Si aujourd’hui certains programmes audiovisuels sont accessibles aux personnes souffrant de déficience auditive ou visuelle, la France reste encore un mauvais élève en la matière.
Sont rares en effet les chaînes qui diffusent leurs programmes en sous-titrés ou en langue des signes pour les sourds ou malentendants ou bien en audiodescription pour les personnes aveugles ou malentendantes.
C’est pourquoi le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en a fait une nécessité primordiale et par conséquent un de ses objectifs principaux.
Un premier pas a déjà été effectué avec la loi du 11 février 2005 ; « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Cette loi a permis l’introduction d’un ensemble de dispositions relatives aux handicaps auditifs et visuels de certains téléspectateurs au sein de la loi du 30 septembre 1986. Dès lors, l’article 28, en son 5° bis ainsi que le I de l’article 33-1 disposent que le CSA intègre dans les conventions établies avec les chaînes de télévision privées des dispositions ayant trait à l’accessibilité des programmes audiovisuels aux personnes souffrant d’un handicap auditif ou visuel.
Les obligations prévues par la loi
La loi du 30 septembre 1986 prévoit des obligations pour les chaînes de télévision réalisant une audience moyenne annuelle significative, soit un taux d’audience annuelle supérieur à 2,5% de l’audience totale de l’ensemble des services de télévision. Le législateur a en effet prévu que ces chaînes s’emploient à rendre accessible la totalité de leurs programmes, à l’exception toutefois des messages publicitaires.
A savoir que les chaînes câblées et notamment par satellite n’échappent pas à cette obligation.
Le but a donc été ici d’évaluer quelles chaînes étaient le plus regardées et ainsi de permettre leur accessibilité à tous les téléspectateurs, y compris les personnes malentendantes ou malvoyantes, ces dernières devant bénéficier d’un égal accès aux programmes audiovisuels étant les plus appréciés et visionnés par les français.
La nécessité est ainsi de ne pas priver les téléspectateurs souffrant de tels handicaps, de ce vivier que constitue la programmation audiovisuelle, notamment en terme de programmes d’information, le droit à l’information étant un droit précieux de chaque citoyen.
Quant aux services de télévision réalisant une audience moindre, les chaînes concernées doivent conclure une convention avec le CSA ; convention au sein de laquelle sera spécifiée la quantité de programmes devant être rendus accessibles à tous.
Le législateur est également venu imposer des contraintes au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Ce dernier, en vertu de l’article 81 de la loi Léotard toujours, est en effet tenu d’informer tous les ans le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) des mesures qu’il entend prendre concernant l’accessibilité des programmes. A ce titre, le CSA remet chaque année un rapport à ce Conseil national.
Le CNCPH se réunit une fois par mois afin d’analyser et de rendre compte de l’actualité et des politiques mises en œuvre quant aux personnes handicapées, en l’espèce, des mesures visant à aboutir à un meilleur accès des personnes malentendantes et malvoyantes aux programmes audiovisuels.
Enfin, la loi du 5 mars 2009 « relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision », précise en son article 54 que le CSA doit remettre au Parlement un rapport faisant état des efforts fournis par les différents éditeurs de services de communication audiovisuelle en matière de sous-titrage mais aussi d’audiodescription.
Le rôle du CSA
Les récents évènements concernant les attentats de Paris ont servi d’élément déclencheur.
Dans un communiqué de presse en date du 26 novembre 2015, le Conseil a ainsi énoncé qu’il avait reçu de nombreuses plaintes concernant l’absence de traduction en langue des signes ainsi que sur la qualité médiocre des sous-titrages des programmes d’information diffusés depuis les attentats du 13 novembre 2015.
C’est pourquoi, le CSA a également énoncé que les chaînes telles que TF1, avec une part d’audience conséquente, ainsi que le groupe France Télévisions et la chaîne M6, ont l’obligation de mettre en place des sous-titres au sein de l’ensemble de leurs programmes.
Toutefois, il n’existe aucune obligation spécifique pour les éditeurs de chaînes de télévision de traduire leurs émissions en langage des signes français.
A noter qu’aujourd’hui seulement douze chaînes traduisent leurs programmes en langue des signes, parmi elles ; des chaînes hertziennes généralistes publiques, comme France 3 avec les questions parlementaires du mercredi après-midi ; des chaînes d’information de la TNT, comme LCI ; la chaîne de sport Infosport ou encore des chaînes réservées à l’enfance et l’adolescence comme Gulli ou Canal J.
Le CSA s’est employé à concilier les requêtes et attentes légitimes des personnes malentendantes avec les difficultés, qu’elles soient techniques ou financières, des éditeurs de chaînes. Le Conseil a ainsi proposé des solutions innovantes, à titre d’exemple, il a demandé à ce que trois journaux télévisés soient diffusés avec des sous-titrages, cela du lundi au vendredi.
Le CSA a énoncé à l’issu de son communiqué qu’il effectuera très prochainement des opérations de contrôle afin d’examiner si les éditeurs se sont bien acquittés de leurs obligations en matière d’accessibilité des programmes audiovisuels. Qui plus est le Conseil a précisé que les constats et analyses qui en découleraient seraient rendus publics. Tout cela dans le but de sensibiliser les chaînes à la nécessité de mettre en œuvre des dispositifs techniques permettant un plus grand accès aux personnes souffrant d’un handicap auditif ou visuel.
Les moyens techniques mis en œuvre
En application des dispositions prévues par la loi, le CSA est parvenu à négocier avec les chaînes de forte audience ; TF1, M6, TMC, W9 et Canal+ pour ne pas les citer, qu’elles sous-titrent l’ensemble de leurs programmes, et cela à compter du 12 février 2010.
Toutes les chaînes concernées ne s’y sont pas pliées, outre le fait que la qualité des sous-titrages laissait à désirer, d’où la volonté du Conseil de l’améliorer, notamment la graphie et les couleurs, afin d’en rendre leur lecture plus agréable.
Une charte de qualité du sous-titrage a été signée en décembre 2011, afin d’harmoniser les pratiques des chaînes quant aux modalités d’apparition des sous-titres à l’écran.
Toujours pour les téléspectateurs souffrant d’un handicap auditif, la LSF ou langue des signes française a été mise en place. Même s’il n’existe aucune obligation législative en France de diffuser des émissions en langage des signes, comme cela a été précédemment souligné, il existe cependant des engagements conventionnels pour certaines chaînes.
Une charte de qualité « pour l’usage de la langue des signes française dans les programmes télévisés » a été signée le 15 janvier 2015.
S’agissant de l’accessibilité des programmes aux personnes aveugles ou malvoyantes, il existe le procédé de l’audiodescription. Il s’agit d’une technique consistant en la description d’éléments visuels d’une œuvre, afin de fournir des éléments permettant sa compréhension, tels que des informations sur le décor, les personnages, ou encore sur l’action filmée. Cette même description est faite par une voix clairement identifiée, entre les dialogues ou les commentaires de programmes, de façon à laisser ceux-ci audibles par le téléspectateur. Tous les types de programmes ne s’y prêtent donc pas, car l’insertion de ces éléments descriptifs ne peut parfois être réalisable selon la fréquence des éléments filmés. Les œuvres cinématographiques et audiovisuelles ou encore les documentaires sont les programmes les plus propices à l’audiodescription.
TF1 et M6 précisent à l’antenne que certains de leurs programmes sont « disponibles en audiodescription ».
Le constat est tel qu’il faut imposer ces procédés techniques, de manière plus ferme aux éditeurs, afin de pallier les lacunes plus qu’évidentes en terme d’accessibilité des programmes audiovisuels aux personnes malentendantes ou malvoyantes. Cela afin de permettre un accès au plus grand nombre à ces programmes et notamment de faire respecter la loi relative à l’égalité des chances, respect auquel est attaché le CSA.
Bien que le Conseil travaille en étroite collaboration avec des associations représentatives des personnes handicapées, il reste conscient des investissements que cela génère pour les éditeurs, afin de répondre aux demandes de ces téléspectateurs.
Toutefois, il est plus que temps de modifier nos comportements si notre objectif est que le modèle français devienne un exemple à suivre en la matière.
SOURCES
– « L’accessibilité des programmes aux personnes souffrant de déficience auditive ou visuelle » <http://www.csa.fr/Les-reponses-du-Conseil-aux-questions-frequemment-posees-FAQ/Television/Les-programmes/L-accessibilite-des-programmes-aux-personnes-souffrant-de-deficience-auditive-ou-visuelle >
– « Pour les personnes sourdes ou malentendantes: le sous-titrage » < http://www.csa.fr/Television/Le-suivi-des-programmes/L-accessibilite-des-programmes/Pour-les-personnes-sourdes-ou-malentendantes-le-sous-titrage >
BERGER-LONGUET (F.), « Accessibilité des programmes télévisés aux personnes handicapées », socialmedia4d.com, < http://www.socialmedia4d.com/wp-content/uploads/2013/02/PPTaccessibilit%C3%A9-des-programmes-version-2013-Media4D_FBerget_longuet.pdf >
ANONYME, « Tout savoir sur l’audiodescription », francetv.fr, < http://www.francetv.fr/accessibilite/audiodescription >