L’écrivain, journaliste, Éric Zemmour ne cesse de faire parler de lui, à la télévision. En effet, en septembre dernier, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en cassation du journaliste et, a validé la décision de la cour d’appel de Paris, a écopé d’une amende de 3000€ pour provocation à la haine religieuse.
En plus d’être dans la ligne de mire du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, Eric Zemmour doit combattre un adversaire de plus, le groupe Sleeping Giants pour ses émissions « Face à l’info » sur CNews et « Zemmour et Naulleau » sur Paris Première. Ce qui n’est pas au goût du groupe audiovisuel privé, Canal +, qui envisage de lancer une action civile en responsabilité délictuelle pour appel fautif au boycott contre le groupe activiste des réseaux sociaux.
Action et but du groupe Sleeping Giants
Sleeping Giants est un mouvement né aux Etats-Unis, en novembre 2016, peu après la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle. Cette organisation activiste agissant sur les réseaux sociaux, notamment par un compte Twitter, vise à persuader les entreprises de supprimer leurs publicités de certains médias conservateurs tenant des propos jugés racistes et/ou sexistes. C’est ce qu’on appelle le mouvement le « name and shame », pratique qui consiste à montrer du doigt une entreprise.
Depuis la condamnation d’Éric Zemmour pour incitation à la haine raciale, le compte Twitter du groupe concentre ses attaques sur CNews et Paris Première, deux chaines sur lesquelles le polémiste officie. « Chère Orange Bank, pensez-vous que vos valeurs sont compatibles avec l’émission Zemmour, condamné à deux reprises pour incitation à la haine raciale-religieuse ? » a, par exemple, tweeté le collectif, le 19 novembre 2019.
La réalisation de ces tweets a pour objectif d’assécher financièrement les chaines de leurs recettes publicitaires. Aujourd’hui, la publicité est le moyen le plus important pour financer la télévision : plus de 35% du financement de la télévision passe par la publicité. En s’attaquant donc à ce moyen de financement en montrant du doigt les entreprises partenaires de ces émissions provoquant à la haine, le groupe militant appuie là où ça fait mal et cela marche. Sleeping Giants affirme que 40 annonceurs ont stoppé leurs « investissements toxiques » comme par exemple Le BonCoin ou encore Himolla qui ont indiqué sur Twitter s’être complétement retirés de CNews, tandis que le groupe Ibis a transféré sa dernière campagne publicitaire vers les autres chaines du groupe Canal+.
Deux dimensions d’enjeux sont donc présentes : d’une part, l’enjeu financier des chaines télévisées et d’une autre part, l’enjeu de l’image des entreprises.
Canal+ pointe un « appel fautif au boycott »
Cette pratique sur les réseaux sociaux à tendance d’irriter le groupe Canal+, mobilisant son équipe juridique sur le dossier. Ainsi, le groupe s’estime victime d’un préjudice et réfléchit à lancer une action civile en responsabilité délictuelle pour appel fautif au boycott.
En France, la légalité du boycott peut sembler ambiguë. Le boycott peut constituer une discrimination envers une personne physique ou morale s’il réunit les conditions définies aux articles 225-1 et 225-2 du Code Pénal. La Cour de cassation confirme cette analyse dans son arrêt du 20 octobre 2015, concernant le boycott de produits israéliens en disant « la provocation à la discrimination ne saurait entrer dans le droit à la liberté d’opinion et d’expression ». Par conséquent, l’appel au boycott peut se paraitre licite s’il ne met pas en cause une des discriminations visées par le code pénal.
Sur Twitter, Sleeping Giants a déjà contre-attaqué, se défendant d’appeler au boycott des marques et s’inquiétant de « la liberté d’expression que les chaines veulent condamner ». Assurément, cet appel fautif au boycott pourrait donc être vu comme une limite à la liberté d’expression et d’opinion, malgré la primauté du principe.
L’union faisant la force, le groupe audiovisuel privé souhaite s’associer au groupe M6, maison-mère de Paris Première, à sa démarche. Des discussions sont actuellement en cours entre les deux groupes. Affaire à suivre…
SOURCES :
- Ozap.com
- Europe 1 – 22/11/2019
- Valeur Actuelle – 22/11/2019
- Le Monde – 21/11/2019