Le Conseil Constitutionnel censure partiellement la loi LOM

Alors que la loi LOM (Loi d’Orientation des Mobilités) empêchait les juges de requalifier les relations de travail entre travailleurs indépendants et plateformes numériques – tels que Deliveroo, Uber et Just Eat – en contrat de travail, le Conseil Constitutionnel est intervenu pour censurer l’article 44 à l’origine de cette restriction.

Dans une décision du 20 décembre, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution des dispositions qui prévoyaient une présomption de non-subordination des travailleurs des plateformes numériques. En effet, l’article 44 de la LOM permettait aux opérateurs, via l’intermédiaire d’une charte sociale, de déterminer eux-mêmes les relations de travail avec leurs travailleurs, sans qu’il soit possible de remettre en cause la nature de cette relation. Ces dispositions étaient alors très avantageuses pour les plateformes qui pouvaient bénéficier d’une présomption de non-subordination avec leurs travailleurs.

Un équilibre difficile à trouver

L’originalité des activités comme Uber et Deliveroo est telle qu’il semble être difficile de trouver un juste équilibre entre, d’une part, la sécurité de l’emploi et des conditions de travail et d’autre part, le développement économique de ces plateformes. En cherchant cet équilibre, la loi a à la fois méconnu les droits du travailleur et celui du juge de première instance de pouvoir requalifier les relations de travail.

L’utilisation d’une charte sociale

Malgré le fait que les travailleurs de ces plateformes sont présumés être indépendants, rien n’empêchait les juges de requalifier ces relations en contrat de travail. Le problème de l’utilisation d’une charte sociale par les opérateurs est que cette dernière pourrait empêcher toute action en requalification du juge, quand bien même les faits révèleraient l’existence d’un lien de subordination. Les dispositions, telles qu’elles sont, méconnaissent le pouvoir de requalification du juge de première instance.

Le pouvoir de requalification du juge

Par cette décision, le Conseil Constitutionnel rappelle que lors d’un litige, le juge est dans la mesure de requalifier la nature des relations de travail. Ainsi, s’il détermine un lien de subordination juridique, le juge pourra requalifier la relation en contrat de travail. Cela est d’autant plus important qu’un certain nombre de décisions sur le sujet ont déjà donné lieu à des requalification par les juges.

La détermination des caractéristiques essentielles du contrat de travail

L’article 34 de la Constitution confie exclusivement au législateur la compétence de déterminer les caractéristiques essentielles du contrat de travail. A travers les dispositions de l’article 44 de la LOM, le législateur déléguait cette compétence à ces opérateurs privés. Ces derniers pouvaient alors décider eux-mêmes de la qualification des relations de travail sans requalification possible.

 

Pour la première fois, la France tente de légiférer sur le sujet. Cependant, elle n’a pas su créer un réel équilibre entre le droit des opérateurs et ceux des travailleurs. A travers cette première écriture, il peut toutes fois être observé que le législateur cherche à privilégier le développement de ce secteur d’activité au détriment d’une sécurité de l’emploi auprès des travailleurs.

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Sources

Conseil Constitutionnel, 20 décembre 2019, n°2019-794 DC

« Loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités », www.vie-publique.fr

A. Vitard, « Le Conseil Constitutionnel fait voler en éclat les chartes sociales des plates-formes internet de transport », L’usine digitale, 20 décembre 2019, www.usine-digitale.fr

E. Delsol, « Le Conseil constitutionnel réactive la requalification des contrats de travail des plateformes », Le monde informatique, 23 décembre 2019, www.lemondeinformatique.fr