Quels sont les enjeux de l’émission d’un euro numérique au sein de la zone euro ? Est-ce la fin des paiements en « liquide » ? Combien de temps cela prendrait-il de concrétiser un tel projet ?
Au milieu de la pandémie Covid-19, la Banque centrale européenne (BCE) a enfin apporté des réponses concrètes à toutes ces questions. Dans un rapport d’une cinquantaine de pages publié sur son site web le 2 octobre dernier, l’institution de Francfort examine l’émission d’une monnaie numérique commune aux dix-neuf États membres de l’Union européenne qui forment la zone euro.
Le lancement d’une vaste consultation européenne le 12 octobre
« Notre rôle est de garantir la confiance dans la devise. Cela signifie s’assurer que l’euro est adapté à l’ère numérique. Nous devons nous tenir prêts à émettre un euro numérique si cela s’avère nécessaire », affirme Christine Lagarde, la présidente de la BCE, dans un communiqué.
L’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne, grand parti politique allemand, avait déjà publié un document faisant mention d’un euro numérique dès le début de l’année mais, ici, il s’agit d’une annonce officielle de la BCE. Le projet semble envisagé très sérieusement, comme en témoigne le dépôt de la marque « digital euro » auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle le 22 septembre 2020.
De plus, une vaste consultation publique européenne a été lancée le 12 octobre dernier. Elle doit durer trois mois et concerner les citoyens, le secteur financier et les pouvoirs publics. Des expérimentations auprès de volontaires vont également être menées en parallèle pendant 6 mois.
A l’ère numérique, on remarque un changement majeur de notre mode de consommation. Grâce aux avancées technologiques, quelques clics nous ont propulsés dans le système de l’instantané. Cela a conduit à une forte augmentation des paiements dématérialisés et à une baisse de l’utilisation des espèces. Il est même désormais possible de payer directement avec une application mobile. La crise sanitaire Covid-19 n’a fait qu’accélérer cette mutation vers le paiement sans contact.
La monnaie a connu des évolutions au fil du temps, certains moyens de paiement ont disparu, d’autres ont été créés. Les cryptomonnaies ont ainsi émergé depuis une dizaine d’années. La plus ancienne et célèbre d’entre elles est le Bitcoin, créé en 2009.
La crytomonnaie, qu’est-ce que c’est ? Le Larousse la définit comme un « moyen de paiement virtuel utilisable essentiellement sur Internet, s’appuyant sur la cryptographie pour sécuriser les transactions et la création d’unités, et échappant à tout contrôle des régulateurs et des banques centrales ». A noter, ce mot est seulement entré dans l’édition 2020 du dictionnaire.
Le fait de retrouver une souveraineté dans ce secteur et d’être plus compétitif sont des éléments qui ont poussé la BCE à s’intéresser davantage au paiement par cryptoactifs. De plus, une multitude de projets privés voient le jour. Un des derniers en date est la cryptomonnaie Libra de Facebook qui a fait l’objet d’un fort retentissement médiatique et qui soulève encore d’importantes inquiétudes. La Banque centrale chinoise mène également un projet de yuan numérique.
Il s’agirait donc de disposer d’une monnaie virtuelle officielle au sein de la zone euro, ou CBDC (Central bank digital currency), acronyme choisi pour contrer les autres termes bien connus de Bitcoin ou d’Ethereum. Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, a déclaré que l’euro numérique contribuerait à « renforcer le rôle international de l’euro ».
Les changements envisagés pour les citoyens et les entreprises de la zone euro
Dès que les consultations et les « tests » seront terminés vers mi-2021, la BCE annoncera si le projet de l’euro numérique sera lancé ou abandonné. Mais l’institution de Francfort a d’ores et déjà estimé que la concrétisation d’un plan d’une telle ampleur prendrait « entre 18 mois et jusqu’à 3 ou 4 années ».
Si cette monnaie virtuelle finit par être instaurée au sein des États membres de la zone euro, les ménages et les entreprises pourront avoir un compte bancaire à la BCE. Actuellement, cela est uniquement réservé aux banques centrales.
Cependant, l’institution de Francfort précise dans son rapport que l’euro numérique ne remplacerait pas les espèces mais viendrait s’y ajouter afin d’effectuer les « paiements quotidiens rapidement, facilement et en toute sécurité ». Toute suppression de pièces et de billets paraît peu probable tant qu’une fracture numérique existe.
L’euro numérique, un pari risqué pour l’Eurosystème ?
Une monnaie numérique européenne présenterait bien des avantages mais les risques ne sont pas à minimiser. En effet, les cryptomonnaies entraînent de nombreux problèmes par rapport au respect de la vie privée et à la protection des données.
L’Eurosystème, organe qui regroupe la BCE et les banques centrales nationales des États membres de l’Union européenne ayant adopté l’euro, devra mettre en place un très haut niveau de protection et faire preuve d’une grande vigilance. Il aura notamment pour mission d’empêcher l’accès aux données bancaires, de lutter contre les cyberattaques et les fraudes.
En résumé, l’euro numérique n’est pas pour tout de suite et un long travail en amont reste nécessaire.
Sources
- European Central Bank, Report on a digital euro, October 2, 2020
- AUFFRAY (C.), « Pas de décision sur l’euro numérique (CBDC) avant mi-2021 », Cryptonaute, 5 octobre 2020
- GALLOY (P.), « L’euro numérique, ça commence dans dix jours », L’Echo, 2 octobre 2020
- PANETTA (F.), « Nous devons nous tenir prêts à créer un euro numérique », Le Soir, 1 octobre 2020
- WARDZALA (C.), « La volonté de créer un euro numérique émerge en Allemagne », Cryptoast, 21 avril 2020
- « Euro numérique : bientôt une monnaie virtuelle officielle en Europe ? », Sud Ouest, 2 octobre 2020
- « La BCE veut expérimenter l’euro numérique », Libération, 3 octobre 2020
- Larousse 2020, Cryptomonnaie, Le Dictionnaire Larousse en ligne