Le 12 aout 2019 l’autorité de la concurrence a approuvé la création de Salto par les groupe TF1, France télévision et Métropole télévision (M6).
Qu’est-ce que Salto?
Salto, c’est le projet, de trois diffuseurs audiovisuels français , TF1, France télévision, et M6, de créer une plateforme française unique en son genre de vidéo à la demande (VàD). Si le but principal est de donner naissance à une plateforme en ligne commune sur abonnement, c’est-à-dire un service de vidéo à la demande par abonnement(VàDA). On ressent à travers cette entité la volonté de créer une plateforme hybride notamment par le choix de proposer les flux des chaînes en direct, et en rattrapage. Salto aura aussi pour activité la distribution de services de télévision, incluant notamment les chaînes de la TNT des sociétés-mères, c’est-à-dire le service linéaire habituel et leurs services associés ( la télévision de rattrapage plus communément appelé replay).
Une autorisation sous certaines conditions.
En effet, étant donné que les collaborateurs à Salto sont des éditeurs de service audiovisuel linéaire, certain problème en matière de concurrence pouvaient vite émerger. C’est la raison pour laquelle la commission européenne a considéré que l’autorité de la concurrence était la mieux placée pour étudier cette opération de concentration, notamment vis à vis de l’impact de cette opération sur le marché national français.
Dans la perspective d’approvisionner fortement le catalogue de sa plateforme de VàDA, Salto devra être extrêmement actif sur les marchés de l’acquisition de droits de diffusion de contenus audiovisuels. Il est donc tout à fait possible pour les sociétés mère d’utiliser leur position sur ces marchés dans le but de restreindre l’accès des concurrents de Salto aux droits de diffusion non linéaire et de privilégier Salto sur cet aspect. De même elles peuvent favoriser le couplage de leurs achats de droits de diffusion afin de favoriser l’accès de Salto à des droits de diffusion, stratégie préjudiciable à la libre concurrence mais aussi aux ayants droit. En effet les contrats conclus par les sociétés mère comportent des clauses de holdback, des droits de priorité et de préemption. Pour remédier à ces risques concurrentiels, les sociétés-mères se sont engagées à limiter leurs possibilités d’achats couplés de droits de diffusion linéaire et non linéaire. Par ailleurs, les conditions d’approvisionnement de Salto, notamment en terme de capacité auprès de ses sociétés-mères sera limitée ( obligatoirement inférieur à 40%). Les possibilités pour Salto de bénéficier des clauses contractuelles figurant dans les contrats d’achat de droits de diffusion conclus par les sociétés-mères seront aussi strictement encadrées.
De même comme rappelé plus haut, dans le cadre de son activité de distributeur de télévision, Salto aura vocation à conclure des contrats de distribution avec des éditeurs de chaînes. L’Autorité de la concurrence mentionne l’existence d’un tel marché, ce qui est une nouveauté. Or, l’Autorité a considéré que, à la suite du lancement de Salto, les sociétés-mères pourraient avoir la capacité d’empêcher les distributeurs concurrents de Salto d’accéder, au moins partiellement, à leurs chaînes et services et fonctionnalités associés. Il a donc été décidé que Salto ne pourra pas contracter d’exclusivité de distribution de chaînes de la TNT en clair et de leurs services et fonctionnalités associés. Cette absence d’exclusivité vise tout particulièrement les chaînes et service des sociétés-mères mais aussi ceux des éditeurs tiers. Les engagements prévoient néanmoins la possibilité pour Salto de bénéficier d’exclusivités temporaires pour des services et fonctionnalités dont elle serait elle-même à l’initiative.
Compte tenu de la proximité entre l’activité des sociétés-mères en matière d’édition de services de télévision et celle de Salto en matière de distribution, l’Autorité a considéré qu’il existait un risque de promotion croisée entre les chaînes de la TNT en clair des sociétés-mères et la plateforme Salto. Elles se sont donc engagées à limiter les possibilités de promotion croisée entre leurs chaînes et la plateforme Salto. Pour le reste, Salto sera un nouvel entrant sur le marché de la distribution de services de télévision payante et sera confrontée à une concurrence importante, notamment des plateformes VàD ( tel que OCS, ou Canalplay). Dans ce secteur l’Autorité n’a donc constaté aucun problème de concurrence sur le marché de la distribution de services de télévision payante et a donc en conséquence considéré qu’aucun engagement n’était requis.
Enfin Salto ne commercialisera pas d’espaces publicitaires. Cela simplifie grandement la situation. Cependant, Salto aura la possibilité d’acheter des espaces publicitaires auprès de ses sociétés-mères. Ces dernières pourront commercialiser auprès de Salto des espaces publicitaires sur la base de conditions générales de vente, et dans des conditions objectives et non discriminatoires.
Afin de répondre à la préoccupation des risques de coordination entre les société-mères et Salto, les sociétés-mères se sont engagées à mettre en place un ensemble de garanties, individuelles et collectives, destinées à limiter au strict nécessaire et dans un cadre précis les échanges d’informations entre Salto et ses sociétés-mères.
Exceptés les engagements concernant le risque de coordination qui s’appliqueront ad vitam aeternam, les autres engagement ont une durée maximale de 5 ans renouvelable. Ces engagements peuvent vite limiter la croissance de Salto, mais cela peut être extrêmement positif pour le projet en lui-même. En effet il faut que Salto soit une entité propre pour fonctionner. Salto ne peut survivre si elle ne se détache pas de ces créateurs.
Des critiques avant même sa création.
Les critiques ne se sont pas fait attendre, positif ou négatif. Certaines sur le nom même du projet, pourquoi choisir le nom d’une figure de gymnastique ? Voir même certaines critiques sur le potentiel contenu. En effet étant donné que l’on ne connait l’existence d’aucune création originale made in Salto , on peut craindre la présence pendant une longue durée d’un contenu déjà diffusé en clair de manière linéaire. Dès lors on peut se demander l’intérêt de payer pour du contenu qui est accessible gratuitement.
D’autres critiques plus réfléchies portent notamment sur les aspect technique de transmission. En effet visiblement Salto sera accessible sur ordinateur, mobile, tablette et télévision connectée disposant d’une connexion Internet, mais pas sur les box directement. On peut se demander s’il est judicieux pour Salto d’éviter de passer par les fournisseur d’accès. En effet ces derniers sont un point relais intéressant. Il suffit de constater le récent bras de fer perdu par Altice à l’encontre des fournisseurs d’accès (Orange et Free) vis-à-vis de la rémunération de leur service replay.
D’autre ont eu une vision plus angélique, ce fut le cas de la presse. En effet la presse a déjà attribué à Salto le rôle de concurrent à Netflix, ou de Netflix français. Une vision selon laquelle les grand opérateurs du milieu audiovisuel français s’opposent aux géant de la VàD. Il faut relativiser. Cela met un poids inutilement lourd sur les épaules de Salto, surtout, qu’en tant que service de VàDA il va souffrir de fait de la comparaison avec Netflix. Non pas qu’en France on ne sache pas faire aussi bien que nos amis d’outre Atlantique, mais tous simplement par un raisonnement purement économique. En effet, il faut voir la quantité d’investissement que met en œuvre Netflix pour créer du contenu original. Sur l’année 2019 leur investissement était d’environ 10 milliard de dollar, en Italie ils ont investi 200 millions d’euros. Netflix suis en somme la même doctrine que les géants du net comme Google ou Amazon qui consiste à réinvestir en grande quantité, dans une logique de croissance rapide pour s’assurer la main mise sur un marché donné.
Pour Salto quand bien même le budget a récemment été modifié, l’investissement est timide en comparaison. En effet au départ l’investissement prévu était de 45 millions d’euros. Il y a peu il a était annoncé que cette investissement serait monté à 135 millions, c’est-à-dire le triple. Malgré cette nette augmentation on est sur une différence de moyen énorme. Netflix investit plus en Italie que Salto a pour ambition d’investir en France.
Salto, un Netflix français ?
Pour rappel Netflix est à l’origine un vendeur de dvd. Son épopée récente ne date pas du moment ou Netflix est devenu un service de VàD en 2007. Mais plutôt lorsque Netflix a commencé a créer c’est contenu originaux en 2011, notamment avec la série House of Cards qui a permis à Netflix d’etre la ou il en est aujourd’hui. Série pour laquelle Netflix avait fait un chèque de 100 millions de dollars, en une seule série plus de la moitié du budget de Salto. Certes le succès de Netflix repose aujourd’hui avant tout sur la variété de ces contenus (série, film, stand up, animation japonaise), tout le monde y trouve son compte, raison pour laquelle il possédait en début d’année 2019 environ 139 millions d’abonnée dans le monde entier, et environ 5 millions d’abonné en France (avant leur accord avec Canal+).
Les chances de Salto de concurrencer Netflix sont faibles, d’autant plus que certain opérateur nationaux comme Canal + décide de s’allier avec Netflix, comme l’a fait la chaine Sky au Royaume Uni, offrant une passerelle à Netflix en France en leur offrant leur abonné sur un plateau. Néanmoins le fait qu’aucune plateforme comme celle-ci existe en France faisait qu’il existait un manque. Surtout lorsque l’on remarque que la consommation de VàDA en France est en augmentation de 43 % sur les huit premiers mois de l’année 2019. Si Salto n’est pas le Netflix français, la création d’une telle plateforme est un pas en avant vers une modernisation des mode de consommation audiovisuel en France plus que nécessaire.
Source :
Engagements du Groupe FTV, du Groupe M6 et du Groupe TF1 Affaire n° 18-280 31 juillet 2019
CNC Baromètre de la vidéo à la demande (VàD/VàDA) – août 2019 publié le 23 septembre 2019
« Salto : le Netflix français » Franceinfo, le 15 juin 2018
« Salto, le Netflix à la française », l’obs, le 15 juin 2018
Elodie Drouard et Benoît Zagdoun « Comment Netflix s’y prend pour nous rendre accros » France info