Le décret du 9 mai 2017, relatif aux compétitions de jeux vidéo, est venu fixer un certain nombre de conditions d’organisation.
Cependant pour cette discipline relativement nouvelle, des vides juridiques subsistent. Ainsi, lorsqu’un dysfonctionnement se manifeste lors du déroulement d’une compétition eSport, le contentieux de la responsabilité reste assez flou.
La loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique définie la compétition eSport comme étant celle « qui confronte à partir d’un jeu vidéo au moins 2 joueurs ou équipe de joueurs pour un score ou une victoire ». Cette définition est large, de sorte qu’elle englobe différents types de tournois.
I) Identification du dysfonctionnement
Dans cette matière complexe qu’est la compétition eSport, il est possible d’identifier plusieurs responsables. Mais en amont, il convient d’identifier le dysfonctionnement lui-même.
Premièrement et assez logiquement, le dysfonctionnement peut provenir du logiciel du jeu vidéo. En effet, le jeu video est le support principal, élémentaire d’une compétition eSport.
Le dysfonctionnement peut également trouver sa source dans les équipements informatiques et autres outils technologiques nécessaires à la compétition. Dans cette hypothèse, il existe deux cas de figure.
Soit, la compétition fournie tous les équipements nécessaires aux joueurs, c’est à dire dans la majeure partie des cas : écran, clavier, souris, casque, audio, chaises, connectiques au réseau ou encore console et manette.
Soit, le joueur à la possibilité ou l’obligation d’apporter son propre matériel. C’est souvent dans ce cas que des problèmes de compatibilité des divers éléments peuvent émerger.
Enfin, la majeure partie des jeux vidéo compétitifs ont recours au réseau en ligne. Ainsi, dans ce genre d’événement il est nécessaire d’avoir accès de façon continue à la ressource internet. Cet accès ininterrompu permet un déroulement sans « bug » de la compétition. Néanmoins, des pannes réseaux, actions malveillantes ou des virus peuvent venir affecter la stabilité du réseau et interrompre la compétition pendant plusieurs heures le temps de régler le problème voire même y mettre un terme définitif dans le pire des cas.
Récemment, à l’occasion de la Lyon E-SPORT de février 2019 des problèmes de connexion sont venus perturber le bon déroulé de la compétition, notamment de la scène du jeu vidéo Fortnite. Il s’agissait en l’espèce d’attaques DDOS, soit d’attaque par déni de service en français. Pour ce faire, des personnes mal intentionnées ont pu inonder le réseau pour empêcher son fonctionnement.
Afin d’essayer de terminer la compétition, le comité d’organisation a décidé de créer un leurre autour de l’annulation de la compétition par un communiqué officiel via Twitter notamment afin que ces attaques cessent. Cette technique ayant fonctionné la compétition a pu reprendre et se dérouler sans encombre.
II) Identification du responsable
Après avoir identifié le dysfonctionnement, il est possible d’identifier le ou les responsables de celui-ci.
Il peut s’agir de l’éditeur du jeu vidéo qui est investi d’une obligation de fournir un logiciel adapté sans bug ni dysfonctionnement ;
Le fournisseur de matériels de jeux vidéo, de plus en plus présent sur le marché. Ces derniers doivent respecter un certain nombre de normes afin d’assurer la compatibilité des différents périphériques ;
L’organisateur de la compétition lui-même, qui est chargé de veiller à son bon déroulement en mettant tout en œuvre pour arriver à ce résultat ;
Et enfin le fournisseur d’accès internet, qui doit permettre un accès permanent au réseau ainsi que de s’assurer de la sécurité de ce dernier.
Il faut distinguer deux types de relations. Soit les parties prenant part à la compétition eSport sont liées par un ou plusieurs contrats. Soit, il n’existe aucun contrat entre ces mêmes acteurs.
Si un contrat existe, la victime ayant subi un préjudice suite à un dysfonctionnement est contractuellement liée avec le responsable. Il s’agit essentiellement de contrats de licence ou des contrats de fourniture de réseau internet. Dans ce cas, il y a une liaison contractuelle entre les acteurs et la responsabilité peut être engagée.
Il existe différents fondements comme l’inexécution de l’obligation de délivrance conforme présente à l’article 1604 du Code Civil. Mais aussi la garantie des vices cachés à l’article 1641 de ce même code ou encore l’inexécution de toute obligation contractuellement prévue par les parties à l’article 1231 et suivant du Code Civil.
En revanche, s’il n’existe aucun lien contractuel entre les parties, c’est le régime de la responsabilité délictuelle qui aura vocation à s’appliquer.
Une fois encore, différents fondements pourront être invoqués. Ainsi, la responsabilité du fait des choses prévu à l’article 1242 alinéa 1 du Code Civil pourra s’appliquer ; ou la responsabilité du fait des produits défectueux si le produit ne répond pas à ce que l’on peut légitimement attendre au niveau des normes de sécurité.
Par exemple, les différents périphériques utilisés dans le cadre de la compétition doivent avoir une certaine tolérance à la chaleur et ne pas exploser après avoir dépassé une certaine température.
À noter que dans le cadre des compétitions eSport, la responsabilité des parties peut être limitée par la présence d’une clause limitative de responsabilité. Cette clause est légale en la matière et peut ainsi être utilisée dans les relations contractuelles.
Attention, une exception subsiste si un contrat est conclu avec un jouer non professionnel qui pourra bénéficier de la qualité de consommateur. Par conséquent, la clause pourra être qualifiée d’abusive au sens de l’article R 212-1 6° du Code de la Consommation.
En outre, il est certes plus rare mais néanmoins possible d’être confronté à une situation de force majeure. Dans ce cas l’exonération de responsabilité est envisageable pour la partie qui démontre que le dysfonctionnement est lié à un événement extérieur imprévisible et irrésistible comme pour une catastrophe naturelle.
Ainsi, il n’existe pas de régime spécifique applicable aux dysfonctionnements qui se manifestent lors des compétitions eSport. Cependant, cette responsabilité demeure une réalité à ne pas négliger pour les organisateurs et les participants. En effet le régime s’appuie sur le droit commun et existe. Il ne s’agit pas d’un vide juridique.
Sources:
La loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016: https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033202746&categorieLien=id
Article R 212-1 6° du Code de la Consommation: https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069565&idArticle=LEGIARTI000032807196
Article 1604 du Code Civil: https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006441557&cidTexte=LEGITEXT000006070721
Article 1641: https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006441924
Article 1231 et suivant du Code Civil: https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006436987&dateTexte=&categorieLien=cid
Le décret du 9 mai 2017, relatif aux compétitions de jeux vidéo, est venu fixer un certain nombre de conditions d’organisation: https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034633551&categorieLien=id