Les Fake news ne sont pas les seules informations fausses qui inquiètent les pouvoirs publics. Les Fake reviews font également l’objet d’une lutte, désormais renforcée en France. La loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 a été précisée par trois décrets en date du 29 septembre 2017, publiés au Journal officiel du 5 octobre. Ils renforcent les obligations de transparence et de loyauté que doivent respecter les plateformes numériques. L’un d’entre eux, le Décret n° 2017-1436, concerne les obligations d’information relatives aux avis en ligne de consommateurs. Entré en vigueur au 1er janvier de cette nouvelle année, il précise les obligations des plateformes collectant les avis de consommateurs.
Les enjeux de la lutte contre les faux avis en ligne
En décembre dernier était révélée la supercherie du journaliste britannique Oobah Butler. Ce dernier avait réussi à duper la plateforme TripAdvisor en y faisant la promotion de son restaurant, qui n’avait de réel que l’idée que s’en faisaient les visiteurs du site. Le restaurateur imaginaire a tout d’abord créé une page sur la fameuse plateforme. Il l’a ensuite alimentée de photos de mets proposés par l’établissement (mets eux-mêmes fabriqués à grand renfort d’artifices, puisque de la mousse à raser faisait office de crème chantilly sur les clichés). M. Butler a ensuite publié quelques commentaires réalistes et mobilisé ses amis pour en faire autant. C’est ainsi que « The shed at Dulwich » s’est hissé en quelques semaines à la première place du classement londonien. Un restaurant qui n’existe pas s’est ainsi distingué face à plus de 19 000 autres établissements (bien réels), sur une plateforme collaborative réputée. Bien qu’il s’agisse avant tout d’une farce sans intérêt commercial, qui n’aura finalement coûté qu’un peu de temps à la personne alimentant la plaisanterie, cela pose des questions plus sérieuses relatives au contrôle des pages créées sur ce type de plateformes et de l’honnêteté des avis publiés.
En effet, que les avis soient positifs ou négatifs, leur impact sur le consommateur est bien réel. Selon un baromètre réalisé par PriceMinister-Rakuten & La Poste en 2014 : 74 % des internautes ont déjà renoncé à acheter un produit en raison de commentaires ou d’avis négatifs et 41 % ont déjà réalisé un achat spontané à la suite d’un avis positif. Ces nombres font écho à l’évolution des usages des consommateurs. Ces derniers, qu’ils fassent leurs achats sur internet ou dans des commerces physiques, se réfèrent de plus en plus aux avis en ligne pour aiguiller leur décision. En effet, selon un sondage de l’IFOP (2015) 80% des Internautes déclarent avoir recours à Internet pour se renseigner avant d’acheter un produit ou un service. Ces usages sont désormais bien ancrés et nécessitent donc une vigilance particulière. En outre, la dernière enquête de la DGCCRF, intitulée «Les faux avis de consommateurs sur les plateformes numériques», publiée le 17 novembre 2017, signale que 35% des avis clients en ligne n’étaient pas conformes aux règles d’information du consommateur.
En France, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (dite DGCCRF) joue un rôle majeur dans la lutte contre les faux avis de consommateurs sur internet. Suite à des investigations de la DGCCRF, le Tribunal de grande instance de Paris a condamné, le 20 juin 2014, une société gestionnaire d’un site internet à 7 000 euros d’amende, et son gérant à 3000 euros d’amende ainsi qu’à la publication d’un communiqué sur le site internet aux frais du condamné, pour des pratiques commerciales trompeuses en raison de la rédaction et de la publication de faux avis sur un site. Par ailleurs, l’Association Française de Normalisation (l’AFNOR) a publié en juillet 2014 la norme NF Z 74-501 permettant de lutter contre les faux avis et de certifier les sites internet aux normes. Toutefois, il s’agit d’une norme volontaire pour fiabiliser le traitement des avis en ligne de consommateurs, son adoption est facultative.
D’autres pays d’Europe témoignent d’une démarche répressive à l’égard des faux avis. Tripadvisor n’en est d’ailleurs pas à sa première polémique puisque l’entreprise avait été sanctionnée en Italie pour la diffusion d’informations trompeuses sur les sources des avis. En effet, TripAdvisor assurait à ses utilisateurs que les avis publiés étaient non seulement authentiques et fiables, mais aussi rédigés par de véritables voyageurs. L’Autorité de la concurrence italienne a estimé qu’en réalité, ce n’était pas toujours le cas. Cela a été qualifié de pratique commerciale trompeuse au sens des articles 20, 21 et 22 du code de la consommation italien. L’Autorité de la concurrence italienne, affirmant que Trip Advisor « n’a jamais été réellement en mesure de vérifier la véracité des informations contenues dans les commentaires », a ordonné à la société américaine Tripadvisor et sa filiale italienne de payer solidairement une amende administrative de 500.000 euros et de lui transmettre les mesures envisagées pour la suppression du caractère trompeur de l’information sur les sources des avis diffusés par le site. Sa décision faisait écho à celle de l’Agence de Vérification de la publicité du Royaume-Uni qui, en 2012, avait ordonné à Tripadvisor de ne plus laisser entendre que tous les commentaires qui apparaissaient sur son site internet étaient rédigés par des voyageurs réels et de confiance.
Le renforcement de la lutte contre les faux avis en ligne en France
Face à leur développement, il est apparu nécessaire de créer un véritable statut pour les plateformes en ligne et de renforcer leurs obligations de transparence, notamment en ce qui concerne les avis. Pour les consommateurs, accroître la fiabilité des avis est primordial pour que leurs décisions soient prises de manière éclairée. Pour les plateformes, il convient de respecter les obligations qui leur sont imposées, à défaut de quoi leur responsabilité pourrait être engagée. S’agissant des commerçants, la e-réputation constitue dorénavant un aspect essentiel de leur activité. S’il est important que l’image renvoyée sur internet soit fidèle à la réalité, les faux avis sont sanctionnés qu’ils soient positifs ou négatifs. Un commerçant dénigrant de manière masquée un concurrent étant aussi responsable que celui publiant des commentaires élogieux pour son propre établissement sous couvert d’anonymat. C’était notamment le cas du responsable du site Bonjour-promo, épinglé dans un article de l’UFC que choisir.
Qu’apporte le décret entré en vigueur au 1er janvier 2018 ?
Dans un premier temps, le décret précise dans un art. D. 111-16 ce qu’il faut entendre par la notion d’ « avis ». Un avis en ligne s’entend de l’expression de l’opinion d’un consommateur sur son expérience de consommation grâce à tout élément d’appréciation, qu’il soit qualitatif ou quantitatif. Il est ensuite précisé que l’expérience de consommation s’entend que le consommateur ait ou non acheté le bien ou le service pour lequel il dépose un avis. Par ailleurs, ne sont pas considérés comme des avis en ligne au sens de l’article L. 111-7-2, les parrainages d’utilisateurs, les recommandations par des utilisateurs d’avis en ligne, ainsi que les avis d’experts.
Les sites qui permettent la publication d’avis devront, si ce n’est pas déjà fait, retravailler la structure des pages consacrées à cela, afin d’indiquer de façon claire et visible plusieurs points. En effet, selon l’article D. 111-17, devront être indiqués de manière claire et visible : «A proximité des avis : a) L’existence ou non d’une procédure de contrôle des avis ; b) La date de publication de chaque avis, ainsi que celle de l’expérience de consommation concernée par l’avis ; c) Les critères de classement des avis parmi lesquels figurent le classement chronologique. » Mais aussi « Dans une rubrique spécifique facilement accessible : a) L’existence ou non de contrepartie fournie en échange du dépôt d’avis ; b) Le délai maximum de publication et de conservation d’un avis ».
L’article D. 111-18 précise que, lorsqu’un contrôle est exercé sur les avis, les traitements de données à caractère personnel réalisés dans ce cadre doivent être conformes et précise dans un rubrique accessible d’autres informations : « 1° Les caractéristiques principales du contrôle des avis au moment de leur collecte, de leur modération ou de leur diffusion ; 2° La possibilité, le cas échéant, de contacter le consommateur auteur de l’avis ; 3° La possibilité ou non de modifier un avis et, le cas échéant, les modalités de modification de l’avis ; 4° Les motifs justifiant un refus de publication de l’avis. » Enfin, en cas de refus de publication d’un avis, la plateforme devra informer son auteur « des motifs de refus par tout moyen approprié. »
Ces obligations constituent un pas vers davantage de fiabilité des avis en ligne. Bien que cette volonté soit louable, le dispositif est confronté à certaines limites, notamment en raison du caractère national des règles en question. Comme le rappelait l’UFC-Que Choisir dans une enquête datant de mai 2016 : pour se parer contre les faux avis et recommandations, il ne faut pas hésiter à multiplier les sources d’informations, privilégier les sites arborant plusieurs dizaines d’avis à ceux n’en mentionnant que deux ou trois et se méfier des avis trop extrêmes ou allant à contre-courant de la tendance globale des commentaires.