Les consommateurs ne sont pas les seuls utilisateurs de plateformes en ligne à devoir bénéficier d’une meilleure protection à leur égard. La relation entre les entreprises utilisatrices et les places de marché doit elle aussi faire l’objet d’un meilleur encadrement. En effet, dans la pratique, il a été constaté que les entreprises ayant recours aux services d’une plateforme pour proposer leurs biens ou leurs services, et plus particulièrement les TPE-PME, se retrouvaient souvent en situation d’infériorité et de dépendance. A ce jour, une nouvelle mesure européenne a été déployée pour tenter d’améliorer la situation : l’adoption d’un règlement européen Platform to Business (P2B) qui s’inscrit dans la continuité du processus de responsabilisation entamé, depuis quelques années, à l’égard des plateformes numériques.
Une relation plus équilibrée entre plateformes et entreprises utilisatrices
C’est à la suite de nombreuses discussions entre les institutions européennes que le règlement P2B a été définitivement adopté le 20 juin 2019. Il vise à la fois les plateformes de mise en relation et les moteurs de recherche généralistes ainsi que les entreprises utilisatrices dont le lieu d’établissement ou de résidence se situe dans l’Union européenne et qui, au travers des services de ces intermédiaires, proposent des biens ou services à des consommateurs situés dans l’Union européenne, au moins pour une partie de la transaction. La mission principale de ce texte est d’instaurer des relations plus équilibrées entre les deux parties en procédant à leur encadrement. Il s’agit, d’une part, de renforcer la transparence des plateformes à l’égard des entreprises utilisatrices. Désormais, ces dernières devront fournir des informations claires et précises, s’agissant notamment du contenu de leurs conditions générales et des éventuelles modifications qui pourraient y être apportées, des modalités et motifs de restriction, suspension et résiliation des services ainsi que des traitements différenciés que peuvent accorder les plateformes en matière de classement, de rémunération ou encore d’accès aux données, à caractère personnel ou non. D’autre part, le texte a pour objet l’instauration d’une meilleure communication entre les parties. Pour cela, il impose notamment des règles relatives à la création d’un système interne de traitement des plaintes émanant des entreprises ainsi qu’à la mise en place d’une médiation indépendante pour la gestion des conflits entre les parties.
A la lecture des dispositions, il convient d’admettre le fait que les nouvelles règles seront particulièrement contraignantes pour les plateformes qui devront pourtant fournir leurs meilleurs efforts pour s’y conformer. Quoi qu’il en soit, les plateformes visées par le texte européen disposent encore de temps pour se préparer puisque le règlement n’entrera pas en application avant le 12 juillet 2020.
Un texte dans la lignée de la charte e-commerce française
En matière de renforcement de la protection des entreprises utilisatrices de plateformes, la France a fait preuve d’une longueur d’avance pour anticiper l’adoption du nouveau règlement européen. En effet, au début de l’année, une première solution d’autorégulation basée sur le principe du volontariat a été développée à l’initiative de l’ancien secrétaire d’Etat chargé du numérique, Mounir Mahjoubi. Il s’agit d’une “Charte des acteurs du e-commerce” au travers de laquelle neuf grands acteurs du numérique – Rakuten, LaRedoute, Boulanger, Conforama, ManoMano, eBay, CDiscount, La Fnac et Leboncoin – se sont engagés à développer des relations équilibrées avec les TPE-PME qui recourent à leurs services. Dans un sens général, le texte reprend les grandes lignes du nouveau règlement européen, s’agissant notamment des principaux axes de renforcement de la transparence et de la communication entre les parties. Cependant, à la différence du règlement, le contenu de la charte est bien moins détaillé et donc moins contraignant pour les intermédiaires.
Afin de démontrer le respect de leurs engagements, les plateformes signataires ont jusqu’au mois de septembre pour communiquer à l’Etat et aux organisations professionnelles signataires les nouveaux dispositifs mis en place. Il s’agira ensuite d’établir un bilan annuel sur la mise en oeuvre de cette charte française.
Sources :
Règlement (UE) 2019/1150 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne – https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32019R1150&from=EN
Charte des acteurs du e-commerce – https://www.fevad.com/wp-content/uploads/2019/04/Charte-des-acteurs-du-e-commerce-signée.pdf
BAUDU (I), “Règlement Platform to business : de nouvelles règles pour les services d’intermédiation en ligne”, 14 août 2019 – consulté sur https://lamyline.lamy.fr
FEVAD : “Charte e-commerce : les marketplaces s’engagent vis-à-vis des PME” – https://www.fevad.com/charte-e-commerce-les-marketplaces-sengagent-vis-a-vis-des-pme/