En octobre 2017, l’une des plus grande entreprise d’innovation urbaine SideWalk Labs, filiale du géant Google a annoncé qu’elle serait en charge de la construction d’une nouvelle ville intelligente basée à Toronto. Après de nombreuses contestations autour de ce projet, c’est deux ans plus tard, le 31 octobre 2019 que les autorités canadiennes se sont prononcées en faveur de la poursuite du projet.
Avec l’effervescence des nouvelles technologies, tout est en train de changer : la vie quotidienne des citoyens, les biens et services, les infrastructures, la ville entière change. Ce nouveau modèle de « smart city » est devenu un nouveau moyen d’allier la puissance de l’urbanisme à la connectivité que permet le numérique.
- Le développement d’une nouvelle communauté urbaine
Tout a débuté deux ans en arrière lorsque la ville de Toronto a lancé un appel d’offre afin de développer un quartier au bord du lac Ontario dans l’optique de faire de Quayside, cette friche portuaire, une ville futuriste guidée par les données numériques.
Ainsi depuis 2017 la société américaine SideWalk Labs travaille en coordination avec l’entité publique WaterFront Toronto pour développer en détail ce nouveau plan urbain. A l’issu de ce projet on envisage un lieu de dynamisme innovant, comme l’a expliqué Jesse Shapins, directeur du domaine public à Toronto « Nous voulons en faire un modèle de développement durable ». Il a été ainsi imaginé à travers plusieurs maquettes des nouvelles fonctionnalités intégrant les technologies les plus innovantes.
- S’agissant des transports en commun et les questions de mobilité, le plan de la ville s’articule autour de la connexion des quartiers environnants et du reste de la ville par le biais d’un nouveau réseau aménagé avec des services encourageant les déplacements partagés.
- En ce qui concerne les différents logements et autre bâtiments, le projet est basé sur un programme d’équité visant à élargir les possibilités d’accession à la propriété, tout en restant focalisé sur une construction majoritairement établie sur des matériaux en bois durable.
- Enfin pour ce qui est des innovations numériques, toute l’infrastructure de la ville reposerait sur une connectivité omniprésente via un réseau de fibre optique rapide et d’utilisation bénéfique des données numériques.
De cette façon, on le voit le mot d’ordre de ce projet est donc la durabilité, c’est à dire la création d’un quartier résidentiel doté d’un nombre important d’innovations environnementales à partir de matériaux et de construction durable. Quayside s’entend donc comme un modèle pour de futures villes intelligentes durables.
- Toronto la nouvelle « Google city » ?
A travers sa filiale, Google œuvre donc pour transformer un quartier de 5 hectares en une réelle ville futuriste, leur argument principal tenant à présenter de nouveaux standards pour une planète plus saine. Malgré tout, la présence du géant américain dans ce projet ne convainc pas tout le monde et fait encore débat. Alors que certains voient la présence de Google comme un accélérateur de projet, d’autres n’en n’oublient pas l’appétence du géant américain, qui, comme l’a affirmé Caroline Isautier, spécialiste en citoyenneté numérique lors d’une émission radio, profite du coup de pub du projet de ville intelligente de Toronto pour exploiter une plus grande partie de la ville qui au départ a été pensée de façon restreinte volontairement en tant qu’une expérimentation.
En ce sens on le voit la présence de Google au sein d’un tel projet à tendance à diviser les opinions publiques. Toutefois comme l’a rappelé Christopher Hume, chroniqueur pour un célèbre quotidien canadien :
« La conversation s’est beaucoup trop tournée vers Google et du fait qu’il arrive à Toronto et qu’il prenne le contrôle de la ville, mais je pense que ces peurs sont exagérées. Il faudrait plutôt avoir confiance en Waterfront Toronto, ils ont assez d’expérience pour faire du bon travail. Il ne faut pas oublier qu’avant d’être axé sur les technologies, Waterfront Toronto est tout d’abord un urbaniste, il sait ce qu’il fait ».
Le choix d’une filiale de Google dans l’organisation de ce projet soulève donc une certaine réticence autour de laquelle sont apparues plusieurs contestations au fil de l’avancement du projet.
- Un projet qui suscite de nombreuses controverses
On l’a vu, l’effectivité du projet de cette « smart city », met en œuvre de nombreuses technologies. En effet la société SideWalk Labs prévoit de doter le quartier de capteurs afin de collecter plusieurs données sur les comportements des habitants, comme les flux de cyclistes et de piétons, la consommation en eau ou encore le remplissage des poubelles. L’enjeu à travers tous ces nouveaux outils est de mieux comprendre la dynamique urbaine de la ville et de stimuler l’innovation. Cependant de plus en plus de voix se sont élevées pour contester la façon dont la société comptait développer le projet. Il a notamment été mis en cause la gestion des données privées; plusieurs personnes et notamment les riverains ont alors décrier à une fausse transparence.
Face à ces craintes, un mouvement d’opposition s’est levé baptisé #BlockSidewalk s’inquiétant des risques d’appropriation de l’espace public. Le projet s’appuyant sur des nouveaux outils technologiques, les peurs s’appuient sur l’utilisation faite des données personnelles et des données urbaines de façon générale. De ce point de vue on ne peut oublier l’ADN du groupe Google connu pour sa collecte massive de données personnelles à bien des égards, l’inquiétude s’entend donc dans cette gestion des données et la peur de voir pour les habitants du quartier de Quayside un non respect de leur vie privée ainsi qu’une surveillance abondante. Au vue de ces contestations SideWalk Labs a réagi et a proposé la création d’un organisme indépendant visant à superviser la collecte et l’utilisation des données, tout en certifiant que la société n’utiliserait pas ces renseignements personnels à des fins commerciales ou publicitaires.
SideWalk Labs s’est vu alors entrer en négociation avec l’entité publique canadienne Waterfront Toronto et afin de poursuivre son projet de ville intelligente, la société américaine devait répondre de certains points mis en cause. La métropole de Toronto avait donc jusqu’à fin octobre pour poursuivre ou non l’aventure de la construction de ce quartier intelligent. Suite aux concessions faites par la société américaine, c’est finalement ce jeudi 31 octobre 2019 qu’un accord a été passé entre les deux entités.
Le projet de cette « smart city » est donc de nouveau en piste, Waterfront Toronto ayant repris la main sur l’organisation du projet. Toutefois le chemin menant à la concrétisation de la nouvelle ville futuriste de Toronto reste encore long et ses intentions sont encore à prouver, c’est pour cela qu’un vote final devrait avoir lieu dans les horizons de 2020.
Sources :
- CHARLES F., « Le projet SmartCity de Google à Toronto repart », ZDnet – Green SI, 3 novembre 2019, accessible via www.zdnet.fr
- HUME C., « Is the Sidewalk Labs smart neighborhood plan for Toronto really a dream come true ? », Interview depuis la chaîne youtube The Agenda with Steve Paikin, 17 novembre 2017, accessible via www.youtube.com
- ISAUTIER Caroline., « Projet de ville intelligente à Toronto : à quoi joue Google ? », Interview depuis l’émission de radio Choqfm, 24 octobre 2019, accessible via www.choqfm.ca
- MONNIER O., « La Google City se cherche à Toronto », Libération, 31 octobre 2019, accessible via www.liberation.fr
- SIDEWALK TORONTO., « Quayside : A complete community and a proving ground for innovation », accessible via www.sidewalktoronto.ca