Qu’est-ce que le swatting ?
Le terme swatting désigne un appel téléphonique effectué dans le but de piéger des services de police, tout en restant anonyme, en leur faisant croire à la nécessité d’une intervention d’urgence, chez un particulier, pour lui nuire.
Originaire des États Unis, basé sur le nom de l’unité d’intervention SWAT, ce phénomène est apparu dans des communautés de joueurs en ligne dans les années 2000. Il a été utilisé assez souvent comme moyen de vengeance. Le terme « swatting », lui, est apparu en 2008, utilisé par le FBI pour décrire mettre un terme sur cet acte. Il est parfois remplacé par l’expression « Hoax Call ». Aux États Unis le swatting a ensuite eu un pic, notamment dans les années 2010, ou cet acte a touché non plus seulement les joueurs en ligne, mais tout un panel de personnes public de Miley Cyrus à Clint Eastwood.
Le swatting en France
La première victime de swatting en France a eu lieu en aout 2014. Elle ne fut pas du secteur du jeu vidéo. C’est le milieu de la presse qui fut touché. Un journaliste chez Rue89 a fait l’objet d’un swatting par un hackeur dénommé Ulcan. Ce premier swatting est d’autant plus tragique, que l’affaire n’est toujours pas clause. Cet hackeur est accusé d’avoir, à travers ce swatting, provoqué la crise cardiaque qui a conduit à la mort du père de ce journaliste. En 2019 cette affaire est renvoyée devant la cour d’assises.
Le secteur du jeu vidéo a ensuite été fortement touché en décembre 2014, le streamer Aypierre a été la première victime de Swatting. Le coupable a appelé les pompiers pour une fuite de gaz. En février 2015, c’est le streamer Bibix qui en a été victime en plein live. Des agents de la BAC (Brigade anti-criminalité) ont débarqué chez lui après un appel téléphonique qui l’accusait d’avoir tué sa femme. En juillet 2015, d’autres têtes d’affiches du streaming français sont visées, tel que Domingo, Bruce Grannec, ou encore Squeezie. Des chroniqueurs du secteur audiovisuel ont aussi été touché, comme Aymeric Caron, ou de multiple chroniqueur de l’émission TPMP.
En somme, entre 2014 et 2015, une quinzaine de swatting ont lieu en France. Les victimes sont des personnalités appartenant à des secteurs aussi divers que variés (journaliste, chroniqueur et streamer). Le nombre de swattings en France a ensuite considérablement diminué depuis la fin de l’année 2016. On pouvait penser que c’était une mode qui avait fait son temps. Malheureusement on peut noter une soudaine réapparition du phénomène. Si la pratique était devenu désuète en France, elle revient en forte hausse de manière globale sur l’année 2019, et de manière ahurissante sur le mois de décembre 2019, cette fois-ci visant exclusivement des streamers tel que Jeel, Xewer et Purpledjo. De même la société Solary, spécialisé dans les émissions de jeu vidéo, fut l’objet d’un swatting mi-décembre. Plus tôt dans l’année, c’était le streamer Sardoche qui était visé par ce type d’attaque.
Le but est que l’arrivée des forces d’intervention et l’arrestation de la personne ciblée se déroulent pendant une session diffusée en direct sur le net. Seulement, au vu des faits invoqués dans l’appel téléphonique (tentative de suicide, homicide), l’intervention policière est très violente.
Que dit le droit ?
Étant donné la gravité de ces faits de swatting, une répression est envisageable sur différents fondements. Au niveau de la législation française on peut penser à la dénonciation de délit imaginaire prévu à l’article 434-26 lorsque le prétendu auteur de l’infraction dénoncée n’est pas identifiable. Cette infraction consiste dans « Le fait de dénoncer mensongèrement à l’autorité judiciaire ou administrative des faits constitutifs d’un crime ou d’un délit qui ont exposé les autorités judiciaires à d’inutiles recherches ». Ce délit est « puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. »
Cependant cette qualification entre en conflit avec le délit de dénonciation calomnieuse énoncé à l’article 226-10. On retrouve cette qualification lorsque l’auteur de l’infraction imaginaire est désigné ou identifiable dans la dénonciation. Ce délit consiste dans « La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact » ce délit quant à lui « est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ». C’est plutôt d’ailleurs sous le délit de dénonciation calomnieuse que les auteurs de swatting sont poursuivis.
Mais l’on peut aussi penser à l’article 322‐14 du Code pénal qui réprime les menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration et les fausses alertes par deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Dans l’affaire de 2015 concernant le streamer Bibix, le Tribunal correctionnel de Créteil a rendu un jugement condamnant les trois « swatteurs » : la personne qui a payé le compte ayant servi au swatting à deux ans de prison ferme ; pour les deux autres, l’un a été condamné à 18 mois de prison ferme, pour recel (diffusion et publicité de la vidéo sur internet), l’autre de 6 mois prison avec sursis. Il faut rappeler qu’au moment des faits les « swatteurs » étaient mineurs.
Au États Unis le point de non-retour a été franchi en décembre 2017 lorsqu’un homme a perdu la vie à la suite d’un swatting pour une simple histoire de pari sur le jeu vidéo Call of Duty. Le responsable de ce swatting a été condamné en mars 2019 à 20 ans d’emprisonnement. La personne qui a recruté le « swatteur » a été condamné à 15 mois de prison.
Je laisse à la liberté de chacun de juger, si, au vu des circonstances et des possibles conséquences de ces actes, les réponses judicaires françaises ou américaines sont sévères ou plutôt légères.
Ne pas résumer le swatting à un canular
Le véritable danger de ces pratiques est qu’elles sont souvent minorées, assimilées à une mauvaise blague alors que le swatting nuit à l’ensemble de la société. En effet, le but est d’utiliser les services publics de l’État dans le but de nuire à une tierce personne. Or, derrière ces services, ce sont des individus, en nombre limité, qui ne peuvent être partout à la fois, de ce fait, on prive une personne des services d’urgence. De plus, l’utilisation de ces services a des coûts économiques, l’organisation, le déplacement et les éventuels dégâts matériels ou humains. Pour fonctionner de manière pérenne ces services d’urgence ont besoin que les ressources matérielles et financières dont ils disposent ne soit pas gaspillées.
Aux États Unis certains États ont décidé d’agir contre le phénomène. Si empêcher les gens d’effectuer un swatting semble impossible, essayer d’en minorer les effets semble plus réalisable. Notamment à travers la constitution de fichier anti swatting. Une personne sachant qu’elle a des prédispositions à être « swatter » (généralement une personne publique), communique au services d’urgence son d’adresse. L’agent qui reçoit un appel demandant une intervention policière pourra vérifier si les coordonnées sont présentes sur cette base de données. De ce fait les forces de l’ordre auront en tête avant d’arriver sur les lieux la possibilité qu’il s’agisse d’un swatting.
Source :
« deux chroniqueurs de “Touche pas à mon poste” visés par des canulars », France Info, 12 mars 2015