Fin 2017, ou la période bien remplie en matière de discours et dénonciations publiques concernant le harcèlement dans le domaine du cinéma notamment : On se souvient du discours de Oprah Winfrey pendant la 75ème édition des Golden Globes rendant hommage à la campagne anti-harcèlement #MeToo lancée après le scandale Weinstein et qui incite les femmes victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle à témoigner publiquement. Avec l’utilisation permanente des nouvelles technologies, le harcèlement prend de nouvelles formes et celui-ci prend place au sein des réseaux sociaux : on parle alors de cyber-harcèlement. Face à ces débats incessants, quelles solutions sont proposées par le droit ? La France a t-elle un dispositif législatif suffisant et est-elle consciente des besoins existants en la matière ?
Le cyber-harcèlement : Le mal du siècle
Le cyber-harcèlement est défini par le ministère de l’éducation nationale comme « un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule ». Il se pratique par exemple via les téléphones portables ou les ordinateurs.
Diffusion de rumeurs, création de faux profils, messages haineux ou menaces, avec ses formes diverses, le cyber-harcèlement peut toucher tout le monde : le sujet n’est pas tabou, les bloggeuses sur le net parle de leur expérience, quand leur expérimentation du net tourne au cauchemar et lorsque de parfaits inconnus adressent consciemment des menaces ou insultes. C’est aussi pour la majorité des cas, le prolongement du harcèlement scolaire comme déjà développé sur ce site : Ce sujet est d’ailleurs suivi de près, le ministère de l’éducation nationale a signé une convention avec l’association e-enfance et a élaboré une guide pour prévenir et traiter le cyber harcèlement. Une étude menée par une association britannique, Ditch The Label, parue mi-juillet, montre qu’Instagram est le réseau social où les jeunes se feraient le plus harceler et 54% des jeunes estiment avoir déjà été harcelé en ligne. Les instruments de communication mis à la disposition des usagers accroissent incontestablement les possibilités d’atteinte à la vie privée et à la réputation d’autrui.
Constat irréfutable des temps moderne : les réseaux sociaux désinhibent les utilisateurs. Humilier sur les réseaux devient facile, être cacher derrière son écran facilite la prise de parole. Poussés notamment par le dispositif de like mis en place par Facebook ou de j’aime par Instagram, les jeunes souhaitent se mettre en valeur et avoir le « plus d’amis » possible, mais l’effet contraire est possible notamment avec le cyber-harcèlement et le « boycottage numérique » réalisé sur ces plateformes, qui mènent parfois jusqu’au suicide : rappelons le cas de Marion qui s’est suicidée suite à des menaces et insultes sur Facebook.
En France, le cyber-harcèlement est puni par la loi au même titre que le harcèlement classique, d’où le vide législatif puisqu’il est peut être nécessaire d’opérer une distinction plus prononcée. L’article 222-33-2 du Code pénal, modifié par la loi n°2014-873 du 4 aout 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, dispose que « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ». Même si le cyber harcèlement est réalisé par un mineur, s’il a plus de 13 ans, l’amende ira jusqu’à 7500 euros et 1 an de prison et pour les mineurs de moins de 13 ans, des sanctions spécifiques seront appliquées. Mais dans tous les cas, les parents des auteurs mineurs devront indemniser la victime : d’où l’intérêt de sensibiliser ses enfants aux usages d’internet.
Avant cela, on pouvait poursuivre l’auteur de propos diffamants ou injurieux sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, mais avec les nombreuses conditions de la diffamation et de l’injure, il était difficile pour les victimes d’obtenir condamnation de leurs bourreaux.
« Un combat culturel » entrepris par la France
Le 25 novembre 2017, Emmanuel Macron, lors de son discours faisant de l’égalité entre les femmes et les hommes une grande cause nationale, a choisi d’aborder en grande partie la régulation des contenus en ligne sur internet. Le président de la république a détaillé deux axes principaux pour renforcer la lutte contre le harcèlement sur les réseaux sociaux sans dire s’ils feraient l’objet d’un texte de loi ou si d’autres mesures pourraient venir en 2018. Le premier volet concerne la formation des enseignants et des personnels scolaires, qui sera renforcée et doublée d’une sensibilisation des parents à la prochaine rentrée scolaire, volet important au vu des chiffres énoncés précédemment dans le présent article. L’autre volet concernera la création d’une application à destination de cyber-harcèlement et de cyber-violence.
Il a également parlé de la régulation des contenus en ligne par le CSA, chose que Olivier Schrameck, président du CSA, fait depuis plusieurs années en énonçant son souhait de réguler les contenus en ligne et faisant possiblement référence à la décision rendue par le CSA contre les Recettes pompettes, chaine Youtube, publiée le 13 décembre 2016.
Selon lui « il faut éviter que les comportements les plus indignes ne fassent l’objet d’une forme de propagande tacite. Les plus jeunes regardent infiniment moins la télévision que les plus âgés, et nous ne régulons pas aujourd’hui l’accès aux jeux vidéo, aux contenus sur Internet, aux contenus pornographiques de plus en plus diffusés. (…) Nous devrons donc repenser le cadre de notre régulation, en particulier des contenus audiovisuels, en prenant en compte l’évolution du numérique afin d’étendre les pouvoirs et la régulation du CSA ». Le Conseil aura ainsi pour mission de lutter contre « les contenus qui peuvent fragiliser ou conduire à la violence contre les femmes ».
La responsabilisation des acteurs du net
Les réseaux sociaux mettent en place des mesures mais sont en retard, les avancées technologiques trop rapides et le nombre d’utilisateurs trop grands mènent à une incapacité, particulièrement pour les réseaux sociaux, de filtrer tous les messages et d’empêcher ce harcèlement : malgré cela, des dispositifs sont mis en place et deviennent de plus en plus performants : Les fonctionnalités d’alerte fonctionnent bien et contribuent au « bien être du web » grâce aux dénonciations des utilisateurs. Les réseaux sociaux les plus connus renouvellent et actualisent leur politique en la matière assez fréquemment notamment Twitter, en décembre, qui a annoncé le durcissement de ses règles concernant la nudité et le harcèlement.
Des solutions innovantes sont proposées par des acteurs externes : la société Iprotego, basée à Marseille, propose la solution Family Web Care pour protéger les plus jeunes du cyber-harcèlement grâce à une interface simple : Grâce à un simple bouton Stop harcèlement, l’utilisateur peut supprimer des photos ou posts sur des réseaux sociaux, supprimer des comptes, et prévenir les autorités compétentes.
Mais face à l’Allemagne qui sanctionne d’une amende de cinquante millions d’euros tout réseau social comptant plus de deux millions d’utilisateurs qui ne supprimerait pas des discours de haine dans un délai de 24 heures, la France est un peu en retard. Mais malgré tout, les tribunaux français n’hésitent pas à sanctionner en la matière : la Cour d’appel de Paris, le 13 avril 2016, a prononcé une peine d’emprisonnement ferme à l’encontre d’une jeune femme qui, par esprit de vengeance, avait utilisé tous les moyens technologiques à sa disposition pour insulter et menacer son ex-amant et son ex-concubin en raison du fait qu’ils l’avaient tous deux éconduite. La prévenue avait notamment utilisé l’identité du premier et créé une dizaine de profils, photographies à l’appui, sur plusieurs réseaux sociaux ainsi que des pages Facebook destinées à le discréditer dans son milieu professionnel. A voir si ces nouvelles politiques et les manoeuvres prévues par les pouvoirs publics baissent le taux assez haut des cas de cyber-harcèlement.
SOURCES :
AUDUREAU (W.) et LELOUP (D), « violences faites aux femmes : Emmanuel Macron souhaite un meilleur contrôle des jeux vidéos, des réseaux sociaux et de la pornographie », le monde, publié le 25 novembre 2017, consulté le 20 février 2018,
COSTE (L.), “Vers le renforcement de la lutte contre le harcèlement sur les réseaux sociaux”, RLDI, décembre 2017, n°143, p 3.
DOUET (E.), « réseaux sociaux : plus d’un jeune sur deux s’est déjà senti harcelé », RTL, publié le 4/08/2017, consulté le 20 fevrier 2018,
FRANCILLON(J.), « De quelques atteintes à la réputation des personnes : e-réputation, cyber-harcèlement, usurpation d’identité numérique, menace de révélation diffamatoire…”, RSC 2016, p.544
VIELA (O.), « Cyber-harcèlement scolaire : les réseaux sociaux désinhibent les utilisateurs », l’Express, publié le 10 février 2014, consulté le 18 février 2018,