La console Nintendo Switch lancée en 2017 fonctionne à l’aide d’une manette baptisée “Joy con” utilisée pour évoluer dans les menus et orienter les personnages. Mais, deux ans après son lancement, une panne récurrente et bloquante de cette manette pénalise les joueurs et peut rendre impossible l’utilisation de la console. Aux États-Unis, à défaut d’une reconnaissance officielle de l’existence d’un défaut technique, Nintendo a réparé en toute discrétion et gratuitement les Joy con affectés. Cependant, les consommateurs français également lésés par ce défaut ne se sont vus proposer aucune solution.
L’association française protectrice des consommateurs l’UFC-Que Choisir a alors agit comme le permet l’article L623-1 du code de la consommation pour “obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire”. Par conséquent, le 5 novembre 2019, l’association a mis en demeure le géant japonais de proposer des solutions aux consommateurs français autre que le remplacement des Joy-Con défectueux par une manette neuve moyennant 45 €.
Mais que signifie la notion d’obsolescence programmée ?
La notion récente d’obsolescence programmée
L’expression d’obsolescence programmée apparut pour la première fois en 1932 dans l’ouvrage Ending the Depression Through Planned Obsolescence de Bernard London qu’il définissait comme une “stratégie industrielle visant à programmer une durée de vie limitée à un produit non consommable dans le but d’en augmenter la fréquence de remplacement”. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissante verte qui a créé l’art L213-4-1 du code de consommation reprenait cette définition puisqu’il s’agissait de “l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement”. L’ordonnance du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation abrogeant cet article a repris cette définition au nouvel article L441-2 du même code.
En outre, dans un rapport de juillet 2012 intitulé “Etude sur la durée de vie des équipements électriques et électroniques”, “l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie” (ADEME) estime que cette notion “dénonce un stratagème par lequel un bien verrait sa durée normative sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique”. Donc, pour l’ADEME, l’obsolescence programmée renvoie à une limitation technique provoquée sciemment par le fabricant.
Enfin l’association “Halte à l’obsolescence programmée” estime que cette obsolescence peut être esthétique, technologique, technique ou logicielle et donc met en évidence un nouveau type d’obsolescence programmée celle des biens dématérialisés tels que les logiciels, les applications ou les jeux vidéos.
(Pour en savoir plus sur les différents types d’obsolescence programmée voir le mémoire réalisée en 2012 par Mme Lydie TOLLEMER sur l’obsolescence programmée)
Maintenant que l’on connaît la notion d’obsolescence programmée, il faut s’intéresser à son régime et à son application dans notre affaire UFC-Que Choisir contre Nintendo.
La difficile application du régime de l’obsolescence programmée
Depuis la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissante verte, l’obsolescence programmée au terme de l’article L. 213-4-1 du code de la consommation est un délit “puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros” ou d’un montant qui “peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits” . L’ordonnance du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation a scindé sans le dénaturer l’article initial en deux nouveaux articles de ce code, l’article L441-2 prévoyant ce délit et l’article L454-6 prévoyant cette sanction.
Mais avant d’être sanctionné le délit doit être prouvé, or c’est le consommateur qui est chargé de la preuve de son existence donc ici l’association l’UFC-Que Choisir. En parlant d’obsolescence programmée, l’association devra démontrer la volonté de Nintendo de contrôler la durée de vie de la machine et de ses périphériques pour en vendre davantage, donc l’intention de cette société de réduire cette durée de vie au détriment des consommateurs.
En outre selon l’avocat Arnaud Gossement, spécialiste du droit de l’environnement, l’obsolescence programmée nécessite de démontrer que la durée de vie a été raccourcie par une “technique” mise en œuvre et que cette dernière a été effectuée dans une intention délibérée. De plus le consommateur devra établir que la durée de vie n’a été raccourci ni par l’usage qu’il a fait de l’objet ni par la gamme de produits employés.
Pour réunir des preuves, l’association française a lancé un appel à témoignages auprès des utilisateurs de la console switch mais l’intention délibérée de réduire la durée de vie des manettes semble très difficile à démontrer.
Su quel autre fondement légal les consommateurs peuvent-ils obtenir la réparation gratuite des manettes ?
La solution classique de la garantie contre les défauts de conformité
Depuis mars 2016 et l’entrée en vigueur de la loi “Hamon” relative à la consommation du 17 mars 2014, la garantie légale de conformité du consommateur est de deux ans ( article L217-7 depuis l’ordonnance de 2016 cité précédemment ). Cela signifie que durant deux ans un consommateur face à un produit défectueux n’aura plus à prouver que le défaut existait au moment de la vente. C’est au professionnel d’apporter la preuve contraire s’il refuse de réparer le défaut. Donc s’impose aux vendeurs qui sur demande du consommateur devront soit échanger la manette soit la réparer.
En attendant que Nintendo se décide à offrir une solution aux consommateurs français notamment en résolvant le défaut, ces derniers doivent se retourner vers leurs vendeurs pour obtenir satisfaction.
Sources :
LOI n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
LOI n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation
Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation
Isa, “Les jeux vidéo face à l’obsolescence programmée”, bejoue.fr, 17 janvier 2018
AFP, “Obsolescence programmée : entretien à l’AFP”, arnaudgossement.com, 28 juillet 2015