Le 21 septembre dernier, le youtubeur Marvel Fitness est condamné par le tribunal de Versailles à un an de prison ferme avec mandat de dépôt pour harcèlement de meute.
Qui est Marvel Fitness ?
Marvel Fitness est un vidéaste de 150 000 abonnés qui est connu pour ses vidéos « drama » dans lesquelles il critique les influenceurs du milieu du fitness.
En août 2018, dans une vidéo intitulée « fitgirls niveau 0 » le youtubeur juge certaines youtubeuses fitness dont Aline Dessine. Un échange houleux sur les réseaux sociaux commence alors entre les deux influenceurs. Les communautés des deux individus sont ainsi impliquées dans la dispute. C’est le début du cyberharcèlement de la youtubeuse.
La jeune femme décide de porter plainte. Elle se fait alors représenter par Me Laure-Alice Bouvier qui est, elle aussi, influenceuse.
Lors du procès, Marvel Fitness fait face à neuf parties civiles, dont Aline Dessine fait partie. L’homme est accusé d’avoir harcelé ces personnes et d’avoir appelé ses abonnés à participer à ces raids numériques. Parmi les parties civiles on compte également Me Laure-Alice Bouvier qui a elle aussi été victime de cyberharcèlement à la suite de deux vidéos publiées par le youtubeur où on le voit aller à la rencontre de l’avocate dans la rue pour lui poser des questions sur l’affaire.
« Internet n’est pas une zone de non droit »
Le 21 septembre 2020, à la suite de l’annonce de la condamnation, les victimes et l’avocate ont été, une fois de plus, les cibles de menaces de mort de la part de la communauté du youtubeur. Le #Freemarvel apparait alors en top tendance sur Twitter jusqu’au lendemain, une pétition est signée par plus de 19 000 personnes et une cagnotte est lancée. De plus, depuis sa condamnation, l’influenceur a gagné 15 000 abonnés sur Youtube.
Cette réaction montre que l’impact que le harcèlement peut avoir est totalement méconnu. Pourtant, un tel jugement avait certainement un but pédagogique : exposer la gravité du cyberharcèlement. Me Laure-Alice Bouvier estime en effet que cela « met fin à un comportement ignoble sur les réseaux sociaux » et ajoute que cela « montre qu’internet n’est pas une zone de non-droit ».
« A l’orée d’un nouveau monde »
Si la pénalisation du cyberharcèlement existait depuis la création d’un délit spécial en 2014, il était difficile de lutter contre le cyberharcèlement de meute qui est pourtant très fréquent sur les réseaux sociaux. L’infraction de cyberharcèlement a donc été renforcée par la loi Schiappa du 3 août 2018. Depuis, le délit est également constitué lorsque plusieurs personnes, avec ou sans concertation, ont des propos ou comportements déplacés envers une même personne et si elles savent que leurs actes caractérisent une répétition. Il s’agit là de harcèlement de meute.
Selon l’article 222-33-2-2 du Code pénal, modifié par cette loi, si un harcèlement de meute est commis, l’auteur de cette infraction est punissable d’un an d’emprisonnement et de 15 000€ d’amende. Ce délit est aggravé lorsqu’il est commis « par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique », il s’agit là de cyberharcèlement de meute et la sanction est doublée, c’est-à-dire que l’auteur sera punissable de deux ans d’emprisonnement et de 30 000€ d’amende.
Toutefois, nous sommes face à une condamnation sans précédent dans l’histoire du cyberharcèlement de meute puisque c’est la première fois qu’un tel procès donne lieu à une peine de prison ferme et, ce, malgré l’existence d’une telle sanction dans les textes de loi.
Pourtant, nous ne pouvons pas considérer que nous sommes face à une jurisprudence car ce n’est qu’une décision de première instance. De plus, dans le cadre d’un jugement correctionnel, la personnalité de l’accusé est prise en compte et, ici, l’influenceur a gardé le silence pendant toute la durée du procès, sur les conseils de son avocat, et n’a pas prononcé un seul mot d’excuse envers les victimes, malgré l’interpellation du juge.
Cependant, même s’il n’y a pas de jurisprudence établie, nous sommes face à un tournant dans le domaine du cyberharcèlement de meute. Comme le disait l’avocate des parties civiles « Nous sommes à l’orée d’un nouveau monde ».
Quel impact sur le quotidien des influenceurs français ?
Toutefois, cette décision suscite beaucoup d’interrogations et de peurs de la part des influenceurs français. En effet, ceux-ci se demandent dans quelles circonstances une condamnation comme celle de Marvel peut leur être appliquée. Un influenceur est-il responsable du harcèlement de meute causé par sa communauté à la suite qu’il ait traité d’un sujet de façon neutre et même s’il n’a pas pris part à ce harcèlement ? Dans quelles mesures les influenceurs peuvent-ils se protéger d’une condamnation à la suite du harcèlement commis par leur communauté ?
Sources :
- « S02E03 L’affaire Marvel Fitness », Domingo Replay, 26 septembre 2020
- Ariane Griessel, « Au procès d’un youtubeur jugé pour harcèlement : raids numériques, influenceurs et gros-bras », France inter, 22 septembre 2020
- Jean-Loup Delmas, « Procès Marvel Fitness : « Il y aura un avant et un après » sur le cyber-harcèlement selon l’avocat spécialisé Thierry Vallat », 20 Minutes, 22 septembre 2020
- Justine Chevalier, « Après la condamnation du youtubeur Marvel Fitness, avocat et victimes visées par des menaces de mort », BFM TV, 28 septembre 2020
- Aurore Gayte, « Affaire Marvel Fitness : Des victimes encore cyberharcelées vont « continuer à porter plainte » », Numerama, 2 octobre 2020
- Article 222-33-2-2 du Code pénal, Légifrance
- Loi n°2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dite loi Shiappa, Légifrance