La déontologie se définit comme l’ensemble des règles venant encadrer l’exercice d’une profession particulière.
Les journalistes doivent se plier à un code déontologique constituant une sorte de guide pour l’ensemble de leur communauté professionnelle. Ce code énonce divers devoirs que les journalistes doivent respecter afin d’exercer leur métier conformément aux aspirations du métier de journaliste.
Le secret des sources, l’objectivité ou encore le respect de la dignité de la personne humaine ou de la vie privée, relèvent de la déontologie journalistique.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), au travers de la déontologie de l’information et des programmes, à laquelle il doit veiller, vient aussi réguler volontairement la déontologie journalistique, soit le respect de ces règles, par les chaînes de radiotélévision.
Les décisions rendues par le CSA à la suite des attentats de janvier 2015
Suite aux attaques terroristes survenues en France en janvier dernier, les médias audiovisuels avaient rempli leur rôle en fournissant au public des informations sur ces attentats. Toutefois, la couverture d’une telle actualité avait engendré des débordements de la part des médias et un manque de discernement.
Sur les 500 heures de programmes analysées, le CSA avait identifié plusieurs séquences propices à des manquements déontologiques de la part de certains médias. A titre d’exemple, la chaîne France 24 avait diffusé des images provenant de la vidéo sur laquelle était montré un policier abattu par les terroristes. La chaîne avait dès lors porté atteinte au travers de cette diffusion au respect de la dignité du policier, son visage étant à découvert. Le CSA avait donc mis en demeure France 24, la sommant de respecter la dignité des personnes humaines, constituant un principe fondamental. D’autres chaînes de télévision avaient notamment divulgué des informations mettant en péril le bon déroulement des opérations menées au même moment par les autorités afin de neutraliser les terroristes. En effet, les chaînes d’information telles que BFM TV, LCI ou encore TF1, avaient diffusé des informations faisant état du déploiement des forces de l’ordre à des endroits précis ainsi que de leurs stratégies mises en place. L’ensemble de ces informations aurait donc pu également arriver jusqu’aux terroristes et ainsi compromettre les opérations en cours, et notamment mettre en péril la sécurité des otages ainsi que celle des membres des forces de l’ordre. Le CSA avait alors mis en demeure les chaînes concernées, cela dans le but qu’elles se plient à l’impératif de sauvegarde de l’ordre public.
Le nombre de manquements aux règles déontologiques de la part des chaînes de télévision et des radios quant à la couverture des attentats de janvier 2015 a été conséquent. Le CSA a relevé pas moins de 36 manquements en la matière, se soldant par 21 mises en demeure et 15 mises en garde, mettant en jeu au total 16 médias. La leçon semble avoir été retenue tant le traitement médiatique des attaques terroristes de novembre dernier a été envisagé avec prudence et parcimonie.
Mais les 36 décisions prononcées en février 2015 par le CSA à l’encontre des chaînes de télévision et des radios ont abouti à une levée de bouclier en provenance des journalistes, ces derniers étant plus que réticents à l’idée que le CSA s’immisce dans leurs affaires et vienne jeter à l’occasion le discrédit sur le travail fourni par les rédactions des médias audiovisuels. Les journalistes ont ainsi exprimé leur « ras-le-bol », tandis qu’ils s’efforçaient d’informer au mieux les citoyens, cela en période de crise.
La non reconnaissance par les médias du CSA comme régulateur en matière de déontologie journalistique
Les médias, et plus particulièrement les journalistes, sont hostiles au fait que le CSA s’improvise régulateur de la déontologie journalistique.
Le Conseil, au travers des missions qui lui ont été confiées par la loi du 30 septembre 1986, doit veiller à la déontologie des programmes audiovisuels. Cette mission porte à la fois sur le respect de la personne et de la dignité humaine, le maintien de l’ordre public ainsi que l’honnêteté de l’information. L’expansionnisme du CSA ne date pas d’hier, il avait en effet dès le départ mis en avant sa volonté de veiller à la qualité de l’information. Dès lors, ce dernier est venu à diverses reprises réguler la déontologie des informations diffusées à la télévision et à la radio. Ce contrôle a engendré diverses mises en garde et en demeure de la part du « gendarme de l’audiovisuel », comme nous l’avons précédemment vu.
Ce phénomène d’ingérence de la part du Conseil dans le domaine de la déontologie journalistique a très fortement déplu à une grande majorité de la profession et leur déplaît encore aujourd’hui. Les journalistes estiment en effet que cela doit rester sous leur coupe, en tant que professionnels du secteur, et que tout contrôle administratif n’est selon eux en aucun cas légitime. Les journalistes dénoncent un manquement au principe de l’indépendance journalistique, qui ne peut être compromis par une autorité administrative. La majorité des journalistes soutient qu’ils sont les seuls habilités en la matière, les seuls à pouvoir s’autoréguler car se sont eux qui déterminent leur code déontologique, soit les règles de bonne conduite qui s’imposent à eux, en effet même s’il existe des textes de référence en l’espèce, certaines sociétés de presse définissent leur propre charte déontologique.
Les journalistes jugent les interventions du CSA trop intempestives et illégitimes tant cela est impossible pour eux d’accepter d’être jugés sur leur travail par une autorité nommée par le pouvoir politique. En outre, les médias audiovisuels se plaignent des sanctions trop lourdes prononcées à leur encontre, quand l’information circule sans contrainte aucune via la presse écrite et les sites internet, ils dénoncent le fait de ne pas être sur un pied d’égalité.
Cependant, les chaînes de télévision et les radios étant soumises à l’autorisation même du Conseil afin de pouvoir diffuser leurs programmes, se trouvent dans une position délicate.
La volonté marquée du CSA de réguler la déontologie journalistique
Les ambitions du Conseil sont les suivantes : étendre sa compétence de régulation à la fois administrative et politique à tous les médias. Cette volonté expansionniste s’est donc matérialisée par l’intrusion du CSA au sein même de la déontologie de l’information.
Le mot « intrusion » est trop fort pour certains, notamment pour quelques rares journalistes, car en définitive les décisions du Conseil ne sont restées que peu contraignantes. En effet, ce dernier ne faisait que prononcer des mises en garde ou mises en demeure et aucune sanction n’était véritablement infligée aux chaînes de télévision et aux radios par le CSA. Ainsi, ce dernier n’empiétait pas véritablement sur la liberté de presse et venait simplement donner une ligne directrice, cela afin de garantir la sauvegarde de l’ordre public.
Le Conseil a pour mission de veiller au respect des bonnes pratiques par les médias audiovisuels en matière d’information. Pour cela il a jugé nécessaire de s’arroger un pouvoir de régulation en matière de déontologie journalistique afin de pouvoir remplir sa mission en bonne et due forme. Le CSA a en effet intégré, dès 1997, dans les conventions et cahiers des charges signés avec les chaînes, des règles déontologiques, parmi lesquelles figurent la sauvegarde de l’ordre public et le respect de la dignité de la personne humaine. Le Conseil, qui vient donc autoriser les chaînes et les radios à émettre, possède un moyen de dissuasion plus qu’efficace pour faire plier ces dernières quant au respect des règles déontologiques.
Qui plus est, le CSA doit veiller à « l’honnêteté de l’information », ce terme n’ayant été clairement défini par aucun texte de loi, le Conseil a pu prendre une certaine liberté dans son appréciation et de ce fait s’attribuer davantage de pouvoir. Nous pouvons ainsi lire sur le site de l’instance de régulation que l’honnêteté de l’information renvoie également à l’objectif de traiter l’information avec rigueur.
De toutes ces manières, le Conseil légitime son intervention en matière de déontologie journalistique.
Enfin, il convient de relever que le CSA collabore avec le CDJ ; Conseil de déontologie journalistique, chargé de réguler les médias audiovisuels francophones et germanophones de Belgique. L’avis du CDJ est cependant requis dès lors qu’une plainte est adressée au CSA, mais cette collaboration motive ce dernier bien plus encore à s’imposer régulateur de la déontologie journalistique en France et n’a très certainement pas dit son dernier mot.
La nécessaire création d’une instance spécifique et indépendante
Au vu des récentes revendications mais des constantes réticences de la part des journalistiques et des médias à reconnaître le CSA comme organe de régulation de la déontologie journalistique, la question s’est posée de la création d’une instance de régulation spécifique. En effet, le fait que le CSA soit une autorité nommée par le pouvoir politique peut engendrer des prises de position, il est donc nécessaire de s’écarter de tout intérêt politique ou économique. Il est donc primordial d’aboutir à plus d’indépendance en la matière et pour cela la France doit se doter d’une instance particulière.
Un groupement mène déjà un combat visant au respect de la déontologie de l’information, il s’agit de l’Association pour la préfiguration d’un conseil de presse (APCP), présidée par le journaliste Yves Agnès. L’association met en avant les limites du CSA en tant qu’organe de régulation de la déontologie journalistique et encourage fortement l’instauration d’un « conseil de presse ». La France est effectivement l’un des rares pays à ne pas encore disposer d’une telle instance. Il s’agirait de créer une instance déontologique consacrée à l’information, composée à la fois de journalistes, de patrons de presse et d’associations représentantes du public.
Pour l’APCP, la création d’une instance indépendante du type « conseil de presse » présenterait divers atouts. En effet, une « instance de médiation et de déontologie de l’information » ne serait tout d’abord pas nommée par le pouvoir politique et constituerait en outre une sorte de lieu de concertation pour les membres qui la composerait, autrement dit entre professionnels et représentants du public. Qui plus est, le fait que plusieurs des membres de cette instance soient des professionnels, permettrait de lui conférer une véritable légitimité aux yeux des journalistes, qui seraient ainsi jugés par leurs pairs et non plus par une autorité administrative. La création d’un conseil de presse aboutirait enfin à la mise en place d’une instance pouvant apporter une véritable réflexion en matière de déontologie de l’information ; une réflexion plus spécifique et approfondie. Ce conseil de presse pourrait donner des avis, expliquer, montrer la voie à suivre et le comportement à adopter. Il agirait ainsi comme un médiateur et gérerait les différents litiges, car il pourrait être saisi par tout intéressé s’estimant lésé ou dénonçant un non-respect.
La volonté de créer un conseil de presse remonte à plusieurs années déjà mais sa création reste encore aujourd’hui freinée par l’animosité et les désaccords persistants entre les journalistes et les patrons de presse. Cette solution semble pourtant être la plus adéquate au vu de la situation actuelle.
SOURCES
AGNÈS (Y.), « Déontologie de l’information : la supériorité d’un conseil de presse sur le CSA », thedissident.eu, publié le 7 mai 2015 < http://the-dissident.eu/6331/deontologie-de-linfo-superiorite-conseil-de-presse-sur-csa/>
JEHEL (S.), « Une régulation des médias est-elle encore possible ? », telos-eu.com, publié le 17 avril 2015 < http://www.telos-eu.com/fr/societe/culture/une-regulation-des-medias-est-elle-encore-possible.html>
GRANCHET (A.), « Pour un sursaut déontologique des médias », inaglobal.fr, publié le 6 mars 2015 < http://www.inaglobal.fr/idees/article/pour-un-sursaut-deontologique-des-medias-8156>
www.csa.fr