrant ce phénomène et ce changement de tendance à la fois indispensable et inévitable.
SOURCES:
ANONYME, AFP, « Dropbox va fermer ses applications pour photos et e-mails», lemonde.fr, mis en ligne le 08 décembre 2015, consulté le 24 décembre 2015, <http://www.lemonde.fr/entreprises/article/2015/12/08/dropbox-va-fermer-ses-applications-de-photos-et-d-emails_4826674_1656994.html>
BELOUEZZANE (S.), CASSINI (S.), « Snapchat et Dropbox perdent de leur lustre», lemonde.fr, mis en ligne le 13 novembre 2015, consulté le 24 décembre 2015 <http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/11/13/les-licornes-de-la-silicon-valley-perdent-de-leur-lustre_4809211_3234.html>
RAULINE (N.), « Dropbox revoit sa stratégie en fermant deux services», lesechos.fr, mis en ligne le 08 décembre 2015, consulté le 23 décembre 2015, <http://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/021541800181-dropbox-revoit-sa-strategie-en-fermant-deux-services-1182697.php>
GROS (M.), « Dropbox va arrêter ses apps Mailbox et Carousel début 2016», lemondeinformatique.fr, mis en ligne le 08 décembre 2015, consulté le 23 décembre 2015, <http://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-dropbox-va-arreter-ses-apps-mailbox-et-carousel-debut-2016-63204.html>
RONFAUT (L.), « Dropbox, les déboires du cloud grand public», lefigaro.fr, mis en ligne le 16 décembre 2015, consulté le 20 décembre 2015, <http://premium.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2015/12/16/32001-20151216ARTFIG00339-dropbox-les-deboires-du-cloud-grand-public.php>