Pour une brève contextualisation de l’histoire de la Chine et de Hong-Kong, je vous renvoie à un autre article, portant sur “Le transit des données de navigation Safari par les serveurs Tencent : la question des relations entre acteurs du numérique et gouvernement chinois”, écrit par un autre étudiant de la mention droit des médias électroniques.
Le 28 avril 2019, les citoyens hongkongais sont descendus dans les rues pour manifester contre la loi qui favorise les extraditions vers Pékin, de n’importe quelle personne considérait comme suspecte ou fugitive. Les protestations liées à cette loi se sont métamorphosées en une contestation générale. Les revendications portent sur davantage de liberté civiles et d’indépendance vis-à-vis des autorités chinoises, une autonomie qui ne cesse de se réduire au gré d’un interventionnisme croissant dans les affaires de sa région semi-autonome. Aujourd’hui, le projet de loi d’extradition vers la Chine continentale a été supprimé toutefois le conflit n’a pas cessé. Au vu de la couverture médiatique des événements, la crise politique entre Hong Kong et la Chine a pris une dimension internationale.
La Chine censure tout soutien au mouvement pro démocratie à Hong-Kong
Grace à l’étendue de son marché, le gouvernement chinois se trouve être dans une position dominante et ainsi peut prendre toutes les mesures pour censurer toutes les multinationales qui soutiendraient le mouvement pro-démocratie à Hong-Kong.
La menace de censure a pesé sur la Ligue nord-américaine de basket (NBA) s’est vu intervenir dans le conflit, en raison de la publication d’un tweet le vendredi 4 octobre par Daryl Morey, directeur général de l’équipe texane des Houston Rockets, soutenant le mouvement de protestation à Hongkong. La chaine d’Etat chinoise CCTV a annoncé ne plus retransmettre les matches des Rockets et plusieurs sponsors ont menacé de rompre les ponts avec le club. Dans un communiqué, la NBA s’est excusée auprès de la Chine, tout en se désolidarisant du tweet.
L’éditeur américain du jeu vidéo Blizzard a suspendu un joueur professionnel de Hearthstone qui avait appelé à « libérer Hongkong ». Hearthstone étant un jeu dont 31% des revenus de l’application mobile proviennent de Chine, les critiques à l’encontre de la société étant les mêmes que pour la NBA vouloir favoriser le revenu que le marché chinois apporte plutôt que les droits humains.
La série satirique américaine, South Park, a été interdite en Chine à la suite de l’épisode Band in China dans lequel un des personnages déclarait “You gotta lower your ideals of freedom if you wanna suck on the warm teat of China”. Une critique envers toutes les entreprises qui sont prêtes à accepter la censure pour conserver une place sur le marché chinois. A la suite des excuses de la NBA, les créateurs de la série ont également présenté des excuses ironiques.
La firme qui nous intéresse étant Apple, cette dernière a fait énormément de concessions en retirant les applications afin de se conformer aux attentes de Pékin. Le retrait de ces applications n’est pas dénué d’intérêt dans la mesure où le marché chinois se trouve être le deuxième plus grand marché pour la marque après les États-Unis.
Le dilemme d’Apple entre ses engagements moraux et ses revenus
Le CEO actuel d’Apple, Tim Cook, s’est vu décerner le prix du « Courage contre la haine » par l’Anti-Defamation League, une association de lutte contre l’antisémitisme. Ce prix est venu récompenser ses engagements personnels ainsi que les positions prises par la marque de la pomme sous sa direction. Les arguments marketing qui sont généralement mis en avant par la société américaine concernent l’environnement ou encore la protection des données personnelles, notamment lors de la fusillade de San Bernardino.
A l’encontre de ses prises de position constantes, Apple a retiré de nombreuses applications de l’App Store local en Chine qui sont estimées inappropriées ou non conformes à la réglementation en vigueur. En raison des importants enjeux financiers de la marque en Chine, la société américaine s’est toujours abstenue de prendre position sur des sujets sensibles et elle fait des concessions afin de se plier aux exigences de Pékin. Le retrait de ces applications ayant suscité de nombreuses réactions négatives, les reproches étant que la marque à la pomme ne s’oppose pas à la politique de la Chine continentale sur le web. Pékin exerçant un régime de censure et en promulguant de nombreuses lois et de règlement renforçant son contrôle sur internet.
Le mercredi 9 octobre 2019, Apple a retiré de l’App Store local HKmap.live dont l’utilité était de localiser la position de la police dans la ville. Malgré ce retrait, l’application continue de fonctionner à travers son site web et est présente sur Google play, en version Android. L’utilisation de cette application diffère selon les versions, selon le compte twitter qui s’occupe de la promotion de l’application au New York Times, les manifestants l’utilisaient afin d’éviter les conflits et la police tandis que pour le gouvernement chinois, l’utilisation de cette application permettait de localiser les forces de l’ordre afin d’organiser des attaques contre eux.
Le CEO d’Apple a décidé de retirer l’application en raison de la crédibilité des informations émises par le Bureau hongkongais de cyber-sécurité et de lutte contre la criminalité technologique. La raison officielle de cette suppression étant la menace à la sécurité publique que présentait l’application mais le créateur de l’application à contester les raisons énoncées par le CEO d’Apple dans un tweet. Il faut noter qu’avant la suppression de l’application, la firme à la pomme a été accusée par le média le Parti Communiste chinois de soutenir le mouvement pro démocratie, l’une des questions qui se posent est de savoir si Apple a bien retiré l’application en raison de la sécurité publique ou si l’application a été retiré pour éviter de se faire censurer en Chine ?
Le retrait d’une application faite de façon unilatérale par Apple amène une problématique qui peut s’étendre à d’autres multinationales. L’information de manière générale, contenu dans des applications, peut être menacée de suppression, dès lors que les multinationales sont à la merci de pressions, notamment financières, provenant de régimes qui ont une politique de censure sur le web.
Source :
- BEMBARON E., « Apple supprime 25.000 applications chinoises de l’App Store », Le Figaro, 20 août 2018
- CHANGY F., « Les Hongkongais manifestent en masse contre le risque d’extradition vers la Chine », Le Monde, 29 avril 2019
- DIFFALAH S., MORICE L., « Hong Kong, Chili, Liban… la mondialisation de la colère », L’OBS, 25 octobre 2019
- DEFRANOUX L., « Hongkong : Apple cède (encore) aux pressions de Pékin », Libération, 12 octobre 2019
- FALLETI S., « Hongkong : Apple cède à la pression de la Chine », Le Figaro, 10 octobre 2019
- LAMPING B. «Is Apple helping HK rioters engage in more violence? », people.cn, 9 Octobre 09, 2019
- VERGARA I., « Tim Cook se défend (encore) sur les concessions d’Apple en Chine », Le Figaro, 7 décembre 2017
- LEMAITRE F., « La Chine suspend la diffusion de matchs NBA après un Tweet sur Hongkong », Le Monde, 8 octobre 2019
- « Les petits arrangements d’Apple avec la censure à Hongkong », Le Monde, 10 octobre 2019
- « Hong Kong : Apple retire une application permettant de localiser la police », L’Express, 10 octobre 2019
- « Apple removes police-tracking app used in Hong Kong protests from its app store », CNBC, 10 octobre 2019