La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a lancé une enquête au cours de l’année 2017 sur le secteur du jeu vidéo. A la suite de cette enquête, ont été constatés des manquements au niveau de la protection du consommateur lors d’achat en ligne de jeux vidéo. C’est ainsi que se sont retrouvés sur le banc de touche quatre des plus grands opérateurs du secteur : Electronic Arts, Blizzard, Ubisoft et Valve par le biais de sa plateforme Steam.
La protection du consommateur
En droit de la consommation, on considère le consommateur comme la partie faible dans les rapports contractuels. Il est donc important d’avoir plusieurs mécanismes permettant de le protéger efficacement. C’est, ici, que va intervenir la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
La DGCCRF a pour mission de protéger les intérêts économiques du consommateur lorsque celui-ci entre en relation avec un professionnel. Pour apprécier ces intérêts, il faut se tourner en droit de la consommation et notamment aux obligations à la charge des professionnels. Ainsi, les professionnels sont soumis à diverses obligations dont notamment la délivrance d’informations précontractuelles spécifiques.
Le code de la consommation précise dans son article R 121 – 2 – 1 I 2°, relatif au contrat de vente à distance, que le professionnel doit fournir des informations claires sur le prix du produit ou service. De plus, dans le cadre du contrat à distance l’article R 121 – 2 – 1 I 3° dispose que le fournisseur doit informer le consommateur de l’existence d’un droit de rétractation et des conséquences qui en découle. Dès lors, la DGCCRF a constaté des manquements de la part des opérateurs quant aux informations précontractuelles et sur le droit de rétractation.
La défaillance des informations précontractuelles
Les quatre opérateurs se sont vu reprocher un manquement sur les informations précontractuelles à délivrer en ce qui concerne l’identité du cocontractant, sur le droit de rétractation et la possibilité de recourir à un médiateur en cas de conflit. En effet, la DGCCRF a invoqué les articles L 221 – 5 du code de la consommation relatif à la conclusion d’un contrat de fourniture de contenu numérique et L 221 – 13 relatif à l’obligation pour le professionnel de fournir un contrat conforme à la vente.
L’autorité administrative a principalement reproché aux opérateurs de ne pas avoir été assez clairs sur l’identité du cocontractant et aux informations préalables à l’achat.
Un droit de rétractation mis à mal
L’article L 121-20-12 du code de la consommation prévoit les modalités du droit de rétractation dont dispose le consommateur. Ce droit doit s’effectuer dans les quatorze jours calendaires par le consommateur. Or, la DGCCRF a constaté que certaines plateformes ne respectaient pas ce délai. En effet, l’autorité administrative a estimé qu’il y avait eu des manquements aux articles L 221 – 18 relatif au délai de rétractation et L 221 – 28 13° relatif à l’accord exprès du consommateur a renoncé à son droit de rétractation.
En effet, même si les plateformes proposent la possibilité de se rétracter par le biais d’un formulaire à télécharger ou d’un simple bouton à cliquer, l’autorité a estimé que toutes les modalités de ce droit n’étaient pas respectées. Par exemple, la plateforme Steam de la société Valve propose la possibilité de se rétracter à condition de ne pas avoir joué plus de deux heures au jeu vidéo en question, à défaut, et même si le délai de rétractation n’a pas encore couru, il ne sera plus possible de se rétracter. Ce sont notamment ces pratiques que reproche la DGCCRF, puisqu’ici il n’est pas question de renoncer à son droit de façon expresse, mais de pouvoir l’exercer à condition de ne pas avoir joué plus d’un certain nombre d’heures. Cependant, il faut comprendre la situation des plateformes numériques. En effet, sans ces conditions, les consommateurs seraient tentés de finir le jeu pendant la période du délai de rétractation et de demander le remboursement avant la fin de ce délai. Toutefois, bien que la situation de l’achat en ligne semble étriquée cela ne justifie pas de bafouer les droits du consommateur. C’est certainement pour cela que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a décidé de prononcer des sanctions administratives, pour forcer les plateformes à trouver un compromis entre un modèle économique viable et le respect du droit de la consommation.
La sanction administrative : amendes et obligation de publicité
En septembre 2018, à la suite de son enquête, la DGCCRF, en application de l’article L 522-1 du Code de la consommation, a prononcé des sanctions administratives envers les différents opérateurs susmentionnés. Ainsi, des bannières sont apparues sur les différents sites des plateformes visées. On a, donc, pu lire sur la plateforme Steam de Valve, qu’en « application de l’article L 522-1 du code de la consommation, le Service National des Enquêtes de la DGCCRF a décidé de prononcer à l’encontre de la société VALVE CORPORATION des sanctions administratives d’un montant total de 147 000 € pour manquements aux dispositions du code de la consommation suivantes : articles L. 221-5 (conclusion d’un contrat de fourniture de contenu numérique sans communication d’informations préalables conformes), L. 221 -28 1 3° (absence de recueil de l’accord exprès du consommateur préalablement à l’exécution de la fourniture du contenu numérique et absence de recueil du renoncement exprès à son droit de rétractation), L. 22 1 -18 (non-respect du délai de rétractation) et L. 221 – 1 3 (défaut de remise d’un contrat conforme) ».
Notons que les amendes prononcées par l’autorité administrative ne sont pas les mêmes pour chaque opérateur, mais restent du même acabit. En effet, si Valve a écopé d’une amende de 147 000 euros pour des manquements liés principalement au manque d’accord exprès du consommateur à renoncer à son droit de rétractation, les autres opérateurs se sont vu appliquer des amendes allant de 142 000 euros jusqu’à 180 000 euros pour la plus élevée.
Ainsi, la société EA SWISS SARL s’est vu appliquer une amende de 142 500 euros à son encontre pour manquement aux informations précontractuelles et aux modalités du droit de rétractation.
La société BLIZZARD ENTERTAINMENT SAS s’est vu appliquer la même amende par la DGCCRF. On constate que les manquements étaient similaires et concernaient principalement le défaut dans les informations précontractuelles et un manquement sur le droit de rétractation notamment sur l’abandon exprès de ce droit par le consommateur.
Quant à la société UBISOFT EMEA SAS, c’est cette dernière qui a fait les frais de l’amende la plus élevée. On peut se demander pourquoi un tel écart entre les amendes prononcées précédemment énoncées et celle-ci étant que les manquements que le Service National des Enquêtes de la DGCCRF sont similaires. En effet lui a été reproché un défaut en matière d’information précontractuelle, l’absence de recueil de l’accord exprès du consommateur préalablement à l’exécution de la fourniture du contenu numérique et absence de recueil du renoncement exprès à son droit de rétractation, le non-respect du droit de rétractation et un défaut de remise d’un contrat conforme.
Ces amendes ont été accompagnées d’une obligation de publicité de quinze jours, d’où l’existence des bandeaux sur les sites desdites plateformes.
Les opérateurs de jeu vidéo dans le collimateur des associations de protection des consommateurs
On constate que ce n’est pas la première fois que les plateformes de jeu vidéo en ligne sont dans le collimateur des associations de consommation ou de la justice. En effet, l’association UFC Que choisir, avait déjà, en 2015, analysé les conditions générales de vente de la société éditrice VALVE et avait demandé la suppression de plusieurs clauses considérées comme abusives ou illicites. La procédure est toujours en cours en ce qui concerne Valve et douze de ses clauses.
Cependant, l’association de consommateur ne s’est pas arrêtée là. En effet d’autres plateformes sont dans son collimateur dont Nintendo et son eshop qui ne permet pas d’annuler la précommande d’un jeu. Or, selon le droit de la consommation et de la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs, il est précisé qu’un consommateur doit pouvoir se rétracter ou à défaut donner un accord exprès pour exécuter le contrat avant la période de rétractation. Cependant, avec la précommande d’un jeu, comme le rappelle l’association UFC que choisir, il est impossible d’exécuter le contrat puisque le jeu vidéo en question n’est pas encore disponible et donc jouable. Il paraît donc impensable de pouvoir faire courir l’exécution du contrat, pourtant Nintendo prévoit la possibilité de télécharger un document PDF pour renoncer à son droit de rétractation. Il est d’ailleurs étonnant qu’avec une telle ambiguïté la société Nintendo n’est pas encore subie les frais des amendes prononcées par la DGCCRF. Toutefois la justice allemande pourrait se charger du dossier à la suite de la demande de l’autorité de protection des consommateurs norvégienne qui lui a transféré le dossier de son enquête puisque le siège social européen de Nintendo se situe à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne.
Sources :
BOURVEN (M), « Jeux vidéo : Quatre vendeurs en ligne sanctionnés », publié le 2 octobre 2018, consulté le 29 octobre 2018, https://www.quechoisir.org/actualite-jeux-video-quatre-vendeurs-en-ligne-sanctionnes-n59177/
BOURVEN (M), « Plateformes de jeux vidéo : Nintendo épinglé pour ses conditions de ventes », publié le 26 février 2018, consulté le 29 octobre 2018, https://www.quechoisir.org/actualite-plateformes-de-jeux-video-nintendo-epingle-pour-ses-conditions-de-ventes-n52380/
DONADA (E), « Pourquoi la plateforme de jeux vidéo Steam a-t-elle reçu une amende de 147 000 euros ? », publié le 21 septembre 2018, consulté le 29 octobre 2018, https://www.liberation.fr/checknews/2018/09/21/pourquoi-la-plateforme-de-jeux-video-steam-a-t-elle-recu-une-amende-de-147-000-euros_1679234
« Plateforme de jeux vidéo Steam : L’UFC-Que Choisir assigne la société Valve », publié le 17 décembre 2015, consulté le 29 octobre 2018, https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-plateforme-de-jeux-video-steam-l-ufc-que-choisir-assigne-la-societe-valve-n13559/