Les modes amènent parfois des phénomènes amusants, ou non…
C’est ainsi, nous avons pu constater l’apparition du phénomène du « Swatting » consistant en un canular faisant intervenir les forces de l’ordre sous un faux prétexte, chez un individu lorsqu’il est filmé en live depuis son ordinateur. Ce phénomène est particulièrement connu chez les gamers qui se filment en jouant et qui ont lancé cette « mode » initialement pour se venger d’autres joueurs. Venu tout droit des Etats-Unis, c’est en 2015 que le swatting fait sa première victime en France.
La swatting, une pratique pénalement répréhensible en France
Le 11 février 2015, un joueur en ligne a été la victime de ce canular. L’intervention des forces de l’ordre chez lui, ayant reçu un appel prétendant que sa conjointe avait été poignardée, a été retransmis en direct sur internet. Afin de ne pas pouvoir être identifié, l’auteur du canular avait créé un compte auprès d’un opérateur à l’aide de codes bancaires usurpés. Le tribunal l’a condamné pour : “escroquerie en récidive, complicité d’usurpation de l’identité d’un tiers pour troubler sa tranquillité, complicité de dénonciation mensongère à une autorité judiciaire ou administrative entraînant des recherches inutiles, divulgation d’information fausse de sinistre de nature à provoquer l’intervention des secours pour des faits de violence avec préméditation ou guet-apens”.
La sanction se fonde sur l’article 322-14 du code pénal qui dispose que “Le fait de communiquer ou de divulguer une fausse information dans le but de faire croire qu’une destruction, une dégradation ou une détérioration dangereuse pour les personnes va être ou a été commise est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Est puni des mêmes peines le fait de communiquer ou de divulguer une fausse information faisant croire à un sinistre et de nature à provoquer l’intervention inutile des secours.”
La condamnation qui a été rendue ce 30 juin 2016 est de 18 mois de prison, sous la forme de la semi-liberté et 6 mois de prison avec sursis pour recel de bien provenant d’un délit.
Ce jugement est la première sanction de ces comportements en France et toute une campagne d’information sur les peines encourues a été diffusée, telle que le montre l’illustration disponible sur ce lien.
Cependant, ce phénomène existe toujours et ce 17 septembre 2016, un nouveau cas a eu lieu dans un contexte post-attentat très sensible. Deux adolescents de 16 et 17 ans ont déclenché une opération anti-terroriste à Paris en prétendant avoir vu dix maghrébins entrer avec des armes dans l’église Saint-Leu. A la suite de quoi, ces derniers racontent leurs exploits sur le réseau social Facebook
” J’ai fait le pire SWATT, j’ai déplacé des hélico, le gouvernement, 50 voitures de flics, j’suis passer en premier sur twitter, j’suis passer sur periscope, j’suis passer sur facebook, j’suis passer sur BFMTV et 10 journal hihi #églisefuck#flicKO”
De ce nouveau cas, nous pouvons retirer deux enseignements.
Tout d’abord, que la sanction pénale encourue est très loin d’impressionner ceux tentés par la pratique et qu’au-delà de la vengeance que procure le swatting, il y a tout un phénomène de “notoriété” qui se développe via les réseaux sociaux mais aussi la gloire procurée par le fait de pouvoir faire déplacer les forces de l’ordre.
Le deuxième enseignement à tirer est que dissimuler son identifiant est un jeu d’enfant !
Alors, bien que le droit pénal intervienne de façon efficace pour sanctionner le délit de fausse alerte, il existe un certain paradoxe du droit français à ne pas sanctionner le fait de dissimuler son identité téléphonique, il s’agit du phone spoofing.
Le paradoxe du phone spoofing, une pratique légale en France
Dans les deux cas de swatting cités précédemment, on relève l’utilisation de logiciel, d’application permettant de dissimuler son identité par la technique d’usurpation d’un numéro de téléphone. Connu des hackers depuis des années, il s’agit du “caller ID Spoofing” que l’on peut traduire par “l’usurpation d’identifiant d’appel” permettant de contacter par téléphone un récepteur qui verra s’afficher un faux numéro d’appel.
Aux Etats-Unis, c’est en 2004 avec le lancement de “star38.com” qu’apparaît le premier service le “caller ID spoofing” dans un objectif initial humoristique mais qui a glissé progressivement vers une utilisation pour des faits d’escroqueries puis de swatting. En 2007, les Etats-Unis réagissent par une loi rendant illégaux ces services.
Si le swatting est sanctionné aux Etats-Unis comme en France, ce n’est pas le cas du phone spoofing qui est illégal au Etats-Unis mais qui est complètement légal en France.
D’ailleurs, ces logiciels se multiplient en France, et l’on trouve un accès très aisé à ceux-ci. Contre rémunération, on peut maquiller son numéro de téléphone et modifier sa voix. Aujourd’hui, ces services se développent très largement pour les smartphones, et on trouve des centaines d’applications, permettant de cacher son numéro de téléphone avec un numéro usurpé sur les plateformes Google Play Store et AppStore.
Afin de se dégager de toute responsabilité, ces logiciels précisent dans leurs conditions d’utilisation que l’usage de leurs services doit se faire pour des appels à caractère humoristique et respectant la loi, ceci pour déléguer la responsabilité vers l’utilisateur.
Un site, Zataz, avait même lié directement le phénomène de swatting et l’usage de phone spoofing en proposant un service affirmant pouvoir “envoyer la police chez qui vous voulez pour 5 à 15 euros”, ce service a été fermé.
Pourquoi cette légalité ?
En réalité, le phone spoofing est utile en majeure partie pour les centres d’appel de téléprospection qui font face à une crise importante et qui doivent “rassurer” leurs récepteurs pour augmenter le taux de décrochage (beaucoup plus bas si le numéro est masqué). Dans ce cadre, le spoofing n’est pas considéré comme nocif par la législation française, ce sont les dérives qui posent problème.
Aucune procédure judiciaire ne peut être initiée par les victimes de spoofing téléphonique, il n’y a que les conséquences qui peuvent être sanctionnées telles que dans le cas du swatting où la peine sanctionne le délit de fausse alerte.
Pénaliser le spoofing pourrait pourtant être un premier pas pour freiner le phénomène du swatting.
SOURCES :
https://www.legifrance.fr
https://www.numerama.com
https://www.legalis.net
https://www.nouvelobs.com