Dans un contexte actuel où la protection des données personnelles constitue un enjeu majeur, de par le déploiement sans fin de d’Internet, la question d’un meilleur encadrement a été soulevée. Dans une société où aujourd’hui de nombreuses données à caractère personnel de l’ensemble des citoyens sont numérisées, via notamment les réseaux sociaux ; leur renseignement étant nécessaire à notre inscription, la question s’est posée de l’éventuelle interdiction de l’accès à Facebook ou autre média social aux moins de 16 ans.
Si pour l’Union européenne (UE) cette mesure semble plus que nécessaire, il n’en reste pas moins qu’elle sera difficile à mettre en œuvre du seul fait qu’il est impossible de réellement contrôler l’âge des internautes s’inscrivant sur un réseau social. Dès lors, les avis divergent.
Un contrôle parental imposé par l’UE pour l’accès aux réseaux sociaux
Il y a plusieurs semaines déjà, alors que le Parlement européen, la Commission ainsi que les Etats négociaient les ultimes lignes du règlement européen relatif aux données personnelles, une proposition de dernière minute est survenue. Bruxelles a en effet proposé de limiter l’accès des adolescents de moins de 16 ans aux réseaux sociaux ; accès devenant subordonné à l’accord préalable de leurs parents.
Le 10 décembre dernier, le Parlement européen a voté en Commission un projet de loi ayant trait à la protection des données personnelles des internautes. Un accord de principe a été adopté 5 jours après, contenant la fameuse mesure visant à restreindre l’accès des moins de 16 ans aux médias sociaux.
A savoir que c’est à la suite de 4 années de dur labeur ; 4 années de discussions et de débats houleux, que le Conseil, la Commission et le Parlement européen sont enfin parvenus à un accord instaurant un nouveau cadre législatif en matière de protection des données personnelles. La directive du 24 octobre 1995 « relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel » n’était effectivement plus adaptée aux évolutions technologiques, autrement dit à l’Internet actuel dit « grand public » ainsi qu’aux géants du net et autres GAFA. Il s’agit en ce sens d’un véritable accord historique en droit européen, ayant cependant suscité des controverses sachant qu’au début le Parlement européen voulait fixer la limite d’âge à 13 ans.
C’est donc dans le cadre d’un accord sur les données personnelles que l’UE a jugé bon de soumettre l’accès aux réseaux sociaux des moins de 16 ans à l’autorisation parentale, cela dans le but de protéger les données personnelles des plus jeunes internautes. Le but est donc d’interdire aux groupes de réseaux sociaux de collecter les données personnelles des adolescents de moins de 16 ans sans un accord parental. A noter que le projet de loi évoqué précédemment concerne tous les services en ligne collectant des données à caractère personnel. Mais les réseaux sociaux, comme Facebook ou encore Snapchat ; le dernier en date permettant le partage de photos et vidéos éphémères, sont plus spécialement dans le viseur de l’Union européenne car ce sont des sites très prisés par les jeunes. En effet, il est à relever qu’en France 79% des adolescents âgés de 12 à 17 ans sont déjà présents sur les réseaux sociaux.
L’objectif voulu par l’UE est d’éviter toute collecte et par conséquent toute exploitation des données personnelles des jeunes de moins de 16 ans, aboutissant ainsi à une meilleure protection de leur vie privée. La finalité intrinsèque de cette mesure est de conférer davantage de contrôle aux citoyens sur leurs données personnelles, car nous le savons, nous vivons dans une société où un nombre toujours plus important de nos données personnelles est numérisé, ce qui permet d’en collecter davantage.
Cette mesure n’a bien entendu pas été reçue à bras ouverts par les groupes de réseaux sociaux, le jeune public constituant effectivement une source importante d’utilisateurs auprès de Whatsapp, Instagram, Twitter et plus particulièrement Facebook et Snapchat.
Le trilogue ; Commission européenne, Parlement européen et Conseil de l’Europe, va donc par le biais de cette limite d’âge pallier l’absence de législation dans ce domaine sur le territoire européen. Cela se traduit ainsi par un renforcement des règles actuelles car jusqu’à présent les géants du web se pliaient au droit américain servant de référent mondial ; limitant l’accès aux réseaux sociaux seulement aux moins de 13 ans. La France applique jusque là également la limite de moins de 13 ans, chaque pays européen étant libre de décider de l’âge limite. En fixant « l’âge de la majorité sur Internet » à 16 ans, les membres du trilogue visent ainsi à instaurer et imposer une législation harmonisée à l’ensemble des Etats membres de l’UE.
A noter que le texte définitif de cette nouvelle réglementation européenne ne sera adopté qu’à la mi-2016, avec une transposition dans chaque pays membre estimée à l’horizon 2018.
Afin de rendre cette nouvelle mesure effective, l’accord du trilogue prévoit que les entreprises qui viendraient à violer ces nouvelles règles européennes en matière de protection des données personnelles s’exposeraient à une amende. Le montant de l’amende s’élèverait à 4% de leur chiffre d’affaires annuel mondial. A savoir que la CNIL applique actuellement une sanction pouvant aller jusqu’à 150 000 euros pour le non respect des règles relatives à la protection des données à caractère personnel.
Un objectif de lutte contre le cyber harcèlement et la pédophilie
L’Union européenne entend par cette nouvelle limite d’âge d’accès aux réseaux sociaux freiner le harcèlement en ligne des adolescents sur le net. Il s’agit en effet d’un problème majeur.
Le fait d’interdire à Facebook par exemple de collecter les données des mineurs de moins de 16 ans sans l’autorisation préalable de leurs parents permettrait que moins de données personnelles de ces jeunes internautes ne circulent sur la toile. Cela amoindrirait par voie de conséquence le nombre de jeunes cibles potentielles sur la toile.
Les réseaux sociaux sont effectivement devenus un outil redoutable de harcèlement, sur lesquels il est possible de publier des insultes plus ou moins virulentes à l’égard de camarades de classe par exemple, devenant parfois de véritables martyrs.
Cette nouvelle réglementation en matière de données personnelles entend donc responsabiliser les parents. En soumettant l’inscription aux réseaux sociaux des moins de 16 ans à l’aval de leurs parents, cela permet à ces derniers de prendre conscience des risques auxquels s’exposeraient leurs enfants et ainsi de les responsabiliser face aux dangers du web.
L’accord européen vise aussi à combattre la pédophilie en réduisant l’exposition des plus jeunes sur le net et évitant ainsi qu’ils ne fassent de mauvaises rencontres par le biais des réseaux sociaux. A savoir qu’un parent sur trois dont son enfant a reçu un message à tendance sexuelle n’est pas au courant de cela.
Protéger les plus jeunes de la collecte et donc de l’exploitation de leurs données à caractère personnel est une des priorités de notre gouvernement, et ce déjà depuis 2011, année au cours de laquelle il a mis en place un site internet destiné aux parents. Ce site accessible via l’adresse www.info-familles.netecoute.fr, permet à tout parent de poser des questions afin d’être éclairé sur les utilisations d’Internet et notamment des médias sociaux faites par leurs enfants. Il est par exemple possible d’obtenir des renseignements à propos d’un site sur lequel son enfant souhaite s’inscrire.
On peut enfin se poser la question de savoir s’il ne serait pas plus opportun de faire en sorte que ce soit les réseaux sociaux eux-mêmes qui s’adaptent aux adolescents. Qu’en fonction de l’âge de l’abonné des données différentes soient collectées et que les contenus visibles ne soient pas les mêmes, cela dans le but de préserver les jeunes internautes. Mais le fait de limiter la visibilité de certains contenus selon l’âge reste une précaution pouvant difficilement trouver satisfaction.
La limite d’âge de 16 ans : une mesure jugée inutile et utopique
Nous pouvons saluer la volonté de l’Union européenne et des eurodéputés de vouloir conférer une meilleure protection aux données personnelles des mineurs de moins de 16 ans ainsi que de restreindre leur exposition à tout type de harcèlement, en passant par l’accord préalable de leurs parents pour toute inscription sur un réseau social. Encore faut-il que cela soit effectif.
Limiter l’âge d’accès aux réseaux à sociaux reste en effet pour de nombreuses personnes une mesure utopique. Notamment pour certains journalistes français qui d’après des sondages mettent en évidence que les principaux concernés ne se plieraient pas à cette mesure. « De toute façon, je dis toujours que je suis né en 1988 – je trouve ce numéro trop cool », tels sont les propos de l’enfant d’un journaliste. La majorité des adolescents qui s’abonnent à des réseaux sociaux le font la plupart du temps à l’insu de leurs parents, étant une génération de plus en plus connectée.
Il s’agit donc d’une idée bien honorable mais son application réelle semble quasi impossible. Comment obliger les parents à subordonner à leur consentement l’inscription de leur enfant sur Facebook par exemple ? Comment ensuite vérifier, si l’inscription a eu lieu, que l’autorisation du parent a effectivement été donnée ? Aucune des sanctions prévues par la nouvelle réglementation européenne ne pourraient alors être imposées aux réseaux sociaux frauduleux. Tant d’impossibilités qui feraient que la mesure resterait veine et inopérante en pratique. Les enfants pourraient aisément mentir sur leur date de naissance ou bien facilement obtenir l’accord de leurs parents qui ne semblerait pas être une mission impossible pour de nombreux ados. Une simple case à cocher lors de l’inscription suffira pour que les adolescents de moins de 16 ans transgressent l’autorisation parentale. Tout cela relèvera finalement donc de la responsabilité des parents, via un contrôle parental appliqué sur les appareils électroniques de leurs enfants.
Les jeunes s’estiment en effet être en capacité de se gérer eux-mêmes sur le net et notamment sur les réseaux sociaux, à tort ou à raison ! Ces internautes néophytes, mais bien moins que ce que l’on pourrait penser quoi qu’il en soit, sont tout de même des cibles davantage vulnérables sur la toile. La volonté de l’UE est donc plus que légitime, mais d’autres moyens devraient être trouvés afin de garantir une meilleure protection, tant des adolescents de moins de 16 ans que de leurs données personnelles. Les nouvelles technologies qui ne cessent d’évoluer permettront peut être la mise en œuvre d’une mesure efficiente en l’espèce, comme par exemple le fait de pouvoir utiliser l’emprunte digitale de tout abonné sur un média social.
En attendant, d’après plusieurs spécialistes, Internet jouerait un rôle primordial dans la vie de nos adolescents. Ils en viennent même jusqu’à rappeler qu’interdire l’accès à des jeunes de moins de 16 ans aux réseaux sociaux, notamment à Facebook qui est la référence en la matière comme nous le savons tous, serait susceptible d’entraîner de lourdes conséquences sur leur épanouissement. Les réseaux sociaux auraient alors des bienfaits sur les jeunes et leur permettraient à la fois de partager leurs opinions, de se créer des réseaux d’amis ou encore d’exprimer leur mal-être. Telle est l’existence et la réalité de la génération Y.
Sources
CASSINI (S.), « L’UE impose un contrôle parental sur les réseaux sociaux aux moins de 16 ans », lemonde.fr, publié le 15 décembre 2015 <http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/12/15/bruxelles-veut-interdire-les-reseaux-sociaux-aux-moins-de-16-ans_4832680_4408996.html
ROLLAND (S.), « Les réseaux sociaux bientôt interdits aux moins de 16 ans ? », latribune.fr, publié le 16 décembre 2015 < http://www.latribune.fr/technos-medias/internet/les-reseaux-sociaux-bientot-interdits-aux-moins-de-16-ans-536575.html>
MARTINEZ (G.) « Snapchat et Facebook bientôt interdits aux moins de 16 ans ? », europe1.fr, publié le 15 décembre 2015 < http://www.europe1.fr/technologies/snapchat-et-facebook-bientot-interdits-au-moins-de-16-ans-2636633>
ANONYME, « Bruxelles propose d’interdire les réseaux sociaux aux moins de 16 ans », lexpress.fr, publié le 16 décembre 2015 < http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/bruxelles-propose-d-interdire-les-reseaux-sociaux-aux-moins-de-16-ans_1746264.html>
ANONYME, « Union européenne. Interdire aux ados l’accès aux réseaux sociaux : inutile, voire désastreux », courrierinternational.com, publié le 16 décembre 2015 <http://www.courrierinternational.com/article/union-europeenne-interdire-aux-ados-lacces-aux-reseaux-sociaux-inutile-voire-desastreux?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook>