Le cybersquatting, ou cybersquattage en français, est une des nombreuses manifestations des esprits malintentionnés qui inondent la toile.
En effet, cette pratique vise à déposer et occuper des noms de domaine évoquant une marque, un patronyme, un nom commercial, ou une quelconque dénomination dans le but de les revendre au véritable titulaire ou personne concernée, de lui faire du tort, ou encore de s’inscrire dans son sillage commercial.
D’ordre matériel ou moral, le préjudice est bien présent et se trouve facilement amplifié par la portée numérique de l’internet.
Le nom de domaine a su s’imposer dans le milieu des affaires comme un élément d’une valeur économique importante et stratégique, puisque désormais, toute entreprise ne peut prétendre évoluer sur le marché qu’elle vise sans le tremplin que l’internet offre.
Véritable vitrine sur le monde, le nom de domaine est un vaste moyen de communication et de ralliement, qui répond à la règle du « premier arrivé, premier servi », donc au premier qui dépose une réservation.
Un intérêt lucratif aux yeux des cybercriminels
Par cette simple procédure de réservation se chiffrant à quelques euros, les cybercriminels ont donc vu une opportunité de tirer des bénéfices et de récolter des clics détournés.
La pratique la plus répandue consiste à utiliser un nom de domaine reprenant le même préexistant mais dans une autre extension ( .org / .net, etc.) ou par pays ( .fr /.be/ .us, etc.).
Autre possibilité, établir un nom de domaine reprenant la marque connue avec une faute typographique (ex : chanl.com).
Une fois le(s) nom(s) de domaine créés, différents usages peuvent être constatés : souvent des particuliers réservent en masse des noms de domaine afin d’être revendus, parfois au prix fort, aux personnes ou entreprises concernées qui souhaitent entourer et sauvegarder leur identité sur la toile.
Le cybersquattage est également le fait d’entreprises concurrentes souhaitant détourner les internautes vers leurs propres produits et services.
Il peut aussi s’agir de rediriger les internautes vers des sites dont la consultation mène vers l’ouverture d’innombrables publicités rapportant de l’argent au créateur, ou vers des liens pornographiques.
En période électorale, cette pratique frauduleuse se fait d’autant plus remarquer, puisque de nombreux candidats sont la cible de détournements.
Il y a quelques mois, le site toutpourlafrance.net (Titre du livre de campagne de Nicolas Sarkozy), redirigeait vers des images de nains de jardin obscènes. A présent le public atterrit sur une vidéo humoristique du Loto chantonnant « Au revoir Président ».
De même, le créateur du site sarkozy2017.com qui répertoriait toutes les affaires relatives à l’ancien président, a été mis en vente pour 9900 euros.
En 2012, un mystérieux site valls2017.fr a vu le jour, affichant seulement une photo de la figure du parti socialiste avec un décompte visant les primaires.
Cependant, ce nom de domaine ne semble pas être rattaché au site « officiel » du futur candidat à la présidentielle.
Force est de constater que ces utilisations abusives deviennent familières dans le paysage du numérique, menant à de véritables négociations concernant le sort d’un nom de domaine et nourrissant ainsi un marché aussi facile que lucratif.
Les moyens de défense
Face à ces nuisances qui peuvent prendre une ampleur considérable, la victime dispose de différents moyens d’action.
En matière de nom de domaine, qui est donc bien à différencier de la marque, la notion d’antériorité est décisive.
Rappelons que le nom de domaine n’est pas couvert par le droit de la propriété industrielle, mais sa valeur économique dans la vie des affaires est indiscutable et reconnue.
S’il s’avère qu’un cas de cybersquatting a bien lieu, la première solution est d’entrer en contact avec l’auteur de la pratique frauduleuse, afin de trouver une solution à l’amiable, par le biais d’une mise en demeure, le but étant d’obtenir la cession du nom de domaine litigieux.
Malheureusement, dans la mesure où la plupart du temps les cybersquatteurs agissent délibérément, avec une véritable intention de nuire, souvent la récupération du nom de domaine fait l’objet de négociations chiffrées, surtout s’il est difficile de prouver la mauvaise foi du titulaire.
Il peut être possible d’obtenir la suspension du contenu ou le déréférencement d’une URL.
L’INPI préconise une action en concurrence déloyale puisque cette pratique s’illustre dans le domaine du parasitisme, visant à court-circuiter l’activité économique d’un concurrent, tout en s’inscrivant dans son sillage économique, et donc en profitant de la notoriété que ce dernier a acquis.
Quant à l’AFNIC (Association Française pour le Nommage Internet en Coopération), gestionnaire des noms de domaine et fournisseur de solutions techniques et de services de registre, elle met à disposition aux internautes des procédures gratuites permettant notamment de :
– Vérifier l’éligibilité du titulaire du nom de domaine,
– Demander la divulgation des données personnelles du titulaire,
– Signaler un nom de domaine illicite ou contraire à l’ordre public,
– Contacter le contact administratif identifié par le titulaire du nom de domaine lors de son enregistrement.
En outre, l’AFNIC propose des procédures alternatives de résolution de litiges bénéficiant aux personnes physiques et morales attestant d’un intérêt à agir, afin de récupérer ou supprimer un nom de domaine.
La situation litigieuse doit figurer parmi les cas prévus à l’article L. 45-2 du code des postes et des communications électroniques.
Il s’agit de la procédure SYRELI mise en place par l’AFNIC en 2011 d’une part, et de la procédure PARL EXPERT, instituée par l’AFNIC en collaboration avec l’OMPI.
Faire appel à l’une de ces procédures n’empêche pas de se tourner vers la justice si la victime le souhaite.
Alors que le Collège rend une décision dans la première procédure, ce sont des experts sélectionnés sur dossier par l’AFNIC et l’OMPI qui se prononcent dans la seconde.
Dans tous les cas, une décision exécutoire est rendue dans les deux mois.
Ces modes de règlement ont émergé face à l’expansion des pratiques frauduleuses pratiquées sur internet, et ne cessent d’évoluer afin de stopper les cybercriminels dans leur élan qui, néanmoins, ont souvent une longueur d’avance.
En l’occurrence, repenser la procédure de dépôt d’un nom de domaine serait de circonstance, puisque, par sa simplicité, et sans obstacle lors de la création et la réservation de ce dernier, le phénomène du cybersquatting ne pourra qu’être ralenti, et ce, a posteriori.