L’évolution du jeu vidéo a permis la complexification de la relation éditeurs-joueurs. Les moyens techniques ayant évolués, les entreprises du jeu vidéo, ont réussi à rentabiliser leur produit, non plus lors de la simple vente mais durant tout son cycle de vie. On parle de « Microtransaction », de « loot boxes » ou encore de « modèle freemium ». Tout est bon pour mettre les joueurs dans des situations ou le simple achat du jeu n’est pas suffisant. Débloquer, collecter, optimiser son expérience de jeu est aujourd’hui payant. Un modèle économique qui se retrouve critiqué dans de nombreux pays et aujourd’hui peut être en France. En effet, depuis début septembre les plaintes s’accumulent envers la saga emblématique de la compagnie Electronic Arts (EA). Notamment sur FIFA 21 et cela avant même sa date de sortie officielle ! Aujourd’hui le parquet de Lyon est saisi et a ouvert une enquête auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Que reproche-t-on exactement à Electronic Arts ?
Maître Kharim Morand-Lahouazi, avocat pénaliste à l’origine de la plainte décisive contre EA, est catégorique « On a pris le sport numéro un, on l’a fait entrer dans une console, on y a mis les règles du casino en ligne, on a mis la console dans une maison, on a donné une manette à un enfant, et on a dit : ‘’vas-y,éclate toi’’ C’est las Vegas dans un jeu de foot »[1]. Le juriste fait référence au mode FUT (pour FIFA Ultimate Team) ou le joueur doit constituer son équipe virtuelle : stades, maillots, cosmétiques mais surtout cartes des joueurs. Or, pour créer et optimiser une équipe compétitive, le joueur peut acheter des « loot boxes ».
Que sont ces ‘boites de butin’ ?
Elles se réfèrent à un système intégré au jeu, de récompenses achetables de manière répétée avec de l’argent réel, afin d’obtenir une sélection aléatoire d’item virtuels [2]. Ce qu’on reproche au mode de jeu FUT c’est qu’il va favoriser le joueur ayant le plus de ‘cartes rares’, cartes dont les probabilités d’obtentions sont extrêmement basses. Pour résumer, c’est un système « pay to win » (Payer pour gagner) : plus le joueur dépense, plus il obtient des joueurs rares et donc, plus grandes seront ses chances de gagner. L’acheteur peut même revendre son butin à d’autres joueurs contre de l’argent réel.
De là, de nombreuses passerelles peuvent être faites entre ces fameuses « loot boxes » et les jeux d’argent aléatoires, très encadrés par la loi [3]. Qualifiées de « Loteries déguisés et prohibées » les loots boxes sont aussi pour Maître Morand-Lahouazi « une pratique commerciale trompeuse ».
Vers la régulation ? l’interdiction ?
On peut d’ores et déjà spéculer sur la décision que devra rendre la juridiction Lyonnaise. La controverse de ce système de récompense a déjà été évoquée en France dans une lettre de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) adressée au président de UFC que choisir [4]. En effet, en 2017 cette autorité s’inquiétait de faire possiblement entrer les « loot boxes » dans la catégorie jeux d’argent « Ainsi si l’achat d’une ‘’ loot box’’ permet de bénéficier de personnages ou d’armes qui sont vendues par ailleurs sur le site de l’opérateur, on est bien en présence d’une loterie prohibée ». Une position déjà adoptée au niveau international par d’autres pays européens tels que la Belgique et le Pays-Bas. Aujourd’hui, ils qualifient les « loot boxes » de jeux de hasard, interdisant de ce fait le mode FUT de FIFA dans leurs pays [5].
Conclusion
Il va sans dire qu’Electronic Art n’en restera pas là, le mode FUT représentait en 2018 et 2019 cinq milliards de dollars pour cette entreprise, près du tiers de son chiffre d’affaires ! [6] Celle-ci est d’ailleurs en pourparlers avec la commission des jeux Belge afin de trouver un compromis. Mais aussi, sous astreinte par le Pays-Bas tant que la compagnie ne modifiera pas sa stratégie économique. La France se joindra t’elle aussi au combat ?
Source :
[1] : Alexandre AFALO « La face sombre de Fifa ultimate team », so foot.com 26 octobre 2020
[2] : Danie L.King « Addiction » Volume 113, issue 11 pages 1967-1969 28 novembre 2018
[3] : Loi N°2010-476 du 12 mai 2010 relative à a concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, article L320-1 et suivant.
[4] : Lettre de l’ARGEL adressé à Monsieur Alain BAZOT, président de l’UFC que choisir, 22 novembre 2017 [PDF : https://cdn2.nextinpact.com/medias/arjel-lootboxes-ufc.pdf]
[5] : Nouvelles du monde. Com « Court : Les packs de la FIFA sont des jeux de hasard et EA doit adapter le jeu aux Pays-Bas » 29 octobre 2020
[6] : ‘Clementoss’, rédaction jeuxvideo.com « ultimate team représente 28% du chiffre d’affaires d’EA en 2018/2019 » 28 septembre 2019